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La biathlète italienne Lisa Vittozzi à la Coupe du monde de biathlon IBU au Grand Bornand, dans les Alpes françaises, le 17 décembre 2022.

La biathlète italienne Lisa Vittozzi à la Coupe du monde de biathlon IBU au Grand Bornand, dans les Alpes françaises, le 17 décembre 2022. - JEFF PACHOUD / AFP

Jeux olympiques d'hiver: y aura-t-il de la neige dans les Alpes françaises en 2030?

Les détracteurs de l'organisation des JO en France fustigent le signal envoyé par cette candidature dans une planète en surchauffe. Si le climat des Alpes en 2030 ne sera pas radicalement différent de celui d'aujourd'hui, les effets du dérèglement climatique sont déjà observables en montagne.

Des Jeux olympiques avec "de la neige et des chalets", c'est ce à quoi aspire Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, pour 2030. Pour la neige, à l'aune du réchauffement climatique, les conditions seront quelque peu différentes de celles des JO de Grenoble en 1968 ou encore d'Albertville en 1992, les derniers jeux d'hiver organisés en France.

Symbole de ce changement: le va-et-vient des camions transportant de la neige artificielle stockée en altitude pour la Coupe du monde de biathlon organisée du 16 au 22 décembre au Grand-Bornand, site sélectionné également pour les JO de 2030.

Lors de la dernière édition, en 2022, les Jeux olympiques d'hiver de Pékin s'étaient déroulés sur de la neige 100% artificielle, quand les éditions précédentes avaient également dû massivement y recourir, notamment à Pyeongchang (90%) ou à Sotchi (80%). La France pourra-t-elle faire différemment?

Une échéance courte d'un point de vue climatique

La montagne fait déjà partie des écosystèmes qui ressentent le plus durement les impacts du changement climatique: dans les Alpes et les Pyrénées, la température a déjà augmenté de +2°C en moyenne au cours du 20e siècle, contre +1,4°C dans le reste de la France.

Cette hausse du mercure conduit à constater de plus en plus souvent de la pluie à la place des chutes de neige, une arrivée plus tardive des premiers flocons en automne et une fonte accélérée au printemps. Selon les prévisions du Giec, le groupement d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, à horizon 2050, le manteau neigeux aura perdu 10 à 40% de son épaisseur en moyenne montagne. Et ce quelle que soit la concentration de gaz à effet de serre supplémentaire dans l'atmosphère.

Alors quid de 2030? D'un point de vue climatique, une échéance à cinq ans n'est pas très éloignée. "On parle de climat pour qualifier une région sur une trentaine d'années", explique en ce sens Martin Menegoz, climatologue à l'Institut des géosciences de l'environnement de Grenoble.

Le climat de 2030 ne sera donc pas radicalement différent de celui de 2025, il est même déjà scellé. Même si l'on diminuait drastiquement et dès demain nos émissions de gaz à effet de serre, cela n'aurait pas d'incidence sur ces Jeux, car l'échéance est trop rapprochée dans le temps.

Le double champion olympique français de snowboard cross Pierre Vaultier, dans la station de ski de Serre-Chevalier, dans les Alpes françaises, le 3 février 2022.
Le double champion olympique français de snowboard cross Pierre Vaultier, dans la station de ski de Serre-Chevalier, dans les Alpes françaises, le 3 février 2022. © LOIC VENANCE / AFP

"La gamme des conditions météorologiques attendue pour cet hiver-là est donc du même ordre que ce qui est attendu pour l'hiver prochain et les suivants et a été vécu ces dernières années, avec généralement des conditions de température plus élevées et des conditions d'enneigement moins favorables que ce qu'elles étaient il y a plusieurs décennies", résume Météo-France.

D'un point de vue statistique, la probabilité d'avoir un hiver sans neige en 2030 sera un petit peu plus élevée qu'aujourd'hui, mais la probabilité d'avoir un hiver avec beaucoup de neige sera encore existante.

"Malgré la trajectoire du réchauffement climatique, il y a toujours une variabilité naturelle du climat importante, surtout sous nos latitudes", ajoute Martin Menegoz.
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Des sites olympiques à différentes altitudes

Lors de la réception des membres du CIO, le président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez assurait que le sujet de la neige était "pris très au sérieux" par les organisateurs.

"Toutes les stations qu'on a choisies sont des stations qui avec les évaluations les plus sceptiques ont de la neige en 2030", avait-il assuré.

Les sites proposés pour l'heure se concentrent sur quatre zones: Haute-Savoie, Savoie, Briançon (Hautes-Alpes) et Nice (Alpes-Maritimes). Certaines épreuves n'auront pas véritablement besoin de neige, à l'instar du bobsleigh, du skeleton ou le patinage artistique.

Plus on monte en altitude, plus la vulnérabilité du site face au dérèglement climatique et au manque de neige diminue. Ainsi, la station de Montgenèvre, située entre 1.800 et 2.600 mètres d'altitude a une bonne probabilité d'être dotée d'or blanc durant les Jeux olympiques pour les épreuves de snowboard qu'elle devrait accueillir.

En haute montagne, "il y fait en général assez froid pour que les précipitations se produisent sous forme de neige, même avec le réchauffement des dernières décennies", explique Météo-France, qui souligne toutefois "une fonte accélérée" au printemps.

Les impacts actuels de la hausse des températures se concentrent surtout plus bas. Des études de Météo-France et du CNRS indiquent que près d'un mois d'enneigement a été perdu dans l'ensemble des Alpes en basse et moyenne altitude depuis un demi-siècle.

Lors des Jeux olympiques de 1968, le tremplin de saut à ski était situé à Saint-Nizier, dans le Vercors, à 1.100 mètres d'altitude. "Aujourd'hui, il n'y a même plus d'activité ski là-bas", remarque Martin Menegoz. Un seul téléski fonctionne parfois pour quelques débutants, grâce à des bénévoles. Une "dernière tentative" est organisée cet hiver. "À l'issue de la saison, la municipalité se positionnera sur le maintien ou le démontage du téléski", précise la mairie.

Pour 2030, l'incertitude sera donc bien plus grande pour les épreuves de ski de fond à La Clusaz, située à 1.400 mètres d'altitude, ou pour le biathlon du Grand Bornand, où l'organisation de la Coupe du monde fait régulièrement grincer des dents avec l'apport de neige artificielle par camion afin de créer un serpent blanc de piste au milieu d'étendues herbeuses.

La problématique de la neige artificielle

La question de la production de neige se pose donc également. C'est d'ailleurs à La Clusaz que la station de ski est accusée d'avoir pompé illégalement de l'eau de source pour alimenter les canons à neige. La commune a reconnu un "captage du surplus" et le besoin d'une "régularisation administrative".

En outre, le projet de construction d'une retenue d'eau à cette visée a fait également l'objet de vives tensions autour du partage des usages de l'eau et de l'accaparement des ressources dans un contexte de raréfaction. Le projet a été suspendu par le tribunal administratif de Grenoble au nom de la protection de l'environnement.

Pour garantir des conditions optimales, les stations accueillant des épreuves des JO, comme les autres, ont déjà recours à la neige artificielle. Un temps considérée comme un moyen de combler quelques accrocs dans le tapis blanc, elle est devenue indispensable aux gestionnaires des domaines skiables, permettant de réduire leur météo-dépendance.

Comme l'enneigement naturel, cette production de neige subit également le réchauffement climatique puisqu'elle nécessite des conditions suffisamment froides pour fonctionner. Parfois, cela ne suffit pas: régulièrement, des épreuves sont annulées par manque de neige, comme récemment à l'Alpe d'Huez pour la Coupe du monde de ski de bosses.

Des canons à neige en action pour remédier au manque de neige, à Val-d'Isère, dans les Alpes, le 13 décembre 2014.
Des canons à neige en action pour remédier au manque de neige, à Val-d'Isère, dans les Alpes, le 13 décembre 2014. © JEAN-PIERRE CLATOT / AFP

Des outils pourraient permettre de produire de la neige sous des températures positives avec de nouveaux enneigeurs qui congèlent l'eau à l'intérieur de la machine et broient la glace sur les pistes. Cette méthode est toutefois onéreuse, tout comme peuvent l'être les canons à neige en fonction des prix de l'énergie.

La quasi-totalité des stations européennes menacées

Avec le réchauffement climatique, ainsi qu'avec des émissions de gaz à effet de serre qui ne diminuent pas dans le monde, la tendance à la baisse d'enneigement va se poursuivre. D'après les projections de ClimSnow, la durée de l'enneigement se réduira d'environ un mois par degré de réchauffement supplémentaire à l'échelle de la planète.

Plus loin encore, une hausse de 4°C par rapport à l'ère préindustrielle d'ici 2100, soit le scénario de référence de la politique d'adaptation de la France au changement climatique, entraînerait la mise hors service de 98% des 2234 stations de sports d'hiver européennes, selon une étude internationale publiée dans Nature Climate Change.

Les élus, militants ou spécialistes du monde de la montagne qui s'opposent à l'organisation des JO de 2030 préféreraient que les millions investis soient plutôt utilisés pour accompagner les stations dans l'ère post-ski en les aidant à se diversifier. Ils regrettent le signal envoyé par l'organisation des JO d'hiver en France qui prônerait le tout-ski à la montagne dans une planète en surchauffe.

"Pour l'instant, on ne sait pas organiser ce genre d'événements internationaux de manière compatible avec les trajectoires écologiques qu'il faudrait adopter", concède Martin Menegoz.

Toutefois, le spécialiste souligne que "si on regarde les scénarios d'adaptation de l'Ademe, à long terme, il y a encore de l'activité économique et des événements sportifs". "La question est de savoir comment on les organise", conclut-il.

Pressenti pour devenir le président du comité d'organisation de ces Jeux, le biathlète multimédaillé Martin Fourcade a annoncé au début du mois de février qu'il retirait sa candidature. En cause: plusieurs "désaccords" et l'impact environnemental de l'événement. Il a dit ne pas vouloir "sacrifier (ses) convictions".

"Mon ambition pour ces Jeux est claire: ils doivent être en phase avec leur époque, pleinement conscients des enjeux écologiques et ancrés dans la réalité économique de notre pays", a indiqué Martin Fourcade.

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Salomé Robles