Bergeroo : « Même Barthez est déjà passé au travers »

Entraîneur des gardiens de l’équipe de France championne du monde en 1998 et lui-même international à trois reprises, Philippe Bergeroo revient sur les cinq buts encaissés par les deux gardiens des Bleus, Hugo Lloris et Steve Mandanda, dimanche.
Philippe Bergeroo, tout d’abord qu’avez-vous pensé de ce match nul incroyable (5-5) entre Lyon et Marseille dimanche soir ?
C’était un match exceptionnel, car on ne voit pas souvent dix buts dans un match de football. Il y a eu beaucoup d’erreurs de part et d’autre, mais cela fait partie du jeu.
Là, il s’agissait tout de même des deux gardiens de l’équipe de France, Hugo Lloris et Steve Mandanda. Quel regard portez-vous sur leur prestation, à quelques jours des deux matches de barrages face à l’Irlande ?
Quand on prend cinq buts, on ne peut évidemment pas dire qu’on a fait une bonne performance. Il sera intéressant de voir leurs réactions… Lorsqu’on prend plusieurs buts comme ça, je sais qu’on revient aux bases à l’entraînement, en recommençant ses gammes comme un pianiste. Ils ont tous deux quatre ou cinq jours pour revoir tout ça et comprendre ce qu’il s’est passé.
Selon vous, peut-on dire que l’un ou l’autre a péché à un moment donné sur l’une des actions menant au but ?
Je parlerai de manière générale. Ce qui est important pour un gardien de but, c’est l’aspect psychologique. On sait très bien que sur une saison, un gardien va faire deux ou trois mauvais matches. A eux de se reprendre, mais je crois savoir que tous les gardiens de première division disposent déjà une aide psychologique, de la relaxation ou de la sophrologie, pour les aider à retrouver rapidement confiance.
Mais prendre cinq buts comme ça, juste avant de disputer des matches aussi important que ceux face à l’Irlande, ne peut-il pas avoir des conséquences sur leur prochaine prestation ?
Non. Je pense qu’ils ont assez d’expérience pour ranger cela dans le passé. Mieux vaut prendre ces cinq buts dimanche que pendant les barrages. Ils doivent tous les deux aller de l’avant maintenant, et ne surtout pas revenir en arrière. Ce sont deux gardiens exceptionnels, mais il faut savoir que ça arrive même aux meilleurs. On se souvient tous d’Arconada et de sa bêtise en finale du Championnat d’Europe 1984 (alors que le gardien espagnol semblait bien parti pour arrêter un coup-franc de Michel Platini, il a laissé maladroitement le ballon lui glisser sous le corps et rentrer dans le but. Depuis, « faire une Arconada » est utilisé lorsque le gardien de but se couche sur la balle mais que celle-ci lui glisse sous le corps, ndlr)… Mais malheureusement pour lui, on ne retient que son erreur, en oubliant qu’il a été exceptionnel en demies, en quarts et en huitièmes… Il faut passer à autre chose, et Lloris et Mandanda sont tous les deux capables de le faire très vite.
Fabien Barthez, qui intervient souvent auprès de l’équipe de France, pourra-t-il aider les aider cette semaine ?
Je ne sais pas s’il est présent avec le groupe cette semaine... Mais cela ne peut être que bénéfique sur le plan psychologique d’entendre un gardien de très très haut niveau comme lui dire qu’il a eu lui aussi des périodes de moins bien. Cela peut rassurer de savoir que même Fabien Barthez est passé au travers sur certains matches.
Raymond Domenech a laissé entendre jeudi en conférence de presse qu’il n’avait pas encore établi de hiérarchie parmi ses gardiens. Ces déclarations ont-elles pu peser sur les prestations de Lloris et Mandanda dimanche ?
Non, car selon moi, la hiérarchie est déjà établie. Je pense que la décision est prise depuis un petit moment…
Hugo Lloris est le numéro un selon vous ?
Il est vrai que Hugo Lloris fait de très belles performances avec Lyon. Mais c’est Raymond Domenech qui fera son choix avec l’aide de Bruno Martini (l’actuel entraîneur des gardiens). Personnellement, je pense qu’il n’est pas bon de changer continuellement de gardien.
Surtout que Lloris a été énorme contre Liverpool…
On a la chance d’avoir deux gardiens de très très haut niveau. Dans tous les cas, je pense qu’il est important de continuer à travailler avec les deux, car ils ne sont vraiment pas très loin l’un de l’autre.
Personnellement, qui préférez-vous ?
(Rires) Aucun. Non, je ne vais pas me brouiller avec Bruno Martini. J’ai une préférence, mais je la garde pour moi.
On dit que Lloris est meilleur sur les sorties aériennes. Est-ce que cela peut jouer à l’heure d’affronter l’équipe d’Irlande qui privilégie les coups de pied arrêtés et le style britannique…
Je sais que le staff étudie sur vidéo le jeu de l’adversaire depuis un moment. Ce sont des situations qui peuvent permettre au staff de choisir le gardien, ou alors au gardien de s’adapter au jeu adverse.
Comment voyez-vous cette double confrontation face à l’Irlande ?
60-40 pour la France. Ce sera très compliqué selon moi, et le premier match sera primordial. On a les joueurs pour aller à la Coupe du Monde, et je crois que tout le monde est conscient de l’enjeu. Ce serait en effet dramatique pour le football français que l’équipe de France ne soit pas présente en Afrique du Sud.
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