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UFC: qu’a-t-il manqué à Gane? On a revu son combat contre Ngannou

Ciryl Gane devra attendre pour monter sur le trône des lourds de l’UFC. Le Français a été battu sur décision unanime par Francis Ngannou ce week-end en Californie. Qu’est-ce qui lui a manqué pour détrôner le Camerounais? RMC Sport a revu le combat pour l’analyser.  

Deux premiers rounds comme dans un rêve ou presque 

Beaucoup d’observateurs avaient fait une prédiction: si Ciryl Gane sortait des deux premiers rounds intact, sans avoir vu la puissance de Francis Ngannou lui éteindre la lumière, il allait pouvoir voguer jusqu’à une victoire sur décision. Il a fait mieux que ça. A l’issue des deux reprises initiales, qui n’ont pas fait une bonne publicité pour les envies de boxe anglaise du "Predator", "Bon Gamin" est en tête 2-0 sur deux cartes des juges sur trois (et sur celles de tous ceux qui regardaient le combat ou presque). Pas très spectaculaire, mais diablement efficace. 

Intelligent, en mouvement, avec souvent une posture karatéka-escrimeur n'offrant que peu de zones de frappe au Camerounais, qui n’arrivait ainsi pas à cadrer, le Français évitait de rester en face de son rival, parvenant à le frustrer avec ses esquives, tout en entamant son capital physique. Sans oublier un beau travail avec le bras avant et la jambe avant. Seul bémol? Il n’a peut-être pas assez tenté de faire mal sur les fins de rounds, surtout au deuxième, quand un Ngannou bouche grande ouverte semblait manquer d’énergie. Mais plus facile à dire qu'à faire quand il faut se découvrir face à la possible papate qui vous envoie valdinguer de Ngannou. Gane avait un plan et il s'y est bien tenu pendant ces deux premiers rounds. "C’était une bonne performance", lançait-il à l’issue du combat. Exact. Mais la suite a changé la donne...  

Le tournant du troisième round, une erreur du coin Gane? 

Alors que son poulain mène 2-0, Fernand Lopez lâche un message à Ciryl Gane avant le troisième round: "Envoie des high ou des middle kicks pour ouvrir les mains". Résultat? Sur le premier high front kick (coup de pied haut vers l’avant) envoyé par le Vendéen, Ngannou attrape sa jambe et le retourne en l’air pour l’écraser au sol d'un slam, premier takedown (amenée au sol) subi par Gane depuis ses débuts. Le tournant du combat. Bien plus à l’aise en lutte que ce que beaucoup imaginaient, le Camerounais entame un énorme travail de sape au sol. Qu’il va poursuivre jusqu’au bout, dans un style qui a entraîné quelques comparaisons sur les réseaux sociaux avec Khabib Nurmagomedov (l’ancien champion invaincu des légers) ou le phénomène Khamzat Chimaev, mais qui rappelle surtout Kamaru Usman, le champion des welters, avec qui il travaille et qui était encore dans son coin ce week-end.  

Ngannou venait de trouver la clé du chemin vers la victoire. "On était prêt à ça", lançait le Français après le combat. Mais face à la puissance de son adversaire, qui ne fait pas mal que dans son punch, il n’a pas pu trouver la solution. Difficile malgré tout de blâmer son coach – qui lui avait aussi dit de "mettre du volume de coups pour l’asphyxier", ce qui semblait en accord avec la fatigue du champion en titre – qui ne pouvait pas imaginer que sa consigne donnerait un tel résultat. Mais on se prend à imaginer ce qui aurait pu arriver si Gane n’avait pas envoyé ce high front kick. Aurait-il pu signer un autre round similaire aux deux premiers, qui lui aurait assuré la victoire et le titre? Possible. Mais rien ne l’assure non plus. Avec des si…  

La clé de talon du cinquième aurait-elle pu offrir la victoire à Gane?  

Blessé au genou quelques semaines avant le combat, Ngannou a utilisé cet argument pour justifier en partie son choix d’amener le combat au sol. Il a aussi été dicté par les circonstances et la performance de Gane en striking sur les deux premiers rounds. Bonne pioche. Face à un combattant pas assez expérimenté dans sa défense au sol, le Camerounais s’est régalé – plus de takedowns et de temps de contrôle au sol (quatre et 8’29’’) que les lors de ses treize premiers combats à l’UFC… cumulés (un et 3’04’’)! – et s’est même offert quelques bonbons techniques, à l’image du renversement ultra propre dans le cinquième round où il tend un piège avant de sweeper (balayer) la jambe adverse pour reprendre la position dominante. Une dernière reprise également marquée par la clé de talon tentée par Gane.  

"On était à deux doigts de le faire taper", a expliqué ce dernier. Sur les images, Ngannou ne semble pourtant jamais proche d’abandonner. Car la clé n’était pas assez bien verrouillée, notamment au niveau du genou adverse, et manquait d’effet de levier, rendant la chose très compliquée. Difficile de lui reprocher vu le manque de peps et de lucidité au moment du combat où elle est arrivée. Mais cette tentative où il a forcé un maximum pour rien lui a sans doute bouffé sa fin de barre d'énergie, qui aurait pu être utilisée dans les derniers instants du choc. Elle paraissait également être un geste un peu désespéré pour renverser la table, peut-être la conséquence du discours de Lopez avant ce dernier round: "On est derrière, il est impossible qu’on perde à cause du cardio", référence sans doute inconsciente à la façon dont son ancien protégé… Ngannou avait perdu lors de sa première chance pour la ceinture des lourds contre Stipe Miocic, en janvier 2018.

"Bon Gamin" peut être fier de lui, et il reviendra plus fort 

"Il y a une frustration car la plupart des gens fassent à lui tombent sur des KO et j’ai montré que je savais faire des choses." Personne n’avait jamais perdu à la décision contre Ngannou, machine à distribuer des KO. Mais Gane a tenu jusqu’au bout, valeureux. Il était encore en course pour la victoire au cinquième round et aurait pu aller la chercher. Il peut être fier de lui, surtout avec un tel parcours de météorite (on rappelle qu’il a disputé son premier combat professionnel il y a trois ans et demi et débuté les sports de combat il y a sept ans). Connu pour sa capacité à vite assimiler et à ne pas répéter les mêmes erreurs, "Bon Gamin" va apprendre de sa défaite et revenir plus fort. Comme un certain Ngannou l’a fait depuis sa défaite pour le titre contre Miocic en 2018, durant laquelle il avait aussi subi la loi de l'Américain en lutte.  

"Place à l’entraînement", a lancé Gane à son retour en France ce lundi. On miserait cher sur le fait qu’il remportera ce titre un jour. Samedi soir, en Californie, il est juste tombé sur plus fort… pour le moment. "Ils ont fait ce qu’il fallait faire pour me battre", reconnaît-il. Avant ce choc, Fernand Lopez avait répété "bien connaître" son ancien élève. Qui lui avait rétorqué qu’il ne le connaissait plus trois ans après la fin de leur collaboration. On sait désormais qui avait raison. Les questions autour de ce combat ont souvent tourné sur l’ancienne relation entre Lopez et Ngannou. Elles auraient sans doute plus dû s’attarder sur celle entre le Camerounais et Eric Nicksick, son coach à Xtreme Couture MMA à Las Vegas, qui a su parfaitement régler la mécanique psychologique – à l'image de son discours avant le cinquième round où il va chercher les tripes de son athlète pour le motiver – comme technique du champion des lourds. 

Alexandre Herbinet