Coronavirus: Quand les Français se mettent au sport grâce au confinement

La situation sanitaire a conduit de nombreux Français à se remettre au sport, malgré le confinement. Explications.
Enfiler ses baskets et partir courir… Le geste est anodin… Mais Capucine l’avait oublié. A 30 ans, cette ingénieure redécouvre pendant le confinement ce plaisir simple. "En une semaine, j’ai couru deux fois 30 minutes et je me sens bien… La première sortie a été un peu dure, mais après j’étais fière. Je ne pensais même pas pouvoir tenir autant." Un sentiment qu’elle n’avait plus goûté depuis huit ans. La faute à un emploi du temps chargé et aussi, elle l’avoue à un manque d’envie. Alors pourquoi un retour soudain à reprendre la course? "J’avais vraiment besoin de me sentir active, de m’évader... Ça me pesait mentalement", reconnait la trentenaire, même si elle ajoute avec le sourire: "C’est vrai que je bois aussi plus qu’avant avec les apéros à distance avec les amis… Alors si c’est bouger moins et boire plus, ce n’est pas un super cocktail. A un moment t’as besoin de te défouler." Capucine symbolise bien ces Français qui ont repris une activité physique grâce au confinement. Selon une étude sur la pratique sportive des français, 29 millions déclarent en avoir une régulièrement. 10 millions seulement de temps en temps, tout âge confondu.
Si elle a choisi la course à pied, beaucoup se tournent vers les applications de coaching en ligne. Des vidéos où des professeurs distillent une série d’exercices pour se défouler et se renforcer. Leur nombre a explosé ces dernières semaines. A l’image des ventes d'appareils de fitness (haltères, tapis de sol,…) qui depuis le début du confinement ont augmenté de 200%. "Il y a, juge Virgile Caillet, Délégué général d’Union Sport & Cycle, une suractivité des français à domicile. Les enquêtes d’opinion sont très difficiles à mener, donc il n’y a pas encore de chiffres exacts, mais le sport, a pris une vraie place dans le quotidien des français et c’est tant mieux."
Dix fois plus d'aficionados des lives de Sarah Ourahmoune
Une tendance confirmée par Sarah Ourahmoune. La vice-championne olympique de boxe à Rio, poste sur son compte Instagram depuis plus d’un an des vidéos d’une dizaine de minutes pour réaliser seul chez soi du renforcement musculaire. Depuis le début du confinement, l’ancienne boxeuse les multiplie pour des publics de tous niveaux. Elle réalise aussi des directs de boxe d’une trentaine de minutes et à chaque fois, il n’y a besoin d’aucun matériel juste d’une bonne dose d’envie et de volonté. Et c’est une vraie réussite. En trois semaines, son compte a été suivi par 20.000 nouveaux abonnés et les connexions sont de plus en en plus régulières et nombreuses. "Au début, pour les directs boxe, il y avait 100 à150 personnes et maintenant selon les horaires, ça peut monter jusqu’à 1.500." De la même manière, elle reçoit quotidiennement des messages de nouveaux pratiquants qui découvrent ses vidéos. "Beaucoup m’expliquent qu’elles se sont remises au sport grâce à ça. Elles ont pris conscience qu’il fallait bouger un peu et prendre du temps pour soi. Les gens me remercient et veulent être accompagnés. Alors surtout, je prends le temps de répondre, de les conseiller, de les encourager aussi."
"Le sport est un médicament"
C’est ce qui s’est passé avec Sandra, 41 ans. Après une grave blessure et une hernie discale qui l’a immobilisée pendant un an, elle retrouve petit à petit la forme alors qu’elle pouvait à peiner marcher il y a encore quelques semaines. "Avec le confinement, je ne pouvais plus aller chez mon kiné et mon médecin pour faire mes exercices de rééducation et puis j’ai eu vent de ce que faisait Sarah. J’ai testé et je suis tout de suite devenue accro." Depuis deux semaines, elle suit donc régulièrement les cours de Sarah Ourahmoune. "En règle générale, je fais les 5 à 10 minutes d’échauffement. Ensuite, il y a les exercices. Et à chaque fois, Sarah monte du plus facile au plus difficile. Donc on peut s’adapter. J’ai retrouvé le goût de l’effort. D’ailleurs, hier, je me suis rendue compte que j’avais mal dans les bras, parce qu’on les sollicite beaucoup. J’avais oublié que je pouvais avoir des muscles à ce niveau-là. Ça veut dire que j’ai travaillé et je pense que mon corps va me remercier d’ici quelques mois. Je me retrouve à pouvoir refaire des choses sans douleur alors qu’avant, même monter des escaliers, c’était très compliqué." Un constat sans appel pour la vice-championne olympique. "Le sport est un médicament, ça a un effet positif sur le corps, sur le moral, ça permet vraiment de se sentir mieux. C’est hyper encourageant de voir qu’il y a de plus en plus d’adeptes. Avec le confinement on a du temps, et j’espère que ça va permettre d’ancrer la pratique sportive comme une habitude. Et lorsque la vie normale reprendra, que chacun trouve le temps d’installer cette routine dans leur emploi du temps même 15 à 20 minutes par jour."
Quelle place ces nouveaux pratiquants donneront ils au sport une fois le confinement terminé? Rechausseront-ils les baskets pour fouler le bitume quand ce ne sera plus la seule excuse pour sortir? Pour Capucine, c’est l’inconnu. "Franchement, je ne sais pas. Est-ce qu’après une journée de 9 heures de travail dans les pattes, j’aurai envie d’aller faire un footing? Pour l’instant c’est facile parce que j’ai du temps, ça a un goût de liberté, mais dans un mois, je n’ai pas de certitudes." Et à la question apéro en terrasse ou sport après le confinement, la jeune femme répond sans hésitation "Apéro!" avant d’ajouter en riant "mais en vrai, c’est les deux qu’il faudra que j’essaye de faire. J’aimerais bien mais je ne sais pas si ce sera possible." Qu’en est-il de ceux pour qui leur salon est devenu le temps de quelques minutes par jour un terrain de jeu? "D’abord j’espère que Sarah va continuer après le confinement, explique Sandra. Parce que c’est vrai que c’est très motivant d’avoir une grande championne donner des cours. Des profs il y en a plein, là c’est une vice-championne olympique, ça motive encore plus."
Comme un triste retour à la réalité pour tous ces actifs tiraillés entre désir de pratiquer une activité sportive et un rythme de travail intense. Et pourtant cette pandémie aura aussi laissé transparaître une réalité. Une étude a démontré que les personnes souffrant d’obésité sont aussi les plus durement touchés par le Covid-19. C’est pourquoi certains sportifs de haut niveau, dont Sarah Ourahmoune, on écrit et signé une tribune pour repenser la place du sport dans le monde de demain. "L’idée explique l’ancienne boxeuse, c’est de donner plus de place au sport pour transformer la société. A l’école où il n’est pas assez valorisé, dans les entreprises aussi parce que un salarié en bonne forme physique est un salarié plus productif. C’est un vrai engagement politique qui doit être pris, c’est essentiel. Le sport peut changer des vies."
"C’est clairement l’enjeu de la prochaine rentrée de septembre, assure Virgile Caillet. Après cette crise, le gouvernement devra mettre en place des mesures pour que les gens puissent installer le sport dans leur quotidien. Tout comme le monde professionnel. Le sport est un outil de productivité. En Suède par exemple il y a une obligation pour les dirigeants dans la journée de travail de mettre en place des activités physiques et sportives pour leur salarié. En France, on en est encore loin."
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