Barça: cinq questions pour comprendre la crise de gouvernance actuelle

Le Barça est en crise. Six dirigeants du club, dont le vice-président et le trésorier, ont présenté leur démission pour réclamer des élections anticipées et tirer à boulets rouges sur la présidence du très contesté Josep Maria Bartomeu. Des critiques qui ne datent pas d'hier, à cause d'échecs sportifs conjugués à des scandales révélés par la presse.
Qui sont les dirigeants démissionnaires?
Opposés à la présidence de Josep Maria Bartomeu, six dirigeants du FC Barcelone ont présenté jeudi soir leur démission. Ils réclament la tenue d'élections anticipées dès l'issue de la crise de coronavirus.
"Nous en sommes arrivés à ce point car nous ne nous voyons pas capables de changer les critères et les formes de la gestion du club face aux importants défis du futur et, en particulier, concernant le nouveau scénario post-pandémie", ont indiqué les démissionnaires dans une lettre adressée aux socios du club blaugrana. Parmi les signataires figurent le désormais ex-trésorier du Barça, Enric Tombas, ainsi qu'Emili Rousaud, vice-président considéré jusqu'alors comme possible successeur de Josep Maria Bartomeu, qui ne pourra se représenter au prochain scrutin.
Comment cette crise a-t-elle pris forme?
Les critiques contre la direction actuelle ne datent pas seulement de cette année. Les objectifs sportifs manqués de ces dernières années sur la scène européenne y sont pour beaucoup. Le club le plus lucratif du monde, selon la dernière étude du réputé cabinet Deloitte, n'a pas disputé de finale de Ligue des champions depuis le titre de 2015 et il a même essuyé deux cuisantes remontadas contre l'AS Rome et Liverpool. Les erreurs sur le marché des transferts, à la suite du départ non anticipé de Neymar à l'été 2017, n'ont pas aidé. Le mauvais début de saison 2019-2020 en championnat, avec l'entraîneur Ernesto Valverde plus critiqué que jamais par les supporters et une Supercoupe d'Espagne perdue dès les demi-finales, a néanmoins provoqué une série de polémiques dans les précédents mois.
Deux épisodes ont été tout particulièrement marquants. D'abord les vives critiques publiques de Lionel Messi contre le directeur sportif Éric Abidal, homme de confiance de Josep Maria Bartomeu. Le responsable français s'était permis dans une interview de critiquer les joueurs en évoquant les raisons du licenciement d'Ernesto Valverde: "Beaucoup de joueurs n'étaient pas satisfaits et ne travaillaient pas beaucoup". Quelques heures après, la réponse de la Pulga fusait sur Instagram: "Les responsables de la direction sportive doivent eux aussi prendre leurs responsabilités et surtout assumer les décisions qu'ils prennent".
Puis le "Barçagate" est survenu. Le club a été accusé par des révélations de presse de payer une entreprise, I3 Ventures, pour entreprendre des campagnes d'influence et calomnie sur les réseaux sociaux. Objectif supposé: discréditer des joueurs du club, des supporters et des adversaires. La presse espagnole a publié des captures d'écran de messages remontant à 2017 pour les plus anciens, qui détériorent l'image des joueurs, pestant par exemple contre la prétendue lenteur de Lionel Messi à renouveler son contrat, ou contre les affaires personnelles de Gerard Piqué, engagé dans l'organisation de la nouvelle Coupe Davis. Des légendes comme Xavi, Carles Puyol ou encore Pep Guardiola ont aussi été des cibles de cette campagne.
Pourquoi la crise s'aggrave-t-elle maintenant?
La paralysie actuelle du football, à cause de la pandémie de coronavirus, n'a pas mis le conflit entre parenthèses. Bien au contraire. La volonté du club de diminuer temporairement les salaires des joueurs pour faire face au manque à gagner provoqué par l'interruption des compétitions. Après de longues discussions qui ont suscité un nouveau psychodrame dans les médias, les coéquipiers de Lionel Messi ont fini par accepter de faire économiser 14 millions d'euros au club. Ce que le désormais ancien vice-président Emili Rousaud a jugé "insuffisant", considérant que la stabilité économique du club était menacée et constatant que le Real Madrid avait obtenu plus de 50 millions d'euros de baisses salariales.
L'occasion pour Emili Rousaud de rappeler ses griefs à l'encontre de Josep Maria Bartomeu, qu'il a lourdement attaqué avec des allégations de corruption autour du "Barçagate". L'audit commandé par le président semble montrer que le club a surfacturé les prestations d'influence numérique. "Si les auditeurs nous disent que le coût de ces services est de 100.000 euros et que nous avons payé un million d'euros, cela signifie que quelqu'un a pioché dans la caisse", a déclaré le dirigeant démissionnaire, interviewé vendredi par la radio Rac1.
L'audit mené par PricewaterhouseCoopers "est toujours en cours et n'a par conséquent pas abouti à de quelconques conclusions", affirme le Barça tout en assurant avoir "facilité toutes les demandes d'informations et de moyens formulées par PwC depuis le début du processus".
Qu'en disent les joueurs?
À l'image du clash Messi-Abidal, les joueurs semblent agacés par la gestion actuelle du club. Ils ont tout récemment fait savoir dans un communiqué qu'ils avaient regretté que leur image avait été dégradée, estimant que le club avait laissé croire qu'ils étaient réticents à baisser leurs salaires.
"Cela nous étonne que, depuis l'intérieur du club, il y ait des gens qui veulent nous mettre sous le feu des critiques et nous mettre la pression pour faire quelque chose que, nous, nous avons toujours voulu faire", a plaidé Lionel Messi dans un message publié sur ses réseaux sociaux, puis partagé par le reste de l'équipe. Ce communiqué a été interprété par la direction comme un signe de mécontentement du vestiaire.
Quelle suite?
Face aux "graves et infondées accusations", le club dit se réserver le droit de mener des actions pénales. Mais cet épisode remet surtout les projecteurs sur les prochaines élections pour la présidence du club, qui ne sont en principe prévues qu'en 2021. Pour rappel, Josep Maria Bartomeu, président depuis 2014, ne peut se représenter.
Alors chacun place ses pions sur l'échiquier politique. Le vice-président Emili Rousaud se présente désormais en pourfendeur de Josep Maria Bartomeu. Mais il a fait partie de la direction actuelle que Lionel Messi n'apprécie guère. Or, l'homme d'affaires Victor Font, premier déclaré candidat à cette élection, a les faveurs de plusieurs grands noms du Barça, tels que Carles Puyol ou Xavi. Le même Xavi qui a publiquement fait savoir qu'il souhaitait s'asseoir sur le banc de touche du Camp Nou à moyen terme.
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