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Carlos Ulberg lors de son combat face à Nicolae Negumereanu, à New York, en 2022.

Carlos Ulberg lors de son combat face à Nicolae Negumereanu, à New York, en 2022. - Icon Sport

Familles d'accueil, striptease et rugby à XIII: Carlos Ulberg, le Bachelor destructeur de l'UFC

Sa belle gueule frappe l'assistance autant que son crochet gauche. Challenger n°3 chez les -93kg à l'UFC, Carlos Ulberg défie Dominick Reyes à Perth, lors de l'UFC Fight Night 260, pour se rapprocher d'une chance de titre (en direct dans la nuit de samedi à dimanche, à partir de 2h sur RMC Sport 1). Fidèle ami d'Israel Adesanya, le Néo-Zélandais s'est construit avec une violence ancrée en lui très jeune qu'il n'a pas toujours été en mesure de réprimer dans ses familles d'accueil jusqu'aux terrains de rugby à XIII.

Il y a d'abord ce cri, viscéral, asséné comme une promesse au cœur d'une soirée d'automne 2022 dans l'écrin new-yorkais majestueux du Madison Square Garden : "Je suis ici pour rester, essaye de m'arrêter bébé !" Puis il y a ce crochet gauche létal, dévastateur, foudroyant devenu sa marque de fabrique et qui lui a permis de se hisser parmi les hautes sphères de l'UFC. Et, enfin, le nom de Carlos Ulberg (12 victoires, 1 défaite en carrière) ne peut se départir de son physique. Celui dessiné tel un Apollon, pectoraux et abdominaux saillants. Une belle gueule dont il a allègrement profité et a su faire fructifier. Parce qu'avant de choisir d'embrasser son destin au sein d'une cage et de mettre au supplice son corps, le Néo-Zélandais a momentanément arpenté des podiums à l'ambiance bien plus feutrée.

Télé-réalité, Bachelor et "Ladies night"

Plus jeune, l'actuel challenger n°3 chez les -93kg dans la plus prestigieuse ligue de MMA au monde a été mannequin à temps partiel. "Je vais là où il y a de l'argent", expliquait-il, froidement, il y a presque dix ans dans le reportage YouTube "Carlos Ulberg : Fighting For His Future". Une plastique de Dieu grec qu'il a également exhibée en 2018 dans une émission de télé-réalité Game of Bros, programme phare dans le Pacifique qui se veut l'équivalent de Koh-Lanta. Une participation mettant en émoi la gent féminine mais aussi certains producteurs de télévision néo-zélandais qui lui proposent alors de devenir le Bachelor, un homme célibataire séduisant en quête de l'amour parmi une kyrielle de prétendantes. Par deux fois, Ulberg déclinera.

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Carlos Ulberg sur le podium lors d'un défilé de mode en Nouvelle-Zélande, en 2018.
Carlos Ulberg sur le podium lors d'un défilé de mode en Nouvelle-Zélande, en 2018. © AFP

Mais les femmes autant que l'argent facile ont bien jalonné sa jeunesse. Et si d'aucuns continuent aujourd'hui de l'affubler du sobriquet "Ladies night", c'est parce qu'il a su marquer de son empreinte ceux qui ont croisé sa route. "J'avais l'habitude de voyager en Australie et en Nouvelle-Zélande pour participer à des ladies night (soirées exclusivement entre filles, NDLR) et faire du strip-tease. Un jour, un présentateur local a entendu parler de moi et m'a donné ce surnom", racontait en 2022 le combattant de 34 ans. "J'avais besoin d'un peu d'argent de poche, et j'ai découvert que c'était bien plus que ça. Je voyageais, on me mettait sur des panneaux publicitaires. Je faisais ça, je faisais la fête, j'étais payé, j'adorais ça, j'étais jeune, jusqu'à ce que je découvre que j'étais doué pour le combat. J'ai donc vite abandonné."

"J'étais connu pour casser quelque chose ou briser quelqu'un"

D'aussi loin que Carlos Ulberg se souvienne, le combat a toujours fait partie intégrante de son histoire. "C'est dans mon sang. Les Ulberg ont toujours été connus aux Samoa pour être des combattants", se plaît-il à rappeler. Issu d'une union entre un père samoan et une mère maorie, il s'est construit au gré de pérégrinations qui l'ont façonné. À l'âge de cinq ans, son père – boxeur ayant représenté les Samoa aux Jeux du Commonwealth – lui apprend à cuisiner, à lire et à épeler les mots, et lui inflige des exercices de boxe ou des pompes dès qu'il fait une faute d'orthographe. "C'est là que tout a commencé pour moi, il a posé toutes les bases", se remémorait le "Kiwi", à RNZ, il y a trois ans. Dans le giron familial avec des tantes samoanes strictes, on lui inculque aussi le respect et à faire la vaisselle.

Mais ce sont les diverses expériences en famille d'accueil qui vont surtout le façonner. Se définissant lui-même comme un "enfant turbulent", il grandit au sein de différentes familles et foyers de garçons qui lui donnent "une perspective de vie différente, de vies différentes même".

"J'avais une longueur d'avance dans ce sens, car je comprenais que la vie pouvait changer de différentes manières. Une année, on pouvait être dans une famille formidable. Une autre, on pouvait être victime de harcèlement de la part du garçon plus âgé du foyer."

Là, déjà, la violence affleure. Et rythme le quotidien de celui qui a créé un "Fight club" avec des amis pour ferrailler à la sortie de l'école. "Ça a commencé très jeune. C'était juste moi qui étais violent. J'étais toujours connu pour casser des trucs", poursuivait-il à RNZ. "Dans chaque maison où j'allais, j'étais connu pour casser quelque chose ou pour briser quelqu'un."

Carlos Ulberg lors de sa victoire à Sydney contre Da Woon Jung, en 2023
Carlos Ulberg lors de sa victoire à Sydney contre Da Woon Jung, en 2023 © AFP

Prodige déchu du rugby à XIII

Ce n'est pourtant pas un ring ou un octogone qui va devenir son premier terrain d'expression privilégié. Ulberg – qui se rêve en "star de cinéma ou All Black" – se révèle au lycée comme un bon joueur de rugby avant d'exceller au rugby à XIII où il atteint le niveau semi-professionnel. La voie semble alors toute tracée pour percer dans l'ovalie. Sauf que tout bascule lors d'un match retransmis à la télévision lors duquel une échauffourée violente éclate. Devant les caméras, le jeune Ulberg est aperçu en train d'asséner des coups de genou et des coups de poing. La sanction qui en découle sera synonyme de "rêve brisé": six semaines de suspension. Suffisant pour le décourager. "J'étais dégoûté, je pleurais... À ce moment-là, je me suis dit: 'putain, mais j'ai tout foutu en l'air en me battant ?! En me battant !'", s'épanchait, encore accablé, l'athlète il y a quelques années.

Une incartade qui lui ferme une porte pour finalement lui entrouvrir une autre. Interdit de jouer au rugby, Carlos Ulberg intensifie ses entraînements de boxe et de kickboxing qu'il pratiquait déjà. "Dans les autres sports, il me manquait toujours quelque chose", soufflait-il récemment dans le podcast BackChat. "Cette flamme et cette adrénaline, je l'ai trouvé dans le combat." Puis les opportunités s'ouvrent à lui. Le noble art, en premier lieu, avec son seul et unique combat qu'il remporte en 2015. Le kickboxing (19 victoires dont 12 par TKO, 2 défaites), ensuite, lui tend les bras et ses talents manifestes le poussent à se rendre en Chine où il acquiert une notoriété locale. Devenu champion à deux reprises de l'organisation King in the Ring en 2017 et 2019, celui qu'on surnomme aussi "Black Jag" en référence au personnage King du jeu vidéo Tekken amorce patiemment sa transition vers le MMA. Mais l'UFC n'est alors qu'un doux mirage: "J'étais une grande star en Chine mais quand je revenais chez moi, les gens me demandaient toujours : 'Oh, tu te bats ? Qu'est-ce que tu as accompli ?' On ne peut tout simplement pas intégrer l'UFC, ni rêver d'y participer, alors que votre ville natale ne sait même pas qui vous êtes."

Défaite salvatrice et série renversante

En rejoignant la salle de MMA du City Kickboxing basée à Auckland, le rêve va pourtant se matérialiser. Aux côtés du Français Kévin Jousset, Alexander Volkanovski (actuel champion des -66kg), Robert Whittaker (ex-champion des -84kg), Dan Hooker et surtout la légende Israel Adesanya (ex-champion des -84kg) devenue l'un de ses amis proches, Ulberg apprend auprès de l'élite. Il faut attendre sa participation aux Dana White's Contender Series 34, en 2020, pour que l'aventure s'ouvre à l'UFC. Le Néo-Zélandais décroche son contrat avec fracas après avoir éteint son adversaire dès le premier round d'un crochet du gauche fulgurant et se voit adouber par Dana White à travers une saillie malicieuse.

"Il a un potentiel marketing, hein ? Ce gamin est plutôt beau gosse, n'est-ce pas ? Comment est-ce possible d'avoir un visage pareil après autant de combats en carrière ? Ça n'a aucun sens."

Mais le baptême du feu dans la cage à Las Vegas tourne au cauchemar. Trop enthousiaste, trop téméraire, trop exalté, il subit une brutale extinction des lumières au deuxième round face à Kennedy Nzechukwu. "Ce qui m'est arrivé était une bénédiction déguisée. Ça m'a rendu humble et montrer le combattant que je devais être", se remémorait-il encore à BackChat. "Le gars en face était bon, il a su comment me faire déjouer. J'y suis allé à la Raging Bull pensant que je pouvais mettre KO n'importe qui. À l'époque, je n'étais pas encore un étudiant du MMA. Cela a été un point de bascule pour moi." La leçon bien retenue, il reste depuis sur huit victoires consécutives chez les light heavyweights - la troisième meilleure série derrière Magomed Ankalaev (9) et Jon Jones (13). Avec, en prime, un KO choquant contre Alonzo Menifield en douze secondes chrono – troisième plus rapide de l'histoire de la catégorie – qui a marqué durablement les esprits, en mai 2024.

Reyes, la dernière marche avant le title shot ?

Combat après combat, Carlos Ulberg a progressé et nourri son arsenal. Outre son crochet gauche éminemment redouté, il a parfait son striking basé sur un kickboxing d'élite, affûté sa précision en termes de coups significatifs (55,5%, 9e meilleur total dans l'histoire des mi-lourds) et affermi son volume de frappes (6,82 frappes effectuées par minute, meilleur total actuel chez les -93kg). "Il est physiquement très explosif et m'a déjà fait manger son crochet gauche plusieurs fois", étaye Kevin Jousset, ancien combattant de l'UFC et son partenaire d'entraînement. "Il a un footwork d'une rapidité incroyable. Il a toujours un temps d'avance sur son adversaire en termes de déplacement grâce à sa vitesse d'exécution. Et quand Carlos touche avec sa puissance, ça fait mal."

Sa victoire face au gatekeeper du top 10 Volkan Oezdemir, à Macau en novembre 2024, lui a conféré une crédibilité. Celle obtenue par décision unanime contre Jan Błachowicz – où il a pu s'étalonner à un ancien champion du monde malgré une performance en deçà des attentes – lui a offert les portes du top 3 et l'a positionné comme l'un des challengers les plus sérieux à la ceinture. Pour obtenir son title shot face au vainqueur de la revanche Ankalaev-Pereira à l'UFC 320 (4 octobre), "Black Jag" n'a d'autre choix que de livrer une prestation de haute volée sous peine de se faire griller la politesse par le vainqueur du duel entre Jiří Procházka et Khalil Rountree Jr.

Carlos Ulberg aux prises avec l'ancien champion des -93kg Jan Blachowicz, en mars 2025.
Carlos Ulberg aux prises avec l'ancien champion des -93kg Jan Blachowicz, en mars 2025. © Icon Sport
Kevin Jousset: "Carlos a des atouts que les mecs d'en face n'ont jamais vu. S'il combat Alex Pereira, il le met KO"

Et le prochain écueil qui s'élève devant lui se nomme Dominick Reyes. Classé numéro 7, le dangereux Américain a retrouvé de sa superbe avec trois succès d'affilée, après avoir mis longtemps à digérer sa défaite controversée contre Jon Jones en 2020 (trois revers consécutifs). "Reyes est très dangereux, mais Carlos est prêt et au niveau des meilleurs. S'il gagne, et ce ne sera pas par décision, il sera sur neuf victoires d'affilée à l'UFC. Si tu ne lui donnes pas un title shot, ce n'est possible", souffle Jousset, qui a été un témoin attentif de la trajectoire de l'éphèbe néo-zélandais. Carlos Ulberg avec la ceinture vissée autour de la taille, un homme l'a déjà visualisé quelques années plus tôt. "C'est le putain de gars qui va le faire, il va devenir champion UFC des -93kg dans sa carrière", promettait, en 2021, son ami Israel Adesanya devant les caméras de l'organisation. "Il est parfait pour accomplir cet objectif." Alors, oui, la rose du Bachelor lui aurait peut-être convenu à merveille. Mais nul doute que la couronne et les lauriers du champion embelliraient encore un peu plus Carlos Ulberg.

Romain Duchateau Journaliste RMC Sport