F1: de la FIA à Renault, le très troublant départ de Marcin Budkowski

A 40 ans, le Polonais Marcin Budkowski vient de quitter ses fonctions de directeur technique de la Fédération internationale de l’automobile (FIA) pour occuper celles de directeur exécutif au sein de l’écurie Renault. Un départ étrange qui fait grincer quelques dents en Formule 1.
L’affaire est digne d’un roman d’espionnage. C’est l’histoire d’un homme qui sait tout des F1 2018. Qui connaît les règlements par cœur, pour les avoir écrits. Qui répond depuis des mois aux sollicitations des écuries voulant s’assurer que leurs projets sont bien conformes aux lois du sport. L’histoire d’un arbitre en passe de devenir joueur. Cet homme, c’est Marcin Budkowski, Polonais de 40 ans, directeur technique de la FIA. Enfin, ex-directeur technique, puisqu’il a démissionné sans prévenir, à la fin du mois de septembre pour signer chez Renault en tant que directeur exécutif. Il purge actuellement une carence forcée de trois mois (c’est dans les statuts de la FIA) et pourrait entrer dans ses nouvelles fonctions dès janvier. Mais pour calmer la grogne qui monte dans le paddock, il ne devrait débuter qu'en avril...
Avec ses secrets chez Renault
Car dans le cadre de ses précédentes attributions, Budkowski a pu observer de près le design, les secrets de fabrication, les équilibres des monoplaces de ses futurs concurrents. Le directeur technique de la FIA, c’est l’homme à qui on s’adresse quand on imagine de nouveaux développements : sont-ils dans les clous de la règlementation ? Peut-on continuer à travailler dans ce sens ? Ces derniers mois, il a également multiplié les visites dans les usines, les souffleries des équipes. Ces secrets, il les emporterait chez Renault. C’est un peu comme si, à la LFP, un type était chargé de superviser tous les entrainements, détails tactiques inclus, de toutes les équipes de ligue 1. Puis qu’il signait dans un club. Impensable ? C’est ce que disent les autres patrons d’écurie.
Christian Horner : "Nous allons au-devant d’un problème majeur"
Les principales équipes ont demandé que le sujet soit à l’ordre du jour de la prochaine réunion du groupe stratégique de la F1 (le 7 novembre), instance qui regroupe six écuries : Mercedes, Ferrari, Mc Laren, Force India, Williams et Red Bull. Leur objectif : forcer la FIA à allonger la période de carence obligatoire et la porter à un an.
"Inquiétant" selon Ferrari
Peu de "team principals" évoquent cette affaire micros ouverts. Mais celui de Red Bull, Christian Horner, n’a pas pris de gants : "Nous allons au-devant d’un problème majeur. Marcin était quelqu’un de responsable, parce qu’il était dans une position extrêmement privilégiée." "C’est inquiétant, appuie Mattia Binotto, directeur technique chez Ferrari. Je crois que les personnes qui sont là-dedans ne doivent pas être très bien dans leurs souliers. C’est quelque chose dont on va encore discuter sur d’autres tables parce que c’est important de savoir comment on va gérer ce genre de situations dans le futur."
Vers une rétention d’informations ?
Le patron d’une écurie membre du groupe stratégique confie à RMC Sport : "Du calme. Ça n’est pas une affaire d’Etat non plus" avant d’ajouter, résigné : "de toute façon on ne peut rien faire. Renault a été malin. Il faut juste s’assurer que cela ne se reproduira pas." Le vrai problème que cela pose, selon lui, relève de la confiance. "Quand je demande à mes ingénieurs d’être créatifs, on flirte toujours avec la limite des règlements. Donc on se tourne en permanence vers le directeur technique de la FIA. Il est au courant de tout ce qu’il se passe dans toutes les écuries Si on se dit qu’il peut à tout moment signer chez un concurrent, on partagera moins d’informations. Donc on prendra le risque d’aller trop loin et de se faire sanctionner."
Quel avantage peut en tirer Renault ? "Gagner du temps, répond ce patron d’équipe. Il sera trop tard pour copier les voitures des autres. Mais il pourra dire tout de suite untel fait ça, untel pense ça. Et donner des indications précises sur la direction à choisir. Ça va considérablement aider Renault à franchir une étape dans sa reconstruction."
Abiteboul : "Une tempête dans un verre d’eau"
Du côté du motoriste français, on tente de calmer le jeu à l'image de Cyril Abiteboul : "Quel que soit le moment où il commence, il n’aura pas d’impact sur les voitures 2018 dont les gênes les plus profonds sont déjà ancrés dans le marbre depuis bien longtemps", a confié à RMC Sport le team principal de Renault.
Si le dirigeant comprend l'agacement de ses rivaux, il défend son équipe et bien sûr Marcin Budkowski,"personne qui a une grande expérience en F1, qui sort d’une grande école française (les mines) et qui va incarner et faire grandir l’écurie."
"On n'est pas là pour avoir accès à des petits secrets, on se projette jusqu'en 2020, poursuit Abiteboul. C'est typique de la F1, une tempête dans un verre d’eau. Il faut que cette polémique cesse. La F1 aime bien préserver ses avantages et certaines équipes n’aiment pas qu’un petit Français comme Renault vienne potentiellement bouleverser l’ordre établi." Ambiance.
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