Coupe Davis: les doutes d'Arnaud Boetsch sur le nouveau format

Arnaud Boetsch, double vainqueur de la Coupe Davis (1991, 1996), était de passage à Madrid en tant que directeur de la communication de Rolex, pour observer la première édition de la phase finale de la nouvelle formule impulsée par Kosmos et Gerard Piqué, pour laquelle Rolex est partenaire. Attaché à l'histoire de son sport et à cette compétition qui a changé sa carrière, il livre son sentiment sur cette nouvelle compétition.
Arnaud Boetsch, quelles sont vos premières impressions sur cette Coupe Davis à Madrid ?
Mes premières impressions, c’est qu’on est en Espagne, ça se sent. C’est difficile de voir les autres pays. Les vibrations sont très espagnoles et il y a peut-être cette notion de dilution pour les autres pays. C'est ce que je ressens. Il n'y a pas énormément de Français, de Belges, d'Argentins et pour équilibrer cette sensation, il y a un peu de travail encore.
Ça veut dire que la colonne vertébrale de la Coupe n'est plus là, dans ce format ?
Il reste des racines. On sent que les joueurs ont envie de gagner. Ils jouent pour leurs pays, et ils sont à fond une fois qu’ils sont sur le terrain. C'est la priorité. Mais si chacun des pays était soutenu par plus de monde, ça donnerait encore plus l'impression qu'on garde de cet ADN-là. C'est ce qui me manque pour l'instant. De se dire: ''La Serbie sur le court, waouh on sent une ferveur forte !'', alors qu'il y a plus d'Espagnols regardant la Serbie que de Serbes regardant la Serbie. Il faut s’y habituer. On perd un peu pied pour l'instant, je perds certaines références.
Vous avez connu Malmö (victoire en finale au match décisif en 1996). Si vous aviez été là, mardi à 11h pour le match de l'équipe de France, devant 400 personnes...
Oui, c'est vrai, ça fait un peu mal. Là, on doit se dire: ''Zut, peut-être que ce n'est pas le bon format, il y a quelque chose qui ne va pas''. La Marseillaise devant 4, 5, 6, 7.000 personnes, ça donne des frissons, c'est ce pourquoi on joue cette Coupe Davis, pour son pays. N'ayant pas ça, ça veut dire qu'il faut aller chercher très loin sa motivation, sa force. Il ne faudrait pas que ce soit trop comme ça. Si c'est trop comme ça, tout ce que je disais sur les racines de la Coupe, ça deviendrait très compliqué...
Cette compétition, il faut plutôt l’appeler Coupe du monde ou Coupe Davis désormais ?
J'aime la Coupe Davis. La Coupe du monde, je ne la connais pas encore dans le tennis. Une Coupe du monde dans le tennis, ça voudrait dire qu'il y a vraiment une ferveur de tous les pays présents, dans la zone où se joue la compétition. Là, ce n'est pas le cas. Aujourd’hui, il y a énormément d’Espagnols, mais pour une Coupe du monde, il faut que cela soit autre chose. Ce qui était la force de ces matchs par équipes, pour la nation, c'était le nom de la Coupe Davis, le trophée, jouer pour son pays, un public fervent et excité autour des matchs. Avant, après, à l'hôtel, en ville. La Coupe du monde de foot, c'est plutôt comme ça. Pour que la Coupe Davis-Coupe du monde de tennis, puisse être un succès, il faut une ferveur de tous les pays.
En tant que partenaire (directeur de la communication de Rolex), vous avez échangé avec Gerard Piqué ?
Je l'ai rencontré une fois. Il est très connaisseur de tennis. J’ai été assez impressionné par son discours. Après, je n'ai pas échangé sur l'actuel format. Ça se fera plus tard. Il y a besoin d’abord de comprendre ce qui se passe. Le sujet est délicat. On pense tous qu'il fallait donner un boost à la Coupe Davis. Est-ce que c'est la bonne direction ? Honnêtement, je ne peux pas répondre tout de suite. Je vois des choses intéressantes, mais il y a d’autres choses qui me font mal. Si ça prend trop cette direction-là, ça ne sera pas bon du tout. Il faudra certainement modifier des choses. Lui aussi (Gerard Piqué) est intelligent, il va réfléchir. Il faut aussi que la fédération internationale de tennis réfléchisse. C'est quand même le trophée de l'ITF et de l’histoire du tennis et je pense qu’il faut que cela reste comme ça.
Ça peut encore changer ? Il y a tellement d'enjeux, d'argent en jeu...
Tout peut arriver. Si les investisseurs et les promoteurs décident un jour de ne plus être derrière ce nouveau format, vous savez, tout peut être rediscuté. Moi, ce qui me tient à cœur, et les gens avec qui je suis, c'est l'histoire de la Coupe Davis, sa passion, l'inspiration qu'elle engendre dans tous les pays et l'excellence qu'elle démontre sur le court. Pour que tout cela fonctionne, c'est plein de paramètres. Il en manque certains ici. Nous (Rolex) sommes vigilants, toujours. Ce côté ''perpétuel'' du tennis est important pour nous. Si un grand pilier de l'histoire du tennis venait à devenir quelque chose d'hybride qu'on ne reconnaît pas, on se poserait certaines questions, c'est sûr."
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