NBA: Ian Mahinmi explique pourquoi il a choisi le mot "vote" sur son maillot

Ian Mahinmi, le pivot des Wizards de Washington et international français, s'est confié à RMC Sport sur la vie dans la bulle sanitaire à Orlando et son choix de jouer avec le mot "Vote" dans le dos, à quelques jours de la reprise NBA (31 juillet).
Ian Mahinmi, comment se passe votre préparation de la reprise de la saison de NBA dans la bulle d'Orlando?
Ça va très, très bien. Ça se passe beaucoup mieux que prévu. Même si je n’avais pas trop d’attentes, c’est vrai que je suis agréablement surpris, après une petite période d’adaptation les premiers jours, dans laquelle on se rend compte des limites. La NBA s’est très bien adaptée et a su proposer des solutions.
Comment s’est déroulée votre arrivée dans la bulle?
Avant notre arrivée, on a été testés sur une période de 5-6 jours, tous les jours, dans nos clubs respectifs où on avait repris les entraînements individuels. Nous sommes arrivés dans la bulle avec une période de deux tests. La durée de cette période variait entre 36 et 48 heures. Mais il fallait que tout le monde passe deux tests négatifs pour pouvoir reprendre les entraînements. Donc nous, on est arrivés il y a deux semaines, un mardi soir. Quand on est arrivés à la bulle, on a fait un premier test. À partir de ce moment-là, nous sommes restés dans nos chambres jusqu’au jeudi. Une fois les tests négatifs, nous avons été autorisés à sortir de nos chambres pour partir s’entraîner le jeudi soir. Depuis, on a repris un rythme, on s’entraîne tous les jours. On a des créneaux assez particuliers. Tu t’entraînes et une fois ton créneau terminé, tu dois sortir. Il y a une équipe qui entre sur le parquet pour nettoyer afin de laisser la place à une autre équipe. On ne se croise pas vraiment entre équipes, à vrai dire. On revient directement à notre hôtel. Dans notre hôtel, à Disney World, on a six équipes. Il y a nous, les Wizards de Washington. Ensuite, je suis avec Jaylen Hoard, qui est avec les Blazers. Je suis aussi avec Elie Okobo, qui est avec les Suns de Phoenix. Il y a aussi les Pelicans de la Nouvelle-Orléans, les San Antonio Spurs et les Kings de Sacramento. Je croise pas mal de mes connaissances. Voilà les six équipes qui sont avec nous. Ça ressemble un peu à une campagne en équipe de France, une campagne d’équipe nationale en Coupe du monde. Dans l’hôtel, t’as quasiment tous tes adversaires, disposés dans différents étages. Mais on se croise à différents moments de la journée. Ça me rappelle l’équipe de France, c’est bon enfant.
Vous croisez les autres Français?
Non, car Evan (Fournier) et Rudy (Gobert) sont dans un autre hôtel. Mais à partir d’aujourd’hui, on a le droit d’aller dans les hôtels des autres équipes. Je crois qu’on dispose d’une navette toutes les heures afin de se rendre directement dans les autres hôtels. Il y a deux autres hôtels. Je pense qu’on est autorisés à dîner ou aller passer un peu de temps avec les joueurs, les coachs et les staffs des autres équipes, qui sont ailleurs.
Comment se présente l’aspect sanitaire dans la bulle?
C’est très simple. On applique les mêmes gestes barrières depuis des mois: se laver les mains, le gel hydroalcoolique, la distanciation sociale, le masque… On a des boîtiers automatiques de gels hydroalcoolique dans tous les recoins. On doit réaliser un test une fois par jour. En termes de distanciation sociale, on n’est pas nombreux. On est vraiment peu nombreux dans un bel hôtel. Donc c’est plutôt simple de garder nos distances entre nous.
Comment vous occupez vos journées, au-delà des entraînements?
C’est particulier. Au début, je pensais que j’allais avoir beaucoup de temps. Mais je me rends compte que mes journées sont vraiment très chargées et que je n’ai pas énormément de temps pour faire tout ce que je voudrais faire. Je suis venu tout de même dans la bulle avec l’ambition de travailler beaucoup pour ma communauté, sachant ce qu’il se passe aux Etats-Unis et en France, mais surtout partout dans le monde en termes d’injustice sociale et de problèmes raciaux que notre monde subi. Je suis vraiment dans une réflexion où j’écris beaucoup en ce moment. Je m’éduque beaucoup, je lis énormément. Je m’éduque aussi à travers beaucoup de vidéos et de documentaires. Ça occupe une bonne partie de ma matinée. Mon métier de basketteur professionnel occupe forcément une bonne partie du temps. On s’est beaucoup exprimé, nous, les joueurs. Être dans cette bulle nous offre une plateforme. Une plateforme qui, selon moi, se découpe en trois parties. La première, quand t’es dans la bulle, t’as du temps pour t’éduquer, pour lire, te documenter et voir un peu ce qu’il se passe. La deuxième, t’as du temps pour te regrouper avec d’autres personnes pour échanger et avoir des dialogues très intéressants et productifs. Le fait d’avoir tout le monde de la NBA, joueurs, coachs, staffs, réuni dans un seul endroit, c’est tout de même assez exceptionnel. Et la troisième partie, c’est les médias. Vous êtes assez friands d’actualité. Vous nous donnez la possibilité de nous exprimer. Pas seulement sur le basket, mais aussi sur tout ce qu’il se passe socialement dans notre communauté. Je prends pleinement avantage de cela. Une partie de ma journée est dédiée à cela: comment utiliser ma plateforme? Comment discuter et échanger avec des Zooms, des appels, des rencontres, des dîners? Je me garde tout de même une partie de ma journée pour ma famille (sourire). J’appelle mes proches afin de garder ce lien de connexion avec ma maison.
Avec ce qu'il s’est passé aux États-Unis, l’affaire George Floyd, et en France, avec l’affaire Traoré, quel message voulez-vous faire passer?
C’est bien de faire passer des messages, comme vous pouvez le voir sur mon tee-shirt: "Black and Proud" (Noir et fier). Un message qui vient de James Brown, le chanteur populaire. Au-delà des messages, il faut aussi se rendre compte d’un combat qui est mené depuis pas mal de temps. Les cas Traoré et Floyd ne sont pas des cas isolés. Ce genre de cas arrive depuis des années. J’essaie de porter ma réflexion sur des solutions pour résoudre ces problèmes et trouver un terrain d’entente. Sur mes réseaux sociaux, je pousse beaucoup pour le vote. Pour moi, le vote, en tant que citoyen, est le moyen le plus efficace de se faire entendre et de changer les choses dans sa communauté. Particulièrement pour moi, ce n’est pas forcément un vote aux élections présidentielles qui compte mais plutôt un vote aux élections locales.
Vous avez particulièrement parlé de l’État du Texas sur vos réseaux sociaux. Pourquoi plus le Texas que d’autres endroits?
Je prends le Texas comme exemple car c’est là où j’habite pendant les hors-saisons. Ma femme vient de San Antonio, j’ai une maison à San Antonio et avant d’entrer dans la bulle, j’étais à San Antonio. C’est là où je vis. Pour moi, le Texas, c’est ma deuxième maison. Quand je vous parle du vote local, je me sens encore plus concerné du fait que je n’ai pas le passeport américain mais je suis titulaire de la "Green Card" (carte de résident américain, ndlr). Je dépends donc encore plus des citoyens américains, plus particulièrement des habitants de mon État, car ils vont voter pour les leaders qui vont diriger nos communautés. J'ai lancé un message où j’accentue vraiment sur le vote local pour dire de faire attention pour qui nous votons. Il y a énormément de votes locaux qui ont lieu actuellement un peu partout aux États-Unis. Mais il y a un timing très serré à respecter et il faut savoir quand et pour qui tu votes. J’essaie d’éduquer les gens, au cas où ils ne sont pas au courant de certaines choses. Je motive les gens pour aller voter et pour qu’ils soient enregistrés sur les listes électorales. C’est mon discours actuel. Pour être honnête avec vous, même si on est dans une démocratie, je pense qu’on est dans un système qui est encore vachement contrôlé. Dans ce système, qui pour moi n’est pas très idéal, je pense que le vote est le meilleur moyen de se faire entendre. C’est ma réflexion personnelle. Derrière mon maillot, il y aura le mot "Vote", même si j’ai poussé pour mettre "Vote Locally" car c’est vraiment là où l’exclamation se porte. Mais ils n’ont pas voulu. Mais derrière mon maillot, il y aura finalement "Vote".
Vous aimeriez porter ce genre de message politique en France?
C’est une question que je me suis posée. C’est une question personnelle car je m’éduque énormément sur ce qu’il se passe dans le Texas et aux États-Unis. Et je dois faire exactement le même process pour les élections françaises. Je dois donc en premier m’informer, avant de porter un signal pour ma communauté outre-Atlantique.
Revenons au basket, à quoi ressemble l’ambiance sur les parquets?
C’est très bien fait. C’est toujours particulier de jouer un match sans fans. La manière dont ils ont organisé le terrain et le hors-terrain, c’est super bien fait. On ne sent pas vraiment de vide. On sent que c’est chaud, que c’est chaleureux. Il y a peut-être une amélioration à faire sur les lumières car ça éblouit à certains endroits. Mais à part cela, le terrain ressemble vraiment au terrain qu’on côtoie dans notre quotidien normal en tant que basketteur NBA. Les arbitres sont là. Mais la différente configuration du banc de touche est aussi assez très intéressante, où on est dispatchés par rang. D’habitude, il y a un seul rang pour tous les joueurs mais cette fois, il y a trois rangs. Les coachs sont aussi espacés. Au début, c’est un peu bizarre. C’est bizarre car tu entends tout, des grincements des chaussures aux consignes du coach. C’est une ambiance particulière. Au fur et à mesure, dès que tu es entré dans le match, tu oublies ce vide et ce silence. Et cela devient un match normal. Ça fait penser un peu à un entrainement. Tu donnes tout ce que tu peux et t’essaies de gagner. T’oublies un peu tout ce qui se passe en dehors du terrain.
Aucun joueur n’a manifesté de crainte?
Non, c’est super sécurisé. On est testés tous les jours. Je comprends certains joueurs qui ont déjà prévenu à l’avance qu’ils allaient partir parce qu’ils ont des enfants ou qu’ils attendent l’arrivée d’un nouveau-né, comme c’est le cas avec Vincent Poirier ou son coéquipier Gordon Hayward. Au delà de ça, je pense que l’atmosphère est saine et il n’y a aucune peur, aucune crainte. Franchement, c’est très bien organisé. C’est de la NBA, c’est du top top top niveau. Il n’y a pas grand-chose à dire. S’il y a quelque chose à dire ou à signaler, tu peux le faire et les choses sont directement corrigées. Je pense que les joueurs sont désormais plutôt focalisés sur eux-mêmes afin de retrouver leur rythme et leur forme physique pour pouvoir batailler et remporter ce titre.
Quelles sont les ambitions des Wizards pour la fin de la saison? Visez-vous le titre ou cela va être compliqué?
Il faut être réalistes. Je pense qu’on a un groupe qui est très jeune. Mais ce qui se passe actuellement est aussi une expérience très importante car on va pouvoir jouer des matchs très compétitifs au mois d’août. Ces matchs comptent, donc nous allons jouer pour gagner. Pouvoir s’entraîner et passer du temps entre nous, ce n’est pas donné à tout le monde. Et je pense qu’il y a énormément de joueurs qui ne sont pas dans la bulle qui aimeraient venir dans la bulle. Ils aimeraient jouer au basket car c’est ce qu’on fait de mieux, c’est notre boulot. Pour certains rookies, c’est leur boulot depuis peu de temps. Mais pour les vétérans, comme moi, c’est leur boulot depuis pas mal de temps. Pouvoir le faire à ce niveau au mois d’août, c’est une belle expérience. En tant que jeune équipe, on veut prendre bénéfice de cette expérience. On a beaucoup d’entrain. On fait preuve de beaucoup de volonté à l’entraînement. On va essayer de prendre les matchs un par un et de progresser, d’y aller sans appréhension. On va jouer notre basket et essayer de gagner les matchs pour voir jusqu’où on peut aller.
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