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Auteuil-Boulogne, les frères ennemis

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Depuis vingt ans, Auteuil et Boulogne s’opposent dans et en dehors du Parc des Princes. Analyse d’une rivalité de plus en plus violente et qui a coûté mercredi soir la vie d’un homme.

Boulogne : la tribune blanche
Boulogne est la tribune historique du Parc des Princes, la seule réservée aux supporters du PSG avant le début des années 90. Elle tire son identité du modèle anglais. Les venues à Paris du Bayern Munich (1975) et de Liverpool (1981) en finale de Coupes d’Europe des clubs champions influencent beaucoup les habitués de la Porte d’Auteuil. C’est à cette époque que les chants, les drapeaux et les fumigènes s’invitent dans les tribunes du Parc. Les hooligans, les punks et les skinheads également. Boulogne se politise au début des années 80 et se mue en véritable lieu de rassemblement pour des groupuscules d’extrême droite. La tribune devient « blanche », autrement dit marquée du sceau du nationalisme. Autrefois structuré, Boulogne apparaît désormais comme un lieu instable. Incontrôlable. La dissolution de son groupe le plus influent, les Boulogne Boys, le 17 avril 2008 à la suite de la banderole anti Cht’is, n’y est pas étrangère. Depuis cet événement, les associations de supporters s’autogèrent. Et les « anciens » chefs de file ont vu leur autorité fragilisée par l’arrivée de jeunes indépendants.

Auteuil : du pacifisme à la violence
La tribune est calquée sur le modèle italien. Autrement dit elle est plus structurée, plus formelle que son homologue de Boulogne. Elle doit son existence, au début des années 90, à la volonté de l’ancien actionnaire du club, Canal Plus, d’opposer une tribune aux ultras de Boulogne. Auteuil se démarque également par son public dit « black-blanc-beur », qui se compose de gens issus de toutes les ethnies. A l’origine festive et pacifique, la tribune s’est radicalisée au fil des années suite à de nombreux incidents avec les supporters de Boulogne. De plus en plus jeune, la population d’Auteuil tolère de moins en moins les provocations. Parmi les associations, se sont formés des groupuscules radicaux et violents déterminés à en découdre avec leurs opposants.

Une banderole à l’origine du clash
C’est une banderole qui est à l’origine de cette lutte fratricide. Celle déployée par les Tigris Mystics en mai 2003 : « L’avenir est à nous ». Le message adressé par ce groupe d’Auteuil, qui fêtait alors ses dix ans d’existence, a été mal perçu par le kop Boulogne. Ce dernier y a vu une remise en cause de son pouvoir et donc, une véritable déclaration de guerre. Après des mois de conflit, les Mystics, peu soutenus par les autres groupes d’Auteuil, jettent l’éponge et annoncent leur dissolution. Le point de non-retour est atteint. Boulogne et Auteuil ne supportent plus leur cohabitation au Parc des Princes. Surtout les derniers, qui voient une frange de leurs supporters, la plus radicale, contestée de manière de plus en plus virulente le racisme affiché par Boulogne. « A Paris, il n’y a qu’un seul club majeur, rappelle Nicolas Hourcade, sociologue à l’Ecole Centrale de Lyon et spécialiste des supporters. Les habitués du PSG se fréquentent à chaque match et la tension entre eux est donc permanente. » La vengeance et la haine ont désormais élues domicile dans les tribunes. La mort de Yann L., supporteur de Boulogne tabassé à mort le 28 février dernier par des membres d’Auteuil, en est la tragique illustration.

A.D.