Roland-Garros: les juniors français enfin au top?

On les attend chaque année, les successeurs de Gaël Monfils, Richard Gasquet, Jo-Wilfried Tsonga et Gilles Simon. Mais cette fois, promis, ils arrivent. Ugo Humbert (22 ans, 38e mondial) et Corentin Moutet (21 ans, 71e) ont initié le mouvement, Hugo Gaston (20 ans, 157e lundi prochain) et Clara Burel (19 ans, 240e au prochain classement) ont crevé l'écran à Roland-Garros et franchi un cap cette année. Peut-être les premiers fruits d'une refonte du système de formation de la FFT.
Dans la cabine RMC du court Philippe-Chatrier, à Roland-Garros, notre commentateur vedette Eric Salliot surligne en bleu, sur sa feuille accrochée au mur, les Français présents dans le tableau des juniors. Pour une fois, l'encre commence à manquer. Il y avait 13 garçons au départ, 6 sont entrés directement dans le grand tableau grâce à leur classement. De 2009 à 2016, entre 1 et 4 joueurs seulement passaient le cut. Et ils sont encore 5 en 8es de finale aujourd'hui. Même constat chez les filles, elles étaient 6 admises directement alors qu'entre 2009 et 2016, elles étaient entre 0 et 2. Elles sont cette année encore 3 à viser les quarts de finale. Autre lecture pour se rendre compte que le tennis tricolore est sur la bonne voie: Harold Mayot (né en 2002) est n°1 mondial chez les juniors garçons, Arthur Cazaux (2002) 4e. Chez les filles, Diane Parry (2002) est actuellement n°2, Elsa Jacquemot (2003) n°6. 94% des joueurs de -25 ans dans le Top 100 mondial ont été dans le Top 50 ITF Juniors, un peu moins chez les filles (86%). Ça ne nous fait pas un vainqueur de Grand Chelem, mais c'est un bon début.
La famille au centre des attentions
Il y cinq, six ans, au creux de la vague, la FFT décide de repenser sa formation. "On a analysé le parcours de toutes les meilleures joueuses internationales, on a regardé les lieux de passage des Canadiennes, Américaines, Russes, et où nous, on se situait, explique Alexandra Fusai, en charge du suivi des filles de 10 à 18 ans. On a vu qu'on était très, très loin. On avait deux ans de retard."
A partir de ce constat, il a été décidé de mettre d'abord de la proximité avec les familles dès le plus jeune âge. Sur les 8-10 ans par exemple, Laurent De Pasquale, référent national, se déplace en région rencontrer les enfants, leurs parents, leur entraîneur de club, trois fois dans l'année. La FFT participe aux frais de formation, paye une part des leçons de tennis. Comme dans de nombreux pays européens, la scolarité est maintenant aménagée, avec des petites classes, pour permettre aux enfants de terminer plus tôt l'école, de pouvoir enchaîner avec une séance de tennis, et surtout de se retrouver en famille le soir pour un vrai temps de repos et de partage. Un enfant épanoui progresse plus vite.
Autre avancée, les espoirs du tennis français choisissent leur parcours. Certains optent pour le privé, comme Elsa Jacquemot. Pour rester près de ses proches à Lyon, l'actuelle n°1 française chez les juniors a choisi de s'entraîner à la All-In Academy, gérée par Thierry Ascione. Mais la FFT ne la condamne pas et l'aide humainement et financièrement. Elle a ainsi accès au Centre National d'Entrainement et reçoit des primes au mérite. "Avant, on s'entraînait à la fédération, dans un centre national, et quand on était à l'extérieur, on avait très peu d'aide, concède le DTN Pierre Cherret. Aujourd'hui, il n'y a pas une façon de réussir, mais des façons de réussir. On a mis en place 'les projets internationaux': on permet à des enfants qui ont un projet de bénéficier de moyens financiers et de l'expertise, la fédération propose des stages, de la formation pour les entraîneurs, de l'évaluation physique, des conseils..."
La transmission pour passer le cap ?
Mais le tournant se situe vers l'âge de 18 ans. "En moyenne, les hommes prennent leur premier point ATP à 16 ans, analyse Olivier Soulès, responsable des garçons de 10 à 18 ans. Et de ce premier point à la 100e place mondiale, ils mettent moins de 4 ans. C'est une vitesse de progression avec P majuscule." Pour les accompagner à franchir la marche qui les sépare du grand circuit, vite et bien, la fédération fait maintenant appel aux aînés. Sur les stages de l'équipe de France de Coupe Davis, Arthur Cazaux, Harold Mayot, Hugo Gaston ont déjà joué les sparrings-partners. Sur les coupes d'Europe, d'anciens joueurs de Coupe Davis et de Fed Cup sont venus encadrer les jeunes: Paul-Henri Mathieu, Olivier Delaitre, Stéphanie Cohen-Aloro, Camille Pin... Sur des stages organisés pour les juniors avant les Grands Chelems, Cédric Pioline ou encore Julien Benneteau ont distillé leurs conseils. La transmission de compétences est importante. Mais pas une fin en soi: Mary Pierce, Amélie Mauresmo, Marion Bartoli ont gagné des Grands Chelems. Mais n'ont pas inspiré des jeunes filles pour autant...
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