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UFC 286: Des rues au trône, le destin de Leon Edwards, l’homme qui doit prouver après avoir prouvé

Sauvé de la délinquance par le MMA à l’adolescence, Leon Edwards a suivi ce chemin jusqu’à accomplir son rêve: devenir champion des welters de l’UFC en août dernier face à Kamaru Usman. Avant de retrouver le Nigérian pour une revanche ce samedi soir à Londres dans le combat principal de l’UFC 286 (en direct à partir de 20h30 sur RMC Sport 2), choc pour lequel il ne s’avance pas en favori, portrait du Britannique qui doit encore prouver qu’il mérite sa place à la table des plus grands.

Un coup qui change un destin et quelques mots pour l’éternité. Leon Edwards a choqué la planète MMA en août dernier en prenant à Kamaru Usman la couronne des welters de l’UFC. Dominé pendant trois rounds et demi après une première reprise où il avait mis en danger le champion au sol, le Britannique a signé l’exploit d’une vie en éteignant le Nigérian d’un coup de pied à la tête à jamais gravé dans la liste des plus grosses surprises de l’histoire de l’UFC.

Un peu plus de onze ans après ses débuts professionnels, près de huit ans après son arrivée dans l’organisation mastodonte du MMA, "Rocky" a fait chuter l’homme alors classé numéro 1 toutes catégories confondues pour devenir le deuxième Britannique champion incontesté à l’UFC – après Michael Bisping chez les moyens – avant de balancer au micro un discours à faire frissonner entre deux sanglots: "Tout le monde doutait de moi et pensait que je ne pouvais pas le faire! Vous avez tous dit que je ne pouvais pas le faire ! Regardez-moi maintenant!" Et de conclure sur une formule déjà légendaire: "Pound-for-pound! Headshot! Dead!"

Sept mois plus tard, Edwards est de retour aux affaires. Pour une revanche ultra attendue contre Usman, mais cette fois chez lui, en Angleterre, dans l'affiche principale de l'UFC 286 où le champion aura l’avantage d’un public acquis à sa cause ce samedi soir à Londres. Ce qui n’empêche pas la plupart des spécialistes d’imaginer l’ancien roi reprendre son trône. Remonté, le Nigérian promet de montrer "qui est le meilleur combattant". Après avoir prouvé qu’il pouvait le faire, le Britannique doit prouver qu’il peut le refaire. Comme un rappel d’un parcours où rien ne lui a été offert et où il a su montrer de la patience pour saisir sa chance quand il le fallait.

Deal de drogue, bagarres de rue, possession de couteau...

Leon Edwards vient au monde à Kingston, en Jamaïque, dans un des ghettos les plus chauds de la ville. Elevé par ses parents avec son petit frère dans une maison en bois d’une pièce, l’environnement de son quartier respire le crime et les fusillades. Il racontera que son père était impliqué dans "des activités douteuses". A neuf ans, sa famille lui offre un nouveau départ en émigrant à Birmingham. Ses premiers pas en Angleterre sont compliqués. Moqué pour son accent prononcé, le futur combattant UFC fait le coup de poing pour se défendre. A treize ans, son père est tué dans un nightclub de Londres. Un événement qui le fait basculer pour de bon dans la délinquance.

Deal de drogue, bagarres de rue, possession de couteau: Edwards emprunte un très mauvais chemin. Mais maman est là pour veiller. Pour le sortir de cette impasse, elle l’oriente vers le club de MMA du coin. Leon tombe "amoureux". Il vient de trouver sa voie. Deux ans plus tard, à dix-neuf ans, il fait ses premiers pas chez les professionnels. Neuf combats dans des organisations anglaise, dont le BAMMA où il prend la ceinture des welters, pour un bilan de 8-1 avec pour seule défaite une disqualification. L’UFC lui ouvre ses portes et Edwards débute dans la grande organisation de MMA en novembre 2014, à vingt-trois ans, pour une défaite sur décision partagée face à Claudio Silva.

Il ne connaîtra plus qu’une fois la défaite: ce sera face à… Kamaru Usman en décembre 2015, un revers sur décision unanime pour la première danse de leur trilogie qui va se conclure samedi soir. Derrière, le garçon devenu de plus en plus complet au fil du temps entame une série qui n’a toujours pas pris fin. Dix combats sans défaite, neuf victoires et un no contest (pour doigt dans l’œil accidentel). Le huitième succès de la liste, face à l’ancien champion des légers Rafael dos Anjos en juillet 2019, semble lui promettre une chance pour le titre contre Usman.

Mais entre la pandémie, des combattants qui lui passent devant (Jorge Masvidal, Gilbert Burns), un choc contre la nouvelle star Khamzat Chimaev annulé trois fois, le no contest contre Belal Muhammad qui ne joue pas en sa faveur, une victoire contre Nate Diaz terminé sur une mauvaise note avec une dernière minute très difficile après avoir dominé les vingt-quatre précédentes puis un Masvidal qui déclare forfait pour un choc prévu entre les deux, il a dû s’armer de patience. Dans cette période, il passera 602 puis 434 jours loin de la cage, l’UFC finissant même par le retirer des classements pour inactivité. Mais Edwards vient de trop loin pour lâcher l’affaire. "Je continue de faire ce que j’ai à faire, philosophe-t-il alors. De battre tous ces gars et d’enchaîner les victoires."

Il va finir par obtenir ce qu’il souhaitait. Patron exécutif de l’UFC, Dana White profite du retour de l’organisation à Londres en mars 2022 pour officialiser sa chance mondiale pour l’été suivant. Le reste appartient à l’histoire avec ce coup de pied légendaire. Certains ont parlé de coup de chance. Oh que non. "Je le préparais, sourit-il au micro de RMC Sport. Je savais que quand j’allais lancer ce coup de pied, il allait toucher. C’est un mouvement qui a piégé mes partenaires d’entraînement plus d’une fois. Quand j’ai vu qu’il réagissait comme il le fallait, je me suis dit qu’il était temps de l’envoyer. Et c’est ce que j’ai fait."

Ceinture sur l’épaule, Graal atteint, le Britannique peut appeler sa mère en visio et fondre en larmes. Elle voulait le sortir de la rue. Au bout de l’aventure, il a réalisé son "rêve": "Devenir champion du monde". "C’était un moment incroyable, raconte-t-il. Quand vous vous fixez un but et que vous l’atteignez, pour n’importe qui et dans n’importe quelle situation, c’est un grand moment. Et la façon dont je l’ai fait, en mettant KO celui qu’on appelait le numéro 1 toutes catégories confondues, c’était fantastique. C’est difficile de décrire avec des mots ce que ça représente pour moi, pour mon équipe, pour ma famille. C’est tellement important pour nous."

Le but est atteint. Mais le bout de la route n’est pas encore en vue. "Ce n’était que le début. Il y a encore beaucoup de choses que je veux accomplir dans cette discipline. Et ça commence samedi soir." Dans les sports de combat, on dit qu’un champion ne l’est pas vraiment tant qu’il n’a pas défendu sa ceinture (coucou, Conor McGregor…). Edwards va pouvoir le faire devant les siens, avec tout un peuple derrière lui. De quoi mettre la pression? "C’est mon sixième combat principal d’un événement UFC. Ça fait longtemps que je suis là et longtemps que je suis dans ces gros combats. Il y avait probablement plus de pression sur le combat précédent que sur celui-là car je voulais prouver que j’étais le meilleur au monde. Cette fois, je viens juste cimenter ce statut. Je n’ai plus combattu à la maison depuis quatre ans donc je suis excité de pouvoir le faire. Quand je vais gagner, je fêterai ça avec mon équipe et mon pays. Ça va être génial."

Edwards dit "quand" et non "si". Avoir terrassé Usman pour conquérir la couronne semble lui avoir apporté une nouvelle dose de confiance en lui qui peut se révéler redoutable dans la cage. Et peu importe s’il n’est toujours pas favori… "J’ai été dans les deux positions et peu importe, le résultat est le même, je gagne à chaque fois", lâche-t-il dans un grand sourire. Et de conclure dans une promesse: "Ça va être différents de nos deux premiers combats. J’ai beaucoup plus de choses à montrer. (…) J’aimerais encore le terminer avant la limite. Ça va être difficile de faire mieux que ce coup de pied à la tête donc allons chercher une belle soumission." La dernière défaite de Kamaru Usman porte le nom Leon Edwards. La dernière défaite de Leon Edwards porte le nom Kamaru Usman. Quoi qu’il arrive à Londres, ces deux phrases ne changeront pas. Mais s’il s’impose encore, le Britannique aura mérité pour de bon sa place à la table des très grands.

https://twitter.com/LexaB Alexandre Herbinet Journaliste RMC Sport