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Kevin Holland

Kevin Holland - Icon Sport

Hyperactif, populaire et Bon Samaritain : Kevin Holland, l'acharné de l'UFC

C'est le personnage le plus actif à l'UFC. Ce week-end, lors de l'UFC Vancouver (1h, en direct sur RMC Sport 1 dans la nuit de samedi à dimanche), Kevin Holland va apparaître dans la cage pour la cinquième fois de l'année 2025. Une frénésie du combat conjuguée à une vision singulière de son métier et de sa carrière qui lui ont permis d'acquérir une véritable cote de popularité auprès du public.

Il y a une part égotique, forcément, et un fond de vérité, aussi. Quand il martèle à l'envi qu'"il n'y a pas plus grand bad motherfucker que moi", Kevin Holland livre sa pensée comme il l'a toujours fait. Sans filtre, sans circonlocutions, sans fards. À l'heure où certains combattants se construisent artificiellement un personnage pour tenter d'attirer les foules et exister médiatiquement, l'Américain n'a pas eu à forcer le trait. Figure incontournable de l'UFC depuis son entrée en 2018, serviteur fidèle et inconditionnel de l'organisation, il a acquis sa popularité en brandissant sa vérité comme marque de fabrique.

"Pourquoi les gens veulent-ils la ceinture, la notoriété ? Les fans m'encouragent énormément. Ils savent qui je suis, ils m'aiment. Du coup, j'ai de la notoriété. Je veux juste continuer à me battre et à offrir un spectacle au public. Je suis un artiste, je n'ai jamais dit que je serais champion du monde", assurait-il en 2023, loin des discours lisses et formatés."Mais je suis la meilleure personne à contacter quand on a besoin d'un adversaire. Et si je ne suis pas champion du monde, je peux toujours être cette personne pour le public."

Hyperactivité et logique pécuniaire

Le "plus grand bad motherfucker" est à l'affiche ce week-end du co-main event de l'UFC Fight Night, à Vancouver, où la Française Manon Fiorot figure et tentera de se relancer après sa chance mondiale avortée contre Valentina Shevchenko. Face à Mike Malott, "Trailblazer" (1m91, 77kg) va effectuer sa cinquième apparition dans la cage sur l'année 2025. Une habitude pour celui reconnu pour son hyperactivité. Depuis son arrivée dans la plus prestigieuse des ligues de MMA au monde, Holland totalise 27 combats (15 victoires, 11 défaites, 1 no contest) et combat en moyenne tous les 67,7 jours chaque année. De mai 2020 à mai 2021, il a même établi un record dans l'histoire de l'UFC avec sept combats en douze mois.

L'athlète de trente-deux ans a marqué également de son empreinte la catégorie des -84kg avec le plus de victoires glanées sur une année (5). Et il a plus d'une fois sauvé certains évenements. En avril 2021, Holland remplace au pied levé Darren Till pour affronter Marvin Vettori seulement trois semaines après avoir croisé le fer avec Derek Brun – égalant ainsi Michael Bisping en 2017 et Deiveson Figueiredo en 2020. Un peu plus d'un an plus tard, à l'UFC 279, il accepte de défier l'actuel roi des middleweights Khamzat Chimaev, iniatialement programmé contre Nate Diaz mais coupable d'une pesée honteusement ratée.

Kevin Holland célèbre sa victoire contre Vicente Luque, à l'UFC 316, en juin 2025.
Kevin Holland célèbre sa victoire contre Vicente Luque, à l'UFC 316, en juin 2025. © Icon Sport

"Vous n'êtes pas assez payés ? Non, vous ne vous battez pas assez"

Un dévouement en toutes circonstances hautement apprécié auprès du boss Dana White, qui l'a d'ailleurs publiquement adoubé : "J'aime ce gars. Il est tellement badass et toujours partant pour se battre." À une époque où pléthore de combattants préfèrent préserver leur intégrité physique et limitent leur apparition dans l'octogone, le mindset du natif de Riverside en Californie détonne. Pourtant, ce dernier justifie son hyperproductivité par une logique implacable : l'appât du gain.

"Je suis un putain de combattant actif. À la fin de la journée, c'est comme si je venais de travailler comme électricien. Mes grands-parents tenaient une entreprise de nettoyage. Je sais ce que c'est les horaires de 9h à 17h, le fait de pointer et de terminer le travail pour être payé. La plupart des gars n'arrêtent pas de dire : 'On n'est pas assez payés, on n'est pas assez payés'. Non, vous ne vous battez pas assez, tout simplement", assénait, en octobre dernier, celui qui affectionne la chasse en dehors des joutes de l'UFC. "Au final, vous voulez être payés pour quelque chose que vous ne faites pas. Ça fait vraiment clochard de penser de cette façon. Rappelez-vous simplement que je ne suis pas un clochard comme les autres gars."

Parents incarcérés, coup de tête et kung-fu

L'itinéraire de Kevin Holland ne répond pas au schéma familial classique. Enfant de Californie avant de s'installer plus tard au Texas, il a grandi sans ses parents. Sa mère alternant les allers-retours en prison tout comme son père, l'Américain a été éduqué par ses grands-parents. La violence fait irruption alors qu'il n'est qu'un adolescent. "J'ai commencé à me battre en donnant un coup de tête à un agent de sécurité au lycée. J'ai été renvoyé", relatait-il à l'UFC, en 2022. "Je suis ensuite allé dans un centre pour mineurs pendant un certain temps. Puis j'en suis sorti et j'ai intégré un centre de réinsertion."

Et le combattant de poursuivre sur le point de bascule de sa vie : "Dans le centre de réinsertion où j'allais, il y avait un professeur d'arts martiaux. C'était un professeur de kung-fu nommé M. Kennedy. Je lui ai dit que tout ce qu'il faisait n'était que du faux combat. Je suis venu à l'un de ses cours et j'ai passé à tabac tous les autres élèves. Mais M. Kennedy, lui, m'a littéralement tabassé comme un dingue. Depuis, je n'ai plus jamais voulu revenir en arrière."

Kevin Holland en pleine action contre Alex Oliveira, à l'UFC 272, en mars 2022.
Kevin Holland en pleine action contre Alex Oliveira, à l'UFC 272, en mars 2022. © AFP

"Ce gars n'arrêtait pas de dire que de la merde"

À seize ans, c'est du MMA dont il tombe amoureux. En 2009, Kevin Holland rend visite à son père à Philadelphie et saisit l'occasion pour assister à l'UFC 101. Au milieu des plus de 17.000 spectateurs du Wachovia Center, le jeune homme se retrouve captivé par un futur Hall of Famer. Et assiste de ses propres yeux à un morceau d'histoire. "J'étais arrivé en tant que supporter de Forrest Griffin pour son combat face à Anderson Silva ! Et puis Anderson a commencé à faire son truc à la Matrix, à esquiver des coups comme je ne l'avais jamais vu", se remémorait-il, le regard malicieux, il y a quelques années.

"D'un coup, il a frappé comme un cobra sortant d'un panier. J'étais hypnotisé. C'est là que j'ai compris."

Après avoir écumé plusieurs circuits locaux, l'opportunité de rejoindre l'UFC intervient en 2018 à l'occasion de la deuxième saison des Dana White's Contender Series. S'il l'emporte, le patron de l'organisation ne lui accorde pas de contrat en raison de son attitude désinvolte et insupportable dans la cage. "Ce gars ne voulait pas fermer sa gueule et a dit que de la merde tout le long de son combat", lâchera sèchement Dana White à son sujet. Par chance, trois mois plus tard, la ligue de MMA recherche en short notice un adversaire pour Thiago Santos à l'UFC 227. Les récentes signatures déclinent, pas celui qu'on surnomme désormais "Big Mouth" qui décrochera un contrat malgré la défaite essuyée. Le début d'une longue romance et d'un mariage heureux.

Divertissement et craquage mental

"Je pense que je suis le meilleur gardien du temple jamais vu pour accéder au top 15. Je combattrai ceux en pleine ascension et ceux qui redescendent. Je n'en ai rien à foutre !" Tel se veut son immuable credo. Oscillant entre les welterweights (-77kg) et les middleweights (-84kg), Holland a nourri sa copieuse carrière en ne refusant aucun combat et en défiant, surtout, des pointures patentées. Khamzat Chimaev (actuel champion des -84kg), Jack Della Maddalena (actuel champion des -77kg), Gerald Meerschaert (recordman de finitions chez les -84kg), Brendan Allen (challenger n°11 des -84kg), Anthony Hernandez (n°6 des -84kg), Joaquin Buckley (n°7 des -77kg), Michael Page (n°9 des -77kg) ou encore Reinier de Ridder (n°4 des -77kg) ont ainsi notamment croisé la route de l'Américain. Pour qui la cage doit être un terrain propice au divertissement. Ceinture de jiu-jitsu brésilien, imprévisible avec ses coups de pied sautés et ses backfists tournoyants, "Trailblazer" a fait de la gestion de la distance sa force majeure grâce à une allonge exceptionnelle (2,03 mètres). Un style spectaculaire – 9 bonus de performance de la soirée à l'UFC, deuxième meilleur total derrière Charles Oliveira – auquel s'ajoute toujours cette grande gueule.

En mars 2021, lors de son affrontement face à Derek Brunson, le Texan d'adoption a offert une séquence depuis devenue mémorable. Dans la salle sans public de l'UFC Apex à Las Vegas, il avait interpellé en plein combat l'icône et ancien champion des -70kg Khabib Nurmagomedov, alors présent aux abords de la cage en compagnie de Dana White, afin de lui demander des conseils pour lutter. Trop dispersé, il a fini par logiquement s'incliner à la décision, étalant encore au passage des lacunes rédhibitoires pour atteindre le top 10 (garde poreuse, défense de lutte limitée, manque de discipline tactique). "Je pense qu'il fait face à une dépression nerveuse", soufflera ce soir-là le boss de l'UFC. "Je ne sais pas ce qu'il faisait. Je pense qu'il n'a pas su gérer la pression et qu'il a craqué mentalement. Je n'ai jamais rien vu de tel."

"J'étais complètement défoncé et je planais comme un cerf-volant"

Des failles émotionnelles qu'il n'a d'ailleurs jamais occultées aux yeux du grand public. Comme lorsqu'il dévoile, perclus de peur avant son apparition à l'UFC 287, après avoir envoyé un message à sa mère : "Dois-je vraiment aller me battre, bordel ?" Une anxiété palpable que Kevin Holland a reconnu atténuer avec une consommation régulière de marijuana. Même durant les fight weeks. "Je fume beaucoup d'herbe car j'ai beaucoup d'énergie et cela me permet de rester calme", s'épanchait-il dans le podcast Mighty Cast, il y a quelques mois. "Si c'est légal dans l'État où je suis, je fume toute la semaine jusqu'à ce qu'on me dise d'arrêter. La semaine du combat contre Marvin Vettori, j'étais complètement défoncé et je planais comme un cerf-volant."

Bien qu'on lui ait récommandé un psychothérapeute du sport, celui qui a un jour infligé une cinglante leçon à un trolleur d'internet reconnaît qu'il n'est pas aisé de composer avec sa personnalité et ses soubresauts. "Mon attitude dérange mon équipe. Je leur fais du mal quand je ne respecte pas de gameplan et manque de discipline, je le sais à 100%", exposait-il récemment dans The Jaxxon Podcast."Ça les fait chier. Ça ne me blesse pas mais je sais que ça peut blesser les gens autour de moi et mes fans. Mais ça ne me blesse pas, je ne veux pas être champion. Je ne veux pas être au sommet du monde. Je veux toujours être divertissant, celui à qui on fait appel. J'aime être payé et ma façon de vivre. Vous savez, Batman est mon héros préféré, mais j'ai parfois envie d'être le Joker, celui qu'il déteste le plus. C'est comme si je me foutais en l'air moi-même. Je l'ai fait beaucoup de fois dans ma vie."

Le Bon Samaritain de l'UFC

Si sa vie de combattant est empreinte d'aspérités, celle de l'homme inspire de la fierté. Père d'un fils qu'il a eu à vingt ans et marié depuis 2019, Kevin Holland a vu son nom apparaître plus d'une fois au sein de la rubrique faits divers... mais pour des raisons éminemment louables. En octobre 2021, il a pris en chasse un voleur de voitures dans son quartier avant de le maîtriser en attendant la police. Quelques mois plus tard, le membre de l'UFC et deux autres personnes sont parvenues à désarmer et arrêter un homme qui a tiré plusieurs coups de feu dans un restaurant de Houston, alors qu’une quarantaine de personnes était présente.

Un acte de bravoure qui a permis d'éviter un drame et qui lui a valu d'être qualifié de "super-héros" par son employeur Dana White. En mai 2022, il a endossé une fois de plus son costume de Bon Samaritain en sauvant un conducteur d’un camion-semi renversé, dont il craignait que le liquide fuie et provoque un incendie ou une explosion. Un devoir de citoyen grandement apprécié qui a affermi encore un peu plus sa cote de popularité. Reste une question en suspens : jusqu'où Kevin Holland, talentueux mais desservi par sa nonchalance, aurait-il pu aller ? Là, encore, les regrets n'ont pas de raison d'être : "Je resterai moi-même jusqu'à mon dernier souffle." C'est une promesse, "Big Mouth" n'a pas fini de parler.

Romain Duchâteau