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Soupçons de matchs truqués : le témoignage accablant du délégué de Caen-Nîmes

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EXCLU RMC SPORT. Paul Declaude, le délégué du match Caen-Nîmes, raconte en détails ce qu’il a observé le 13 mai dernier à Michel d’Ornano et compilé dans un rapport pour les autorités judiciaires. Un témoignage qui jette un peu plus le trouble sur ce match en retard de la 28e journée de Ligue 2 (1-1).

Paul Declaude, vous étiez le délégué du match entre Caen et Nîmes, le 13 mai dernier, pour le compte de la 28e journée de Ligue 2 (1-1). Racontez-nous ce que vous avez vu ce soir-là…

A la fin de ce match, il y a eu un envahissement du terrain par les supporters caennais, pour fêter la montée en Ligue 1. La première précaution à prendre a été d’assurer un cordon de sécurité pour que les supporters ne puissent pas entrer dans les couloirs et dans les vestiaires, même si c’était festif. Ça fait partie de ma mission de m’assurer que tout se passe bien. Voyant des allers et venues dans les couloirs des vestiaires, j’avais un œil sur le terrain et un œil sur les vestiaires...

C’est là que vous avez vu transiter les fameuses caisses de vin…

Oui, voilà. C’étaient des caisses qui venaient du car de Nîmes et qui allaient vers le vestiaire de Caen. Je n’ai pas le nombre exact, il y en avait entre quinze et vingt. Je pense que c’était un vin du pays des Costières. Du rouge ou du rosé, je ne sais pas, je n’ai pas fait ouvrir les caisses pour rester discret. Elles ont été déposées dans les vestiaires de Caen. On m’avait demandé de faire preuve de la plus grande discrétion, donc j’ai gardé ça pour moi. Mais je l’ai transmis sur mon rapport parce qu’il me semblait que c’était un fait à signaler dans le cadre de l’enquête qui était en cours.

Qui vous a alerté à la mi-temps afin que vous soyez particulièrement vigilant ?

Le référent de la LFP, pour le compte de la direction des activités sportives de la Ligue. Il m’appelle à la mi-temps et me demande si j’ai remarqué quelque chose de spécial sur la première période. Je lui dis non. A la mi-temps, le résultat était de 1-1, il y avait eu des actions de part et d’autre, je n’avais rien vu spécial. Il me dit qu’il y a une enquête judiciaire en cours. Je pensais que c’était une alerte sur les paris en ligne. Mais il me dit : « Non, ce n’est pas ça. Mais tu ne dis rien à personne et tu observes ! »

Après cet échange, comment réagissez-vous en seconde période ?

Vu que je n’avais rien vu de spécial en première période, j’avais peur de la page blanche pour mon rapport. Donc en deuxième période, j’étais un peu plus à la recherche d’événements. Et comme tout le monde, j’ai remarqué qu’il n’y avait eu aucune attaque, notamment lors des vingt dernières minutes. Ça a été exclusivement de la passe à dix, que ce soit Nîmes ou Caen. Il n’y a pas eu de corner ou de tirs aux buts. Ce qui peut se condamner ou se comprendre, puisque le nul arrangeait les deux équipes. Avec ce résultat, Caen assurait sa montée et Nîmes son maintien.

Avez-vous parlé avec les dirigeants des deux clubs après la rencontre ?

Non, absolument pas. J’ai observé, noté et j’ai gardé ça pour mon collègue. Je n’ai pas fait mon rapport au stade, mais à l’hôtel. Il a été envoyé à la Ligue à 1h45. Ensuite, j’ai été entendu au mois d’août par les services du pôle financier de Nanterre pour confirmer ce qu’il y avait de mentionné dans mon rapport.

Durant la soirée, vous avez également glané quelques informations auprès des arbitres…

Après le match, vers 23h-23h30, on a une petite collation avec les arbitres. On refait un peu le match. Et l’arbitre principal (M. Varela) dit qu’il n’y a pas eu de problème durant la rencontre. On lui répond qu’il n’a pas eu beaucoup de mal puisqu’il n’y a eu qu’une mi-temps. Et là, les arbitres confirment en m’expliquant que les deux entraîneurs ont demandé à leurs joueurs de ne pas exercer de pressing au-delà de la ligne de médiane. C’est un élément de plus, donc je le mets dans mon rapport. On m’avait demandé ce rapport afin d’avoir des billes pour l’enquête qui était en cours. On m’a demandé ce rapport pour tenter de savoir s’il y avait eu tricherie ou arrangement. Mais moi, je ne me suis pas prononcé sur la question. Ce n’était pas à moi de le faire mais aux enquêteurs, je ne suis pas de la police. J’ai juste transmis les faits que j’ai pu observer.

Loïc Briley