Sextape de Valbuena: l’enquête est-elle valide?

La chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris statue ce jeudi sur la validité de l'enquête sur l'affaire de chantage concernant la vidéo des ébats sexuels de Mathieu Valbuena. Le rôle d'un policier sous couverture est au coeur des débats.
"Même à mon pire ennemi, je ne ferais pas ça." Les mots de Mathieu Valbuena en novembre 2015 ne sont pas tendres à l'encontre de son ancien coéquipier de l'équipe de France, Karim Benzema. Ce dernier est alors mis en examen pour "complicité de tentative de chantage " et "participation à une association de malfaiteurs" dans ce que l'on nomme désormais l'affaire de la sextape. Ce chantage a-t-il été réellement orchestré par les mis en cause ou provoqué par l'un des protagonistes?
C'est la question que va trancher ce jeudi matin la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris. Les magistrats doivent confirmer ou infirmer une décision de la Cour de cassation en juillet 2017 qui avait invalidé l'enquête débutée en 2015 sur ces soupçons de chantage à la sextape du joueur de football Mathieu Valbuena. La plus haute juridiction française avait donné raison à la défense qui considère que la procédure d'enquête n'a pas respecté les règles.
Une enquête débutée en 2015
Pour rappel, l'affaire débute en 2014, date à laquelle Axel Angot est soupçonné d'avoir transféré une vidéo des ébats sexuels de Mathieu Valbuena de l'ordinateur de ce dernier sur un disque dur. L'homme en parle alors à Mustapha Zouaoui, l'homme de main de plusieurs footballeurs de Marseille. En mai 2015, Djibril Cissé, alerté par Zouaoui, met en garde son coéquipier et l'assure d'avoir réglé le problème. Mais le mois suivant, Mathieu Valbuena est contacté par un troisième homme, Younès Houass. Ce dernier lui affirme d'avoir la vidéo en sa possession.
Judiciairement, l'enquête débute en juin 2015 après le dépôt de plainte de Mathieu Valbuena qui se dit alors victime d'une tentative de chantage. A ce moment-là, un policier, commissaire à la PJ de Versailles, se fait passer pour un proche du footballeur auprès de Younès Houass. Les deux hommes auraient échangé à six reprises, selon Le Monde. Toutes ont été enregistrées par les enquêteurs. On y parle d'argent. Mais à l'initiative de qui? De Houass ou de ce policier infiltré sous le pseudonyme Lukas? C'est tout l'enjeu de la procédure.
Le policier n'a pas respecté les règles?
Car pour les avocats de la défense, l'officier a poussé les protagonistes de l'affaire, en particulier Younes Houass, considéré par les enquêteurs comme le corbeau présumé, à réclamer de l'argent en échange de la vidéo intime de Mathieu Valbuena. Younes Houass n'a été, selon son avocat Samim Bolaky, "que la courroie de distribution entre Valbuena, Zouaoui, Angot et 'Lukas'". "Mais il n'a jamais vu la vidéo, il ne l'a jamais eue entre les mains", a martelé le conseil contacté par l'AFP.
Surtout, "aucune contrepartie financière, aucune menace, qui sont les éléments constitutifs de l'infraction de chantage, n'étaient évoqués avant l'intervention du policier", avait-il rappelé en octobre lors de l'audience.
Dans ce dossier figure également le nom de Karim Benzema. L'attaquant du Real Madrid, ainsi que l'un de ses amis d'enfance Karim Zenati, sont avertis de l'existence de la sextape via Mustapha Zouaoui. En octobre 2015, Benzema aborde alors la question avec Valbuena. Quelle est la teneur de leurs échanges? L'un avance juste un conseil amical, l'autre est certain qu'il s'agit de faire passer un message des maîtres-chanteurs. Au total, six personnes ont été mises en examen dans cette affaire.
Invalidation totale ou partielle?
Désormais, la décision de la Cour de cassation est attendue et la question est de savoir si l'ensemble de la procédure peut être invalidée ou seulement les conversations entre le policier infiltré et Younès Houass. Pour l'avocat de Mathieu Valbuena, Paul-Albert Iweins, en revanche, "les policiers se sont comportés de façon parfaitement normale". Dans ce genre d'affaires de chantage, "le plus souvent, c'est un policier qui se substitue" pour négocier, selon lui.
"Si on devait considérer que les entretiens téléphoniques entre Houass et le policier sortent de la procédure, ça ne concerne en rien Benzema" et ne remet donc pas en question le volet de l'affaire impliquant le footballeur, avait-il souligné en octobre.
Au contraire, pour Sylvain Cormier, avocat de l'attaquant du Real Madrid contacté mardi par l'AFP, "l'ensemble de la procédure est viciée par les agissements de l'enquêteur". Le 4 octobre, il avait invoqué la théorie des "dominos": "si vous enlevez le début d'une enquête, si ses actes initiaux sont entachés d'irrégularités, eh bien l'ensemble doit tomber". Le parquet lui s’oppose à cette version : Dans son réquisitoire, il a estimé qu'il n'y avait "pas eu de provocation à l'infraction" et demandé la validation de l’enquête, ouvrant ainsi la porte à un éventuel procès.
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