Bernard, le bouquet final

Pour son dernier 100m en compétition internationale, Alain Bernard a pris une inattendue médaille d’argent, ce vendredi, lors des championnats d’Europe de Debrecen. Une façon de boucler son histoire d’amour avec la distance reine du sprint.
Un aller-retour en bassin. Voilà ce qui aura, pendant de longues années, dicté la carrière et la vie d’Alain Bernard. Posé sur le plot de départ du couloir numéro 1, l’Antibois a certainement vu défiler ce vendredi les souvenirs au moment de plonger pour son dernier 100m international. Des souvenirs qui l’ont d’abord ramené cinq ans en arrière, ici-même à Debrecen. Car c’est dans le bassin hongrois que le natif d’Aubagne a remporté son premier titre européen (en petit bassin), en 2007. Depuis, beaucoup d’eau a coulé dans le sillage du colosse français. De l’eau très souvent synonyme de succès de prestige sur le 100m. Avec en point d’orgue une année 2008 de rêve.
Coup de tonnerre. Lors des « Europe » disputés à Eindhoven, Bernard va d’abord battre, en demi-finale, le record du monde (47’’60) détenu depuis 8 ans par Pieter van den Hoogenband. Le lendemain, le « Requin blanc » remporte le premier titre majeur de sa carrière en grand bassin, se payant le luxe de battre de nouveau au passage le record du monde devenu son propre temps de référence (47’’50). La légende est en marche. Cinq mois plus tard, dans le bassin olympique de Pékin, le nageur tricolore marque encore un peu plus l’histoire. Auteur d’un final de folie, il est sacré champion olympique devant l’Australien Eamon Sullivan (47’’21) et devient le premier Français sacré aux JO sur l’épreuve reine. Il repartira de Chine avec deux médailles supplémentaires : l’argent sur 4x100m et le bronze sur 50m.
Presque le 1er sous les 47 secondes
Mais Alain Bernard n’est pas que l’homme d’un seul coup ou d’une année. Ceux qui craignaient le « one shot » n’ont d’ailleurs pas été déçus. En 2009, lors des championnats du monde de Rome, l’élève de Denis Auguin décroche une très belle médaille d’argent derrière le Brésilien César Cielo, la nouvelle terreur du sprint mondial. Quelques semaines plus tôt, il avait bouclé un 100m record, devenant le premier nageur à passer sous la barre des 47’’ avec un chrono insensé de 46’’94. C’était alors l’époque dorée des combinaisons en polyuréthane et ce chrono ne sera jamais homologué. Cela n’empêchera pas Bernard d’être sacré une nouvelle fois champion d’Europe du 100m, l’année suivante, à Budapest, mais cette fois-ci en maillot de bain.
Malheureusement, les lendemains vont déchanter. Incapable de se qualifier lors des derniers championnats de France de Dunkerque pour le 100m des Jeux Olympiques (il y participera toutefois au titre du relais 4x100m), Bernard semble se diriger vers une fin de carrière en pente douce. Ebranlé, le colosse sort en larmes du bassin. En fin connaisseur, le public nordiste l’ovationne de longues minutes durant. Mais comme un grand champion ne meurt jamais, l’homme de 29 ans a tenu à soigner sa sortie avec cet inattendu mais culotté sursaut d’orgueil de Debrecen. Avec à la clé, une nouvelle médaille, cette fois-ci d’argent sur la distance reine qui l’a fait roi (48’’95). « Je suis vraiment content, il fallait y croire et il fallait oser, glisse-t-il. Il fallait beaucoup de culot pour tenter un coup d’esbroufe comme ça. C’est une revanche sur moi-même, avec mon tempérament de ne jamais rien lâcher. »
Debrecen, là où tout a presque commencé. Et là où tout s’est presque achevé. Comme si la boucle était bouclée. S’il lui reste encore un dernier challenge avec le 4x100m aux Jeux de Londres, Alain Bernard a en tout cas soigné sa « vraie » sortie. Celle d’un champion qui laissera une trace indélébile dans l’histoire de la natation.
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