Lucas : « Laure Manaudou, c’est une catastrophe »

Avant le début des championnats de France en petit bassin à Angers ce jeudi, Philippe Lucas, l’ex-entraineur de Laure Manaudou, a accepté de passer en revue les différents sujets d’actualité de la natation tricolore. Décapant !
Les retrouvailles avec Amaury Leveaux
« Je ne savais pas si j’allais continuer à l’entraîner après les Jeux. Et lui non plus. C’était un peu compliqué. Il cherchait un endroit pour s’entraîner. Au départ, il avait dans l’idée d’aller sur Marseille. Apparemment, les nageurs ne l’ont pas accepté ou je ne sais pas quoi. Et puis il y avait le Néerlandais qui l’avait contacté. Je ne sais pas comment il s’appelle (Jacco Verhaeren, coach de Pieter van den Hoogenband et Ranomi Kromowidjojo ndlr). Je ne le voyais pas partir en Hollande ! Il aurait fini avec le barreau de chaise ! (…) A un moment, quand j’ai vu que ça traînait, je lui ai dit ‘‘tu viens à Narbonne, le temps de nager un petit peu et puis si tu ne trouves rien, tu resteras avec moi’’. Il n’est pas revenu à un certain niveau pour arrêter de nager ou perdre du temps. Il a repris le 12 octobre. Il a retrouvé un club avec Mulhouse et puis il s’est remis à l’eau à Narbonne. J’ai trouvé un nageur sérieux, très sérieux même. Il vient à l’entraînement. Il n’en a pas loupé pour l’instant, je touche du bois. Il s’investit. »
La peur du gâchis
« J’aime beaucoup Momo. Ce n’est pas facile mais c’est un mec que j’aime beaucoup, sentimentalement. Il me fait rire. C’est Leveaux, quoi ! C’est un personnage intéressant, qui est loin d’être con, mais qu’il faut toujours canaliser. Moi, Narbonne, ça m’intéressait pour différentes raisons. J’ai cherché quelques nageurs, pour avoir deux ou trois mecs dans le bassin. Momo, comme il était perdu de vue, j’ai appelé Jacques Pradel ! (rires) Je l’ai appelé plusieurs fois pour lui dire de se remettre à l’eau, de nager. Il a recommencé à la Croix-Catelan, tout seul. A un moment, je lui ai dit ‘‘tu viens nager’’. Il était à l’hôtel, au début. Et puis il a pris une maison, il a acheté des meubles et il s’est installé. Il était revenu du fin fond de la cave. Je sentais l’histoire repartir. Même si ce n’était pas avec moi, il fallait qu’il continue sur sa lancée.
Quand tu vois que c’est un mec qui fait 48’’12 au start (premier relais du 4x100m), que la médaille (en individuel) est à 47’’7 et que tu sais ce qu’il a fait un an et demi avant, tu te dis que c’est malheureux. Il a vraiment le potentiel. En plus, il a pris des responsabilités. Ce n’est jamais facile de partir au start dans un relais en finale des Jeux Olympiques. C’est plus facile de se mettre au milieu, dans le ventre mou. Même si tu n’es pas bon, personne ne voit rien. Il y en a eu dans les relais français… J’en ai vu. Je demande pourquoi certains mecs ont eu des médailles. J’ai même vu des mecs qui n’étaient pas sélectionnés pour les Jeux et qui étaient champions olympiques (allusion à Jérémy Stravius, ndlr). C’était le 24 décembre pour eux. »
Une médaille aux Europe ?
« Ça ne va pas être facile… Pour moi, toutes les échéances en petit bain sont aussi importantes qu’en grand bain. J’entends dire des fois que le petit bain, c’est de la trompette. Mais les grands champions, ils sont bons en petit bain et en grand bain. Ils plongent en 25m, ils mettent une fessée à tout le monde. Ils plongent en 50m, ils mettent une fessée à tout le monde. Il y en a qui choisissent. Pour moi, ce ne sont pas des bons. Quand tu reprends tard, tu peux te dire que tu as 14 ou 16 semaines devant toi, mais tu peux te blesser, tomber malade… Et au final, t’es en retard et tu te retrouves sur Eurosport au mois de juillet. Comme il a fait à Shanghai. Un grand champion, c’est quelqu’un qui est capable de s’entraîner, qui est intelligent, qui est fort le jour de la compétition. Momo, pour s’entraîner, c’est un peu compliqué des fois. Mais aux Jeux, je l’ai trouvé bon. Sur le 50m, il s’est cru aux championnats de France. Il a touché avec la paille dans la bouche. A ce niveau-là, ce n’est pas possible. Le 4x200m, il aurait pu nager plus vite. Mais quand ils ont gagné le 4x100, lui, il a fermé les volets. C’était compliqué de le remotiver. Mais il a fait son meilleur temps, alors qu’il ne l’avait plus nagé depuis deux ans. Donc ça aurait été du gâchis. »
Florent Manaudou, le prodige
« Aux France, il va être seul au monde. A mon avis, il peut nager avec ses pantoufles. Florent Manaudou, c’est énorme. Moi, j’avais dit qu’il allait gagner le 50m aux Jeux. C’est un mec, il plonge, il bat tout le monde. En brasse, en dos, en pap’, en crawl. Ce n’est pas facile pour les autres. Le mec, il est énorme. Enorme ! Le jour où il va se mettre sur 100m, il va faire du dégât. Il est très, très fort. Je me rappelle quand il était jeune, quand j’avais Laure. Il venait passer une semaine à la maison. Je le mettais dans l’eau et déjà, il te faisait de ces trucs… Il est dans une bonne structure, avec un bon entraîneur. Il est en confiance, il est jeune. Il a l’expérience de sa sœur. Il a un grand, un très grand avenir. Il est puissant, costaud. Je voudrais bien le voir dans d’autres sports. Il doit être énorme aussi. C’est un athlète. »
Laure Manaudou, la déception
« Moi, je n’en pense plus rien depuis 2007. Ça fait cinq ans que j’ai décroché la prise. En plus, quand je parle d’elle, ça l’a fait ch… Et moi quand je parle d’elle, ça me fait ch… Sur trois Jeux Olympiques, elle en a fait un de bien. Le reste de sa carrière, c’est une catastrophe. Si t’analyses sa carrière, elle démarre en bombe. C’est la meilleure nageuse du monde. Après, derrière, c’est compliqué. Mais c’est une très grande nageuse, ça a été un plaisir de l’entraîner. En compétition, t’inquiète pas, elle savait pourquoi elle était là. Maintenant, franchement, je pense qu’il faut qu’elle arrête. Je suis persuadé par contre que si elle avait tout fait comme il fallait pour être présente aux Jeux, elle avait le potentiel pour être médaillée. Ça, j’en suis sûr. Aux Europe, elle peut gagner le 50m dos et même le 100m dos. Le petit bain, quand tu es doué… Je suis sûr qu’elle peut gagner quelque chose à Chartres. Ce sera une belle sortie. »
Son retour au sein de l’équipe de France
« Ça ne me fait rien. Ni chaud, ni froid. Je me rappelle comment Fauquet (l’ancien DTN, ndlr) m’a traité. C’est dans ma tête. On ne va pas refaire le monde. Mais j’avais failli ne pas aller aux Jeux. C’est le pauvre Sérandour, Monsieur Sérandour (ancien président du CNOSF, décédé en 2009), et le ministre des Sports, Monsieur Lamour à l’époque, qui m’envoient. En 2008, Esther Baron arrive une demi-journée en retard et ils la virent pour les Europe. Elle était championne d’Europe en titre. Et moi, j’attends devant la piscine. Trois mois après, je suis à l’Open de Paris. Il y a tous les médias, tout le monde. Les trois Marseillais ne plongent pas et eux, ils partent aux Jeux. A l’époque, ce n’était pas pareil pour tout le monde. Il (Claude Fauquet) m’a éjecté de l’équipe de France. Après, j’ai été roumain, italien. J’ai pris des pesetas, j’ai gagné des trucs. Là, j’y vais parce qu’il y a Leveaux. Autrement, je n’y vais pas. Le pauvre Christian Donzé (décédé le 21 octobre dernier), il a toujours été d’une grande correction. Il m’a toujours appelé. Il m’a toujours proposé. Ça a toujours été clair et précis. Avec Claude, je le vois, je lui dis bonjour, il n’y a pas de problème. Mais ça n’a pas été simple. Esther a payé pour moi. »
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