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Bilan du début de saison, interdictions de stade, supporters de Strasbourg, PSG-OM… Le nouveau chef de la DNLH se confie à RMC

EXCLUSIF - Depuis deux mois, le commissaire Ronan Delcroix est à la tête de la Division Nationale de Lutte contre le Hooliganisme (DNLH). Un service du ministère de l’Intérieur spécialisé dans le monde du sport, et notamment le football. Pour sa première interview depuis sa prise de fonction, le nouveau chef de la DNLH évoque auprès de RMC Sport le début de saison dans les enceintes de Ligue 1, les attaques de convois de supporters, l’ambiance du côté de Strasbourg entre les supporters et la direction ou encore la préparation des rencontres européennes cette saison.

RMC Sport – Ronan Delcroix, vous êtes en fonction à la tête de la DNLH depuis deux mois, quel premier bilan pouvons-nous faire de ce début de saison concernant les tribunes de Ligue 1 et de Ligue 2 ?

Ronan Delcroix - Dans les tribunes de Ligue 1, de Ligue 2 ou de National, les incidents que nous avons répertoriés sont plutôt des incidents mineurs et isolés. Néanmoins, la seule rencontre pour laquelle des incidents importants auraient pu se produire, c’est en Europa League avec le match entre Nice et la Roma, la semaine dernière. Il y a eu dans la nuit, l’interpellation de plus d’une centaine de supporters italiens à la veille de cette rencontre. Il y en a aujourd’hui treize en détention provisoire. Et c’est le très bon travail des policiers de la Direction interdépartementale de la Police Nationale (DIPN 06) aidés par des policiers italiens qui ont permis de détecter ces hooligans romains qui s’apprêtaient à attaquer des supporters niçois dans le centre-ville de Nice.

C’était une potentielle attaque que vous aviez anticipée ?

Nous jouons un rôle clé dans la préparation des rencontres européennes. Dès le tirage au sort des matchs de la Ligue des champions ou de la Ligue Europa, les clubs et les policiers des pays qui vont s’affronter se mettent en lien avec une réunion sous l’égide de l’UEFA pour prendre contact et s’échanger les informations sur les matchs à venir. Tout est pris en compte, le volume de supporters qui est amené à se déplacer, les profils des supporters qui vont se déplacer. Cet échange d’informations nous permet d’identifier les risques autour du match et de les classer afin d’aider à calibrer les dispositifs de sécurité. Ensuite, pendant les heures juste avant les matchs, très souvent la police locale, dans le cadre de Nice la police des Alpes-Maritimes, avait sollicité la venue de policiers italiens, fins connaisseurs des supporters pour identifier les supporters à risques de la Roma. Dans ce cas-là, le travail des policiers italiens, souvent appuyés par des effectifs de la DNLH, permet d’identifier des supporters à risques, de communiquer les identités et en général de circonscrire tout acte de violence qui pourrait se produire.

"Je trouve ça sévère de dire que les clubs ne coopèrent pas"

Sur le match à risques entre le Real Madrid et l’OM, la DNLH a envoyé des policiers sur place en Espagne ?

Pour tous les matchs européens, nous avons des correspondants hooliganismes dans tous les départements. Ces correspondants ont une fine connaissance des tribunes, des supporters et des clubs qu’ils suivent. Et donc pour les rencontres européennes, très souvent, les polices locales vont demander des renforts de ces policiers de la veille du match jusqu’au lendemain pour accompagner la sécurisation des rencontres. Comme avec les policiers espagnols et notamment la sécurisation des supporters marseillais.

Si on revient en France, depuis la signature de la nouvelle convention en fin d'année dernière, est-ce que les clubs coopèrent assez dans la préparation des matchs ?

Oui, je trouve ça sévère de dire que les clubs ne coopèrent pas. Il faut comprendre que l’idée de la convention sur la sécurisation des rencontres de football permet de développer et de finaliser un partenariat déjà existant. Ça permet aussi de rappeler que le club recevant est l'organisateur de la rencontre et qu'il est responsable de la sécurité dans son stade. C'est lui qui, grâce à ses agents de sécurité et ses stadiers, doit maintenir le bon ordre dans son stade. La police n’intervient qu’à la demande de l’organisateur.

Le directeur national de la sécurité publique a évoqué dans une note, diffusée en juillet, les grands sujets de la saison à venir. Quels sont-ils ?

C’est une note de reprise, qui est annuelle, à destination de tous les fonctionnaires sous son autorité, qui vient rappeler les enjeux de la lutte contre les violences à l'occasion des rencontres sportives et qui vient donner quelques indications sur les tendances de la saison prochaine. Notamment, on peut souligner que le curseur est mis sur le développement et le suivi des interdictions administratives de stade. C'est une mesure qui permet de sanctionner un individu qui aurait commis un acte grave et de l'interdire de stade pour plusieurs mois.

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Cela permet aussi de sanctionner de manière individuelle…

Oui, c'est aussi une demande de la part des clubs de supporters qui se plaignent parfois des sanctions collectives, des fermetures de tribunes, des huis clos… Ça permet de sanctionner individuellement le fautif, mais ça permet aussi également de responsabiliser les gens dans le stade. C'est-à-dire que s'ils commettent un acte grave, avec des jets de projectiles, usage d'engins pyrotechniques, ils peuvent se voir interdire l'accès au stade pendant plusieurs rencontres ou plusieurs mois.

La France est encore très en retard à ce sujet ?

Notre travail, c’est de développer les interdictions administratives de stade. Effectivement, nous sommes à la traine par rapport à certains pays comme la Belgique ou le Royaume-Uni. L’idée est vraiment de développer cet outil et qu'on arrive à ce qu'à chaque fois qu'un comportement répréhensible pouvant faire l'objet d'une IAS est détecté et que son auteur est identifié, il faut que la préfecture derrière, à l'aide des éléments qu'on lui apporte, puisse prendre cet arrêté d'interdiction administrative de stade.

Les attaques de convois ? "C'est un sujet préoccupant"

Depuis plusieurs saisons, des convois de supporters sont attaqués, est-ce que cette saison la police va réussir à encadrer un peu mieux ou à prévenir certaines attaques ?

C’est effectivement un sujet préoccupant pour nous. Il faut être vigilant à ce que les attaques de convois de supporters soient de moins en moins nombreuses. Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’avec la construction des nouveaux stades, les parcages visiteurs sont de plus en plus étanches. Il est maintenant quasiment impossible dans les stades de Ligue 1 que des supporters puissent entrer en contact physiquement. Ce qui fait que la violence physique à tendance à se déporter hors du stade. Elle a lieu parfois proche du stade mais peut aussi avoir lieu à plusieurs kilomètres du stade. L’idée des encadrements de supporters c’est vraiment de limiter au maximum ces attaques de convois et d’assurer la sécurité des supporters visiteurs.

Certains supporters trouvent ces arrêtés très contraignants…

Oui, certains peuvent trouver ça contraignant puisque ce n'est pas forcément très agréable pour un supporter qui souhaite aller voir un match à l'extérieur, de devoir se rendre sur une aire d'autoroute, de patienter et d'être escorté jusqu'au stade mais c'est vraiment dans le but d'assurer la sécurité depuis le point de rendez-vous jusqu'au stade, pendant toute la rencontre, avant, pendant et après. C'est pour ça que l'on met en place un arrêté d'encadrement, même si effectivement ça nécessite parfois l'emploi de forces de police supplémentaires.

"Il y avait de gros risques" sur OM-Ajax

Le ministre démissionnaire de l’Intérieur a passé des consignes la saison dernière, il était très actif sur le sujet des supporters de football. Est-ce que cette saison les autorités encadrent plus qu’elles n’interdisent ?

En Ligue 1, l'année dernière, il y a eu 8 matchs qui ont été classés 5 sur 5 et qui ont fait l'objet d’arrêtés d’interdiction de déplacement, plus quelques matchs classés 4 qui ont fait l'objet de ces mêmes interdictions. Sur des centaines de matchs de Ligue 1 et Ligue 2 joués par saison, seulement une poignée ont réellement des arrêtés d’interdiction de déplacement signés par le ministre. Néanmoins, il est vrai que pour assurer la sécurité des supporters, les arrêtés d'encadrement sont utilisés régulièrement par les préfets sur des rencontres où l'on identifie des risques. Ce n'est pas le cas de tous les matchs. C'est un outil à disposition des préfets pour assurer la sécurité des supporters et ne pas recourir systématiquement à une interdiction totale de déplacement et un parcage fermé.

Donc mardi soir, il y avait de gros risques sur OM–Ajax ?

Effectivement, il y avait de gros risques sur ce match. Un match identifié à haut risque dès le tirage, que nous avons d’ailleurs classé 5 pour plusieurs raisons, notamment l’antagonisme fort entre les supporters des deux équipes. C’est un match qui nécessitait donc un arrêté d’interdiction de déplacement pour les supporters de l’Ajax.

Il y a l’INS, qui a le mérite d’exister, mais est-ce que le dialogue entre la police et les groupes de supporters est permanent ?

Au sein de l’INS, on peut dialoguer toujours de manière constructive avec les représentants des supporters. Après, sur le terrain, la DNLH se déplace régulièrement et va au contact des représentants des groupes de supporters. C'est aussi le rôle des correspondants hooliganisme dans les territoires. Ce sont des policiers qui suivent au quotidien les groupes de supporters et qui ont un contact régulier avec eux. Ça permet de s'échanger des infos et de prendre le pouls des groupes de supporters. Notre but n'est pas forcément toujours de contraindre et de faire la chasse aux supporters mais aussi d'assurer leur sécurité et de faire en sorte que tout se passe au mieux pour l'ensemble du public qui vient au stade.

A Strasbourg, les supporters protestent contre leur propre direction. Est-ce que vous surveillez ça de près ?

Il n’y a pas que Strasbourg, Angers a aussi eu des problèmes similaires en début de saison avec l’équipe dirigeante. Effectivement, dans le suivi qu'on réalise des clubs et la préparation des matchs, l'état d'esprit des supporters est pris en compte. Vous mentionnez le cas de Strasbourg, c'est quelque chose qu'on suit depuis le début de la contestation contre BlueCo. Mais concernant Strasbourg, la contestation est matérialisée par une grève des encouragements, par des banderoles. Effectivement, pour le match de Strasbourg contre Marseille, nous avons eu une vigilance renforcée en se disant que le lien allait être rompu entre les UB90 et les dirigeants du club de Strasbourg. Est-ce que d'une contestation pacifique, nous n'allons pas basculer vers une contestation violente ? Et à partir des informations que nous avons obtenues, nous savons pour l'instant que la contestation des UB90 va rester pacifique. Néanmoins, nous restons vigilants, puisque lors des prochaines rencontres, si le dialogue reste rompu et que les relations deviennent de plus en plus compliquées, la contestation pacifique pourrait basculer sur une contestation violente. Et ça impliquera un classement plus élevé des matchs mais surtout une sécurisation plus forte de la rencontre.

"Nous restons vigilants" sur la contestation des supporters de Strasbourg

Enfin, la traditionnelle question pour les commissaires responsables de la DNLH. Est-ce qu’un jour la Ligue 1 retrouvera des supporters visiteurs sur les grands matchs PSG-OM et OM-OL ?

Je pense que tout amateur de foot aimerait voir des supporters marseillais au Parc des Princes et des supporters parisiens au Vélodrome. Je pense que ça participerait de l'ambiance, mais ce n'est pas l'ordre du jour actuellement. Ça avait été essayé pour l'Olympico, on avait eu des supporters lyonnais qui s'étaient déplacés à Marseille et ça s'était très mal passé. Je ne pense pas que prochainement, on aura à nouveau des déplacements pour les matchs classés à très haut risque du Championnat de France. Peut-être dans quelques années, il ne faut jamais dire jamais.

Propos recueillis par Nicolas Pelletier