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Une médaille de bronze, et maintenant? À quoi pourrait ressembler la prochaine saison du prodige Paul Seixas

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Après la plus grande performance de sa jeune carrière, dimanche aux championnats d’Europe sur route conclus par une troisième place derrière Tadej Pogacar et Remco Evenepoel, Paul Seixas concluera sa première saison professionnelle par la découverte d'un Monument, sur le Tour de Lombardie samedi. Avant de se projeter sur 2026, et un possible grand tour?

Dimanche, après l’arrivée en Ardèche, quand on lui a demandé si tout n’allait pas trop vite pour lui, Paul Seixas - médaille de bronze autour du cou - a répondu de façon très terre à terre: "Ce que je voyais sur le compteur était d’un autre monde comparé à ce que j’avais fait jusque-là !" Mais la question ne portait pas en réalité sur sa puissance sur ces championnats d’Europe. Le coureur de 19 ans s’est donc repris: "Je ne réfléchis pas à cela, je me laisse juste porter par le vent... Maintenant je veux juste bien finir la saison, que tout se passe bien sur le Tour de Lombardie et qu’avec l’équipe on aille chercher un beau résultat."

A court terme, le dernier Monument de la saison des rives du Lac de Côme à la Città Alta de Bergame ce samedi viendra en effet conclure sa première saison dans le monde des Grands. Il y a un an, il courrait encore sur le circuit juniors, sur des épreuves de 120 à 130 kilomètres tout au plus. Le jeune Lyonnais a franchi les paliers à grande vitesse au fil de sa première saison professionnelle, d’une cinquième place au Grand Prix La Marseillaise, jusqu’à cette 3e place derrière Tadej Pogacar et Remco Evenepoel après plus de 200km.

Pogacar champion d'Europe, Seixas dans la cour des grands
Pogacar champion d'Europe, Seixas dans la cour des grands
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"Le bilan est très bon"

"On a fonctionné par tronçons dans sa saison", explique à RMC Sport le directeur de la performance de son équipe Decathlon-AG2R La Mondiale, Jean-Baptiste Quiclet. "On avait une première séquence jusqu'au Tour des Alpes (trois podiums sur les étapes et 12e au général) qui a permis de valider un certain niveau. Ensuite, on s’est projetés sur le Critérium du Dauphiné (8e du général) et les Championnats de France (3e du chrono, 9e sur la course en ligne), un bloc qui devait être son pic de saison. Cela a ouvert la perspective des championnats du Monde (16e en CLM individuel, 2e en CLM par équipe mixte, 13e de la course en ligne) et des Championnats d'Europe. Le bilan est très bon, on y est vraiment allés par tiroirs pour toujours le mettre dans les meilleures dispositions et lorsqu'il est allé en compétition, il est toujours arrivé avec un niveau de fraîcheur et de performance plutôt bon."

"On a bien sûr atteint le scénario le plus optimiste qu’on avait imaginé l’hiver dernier."

Des performances qui offrent des perspectives intéressantes pour ceux qui l’encadrent, comme le sélectionneur des Bleus Thomas Voeckler: "Il s’est rendu compte qu’il était capable de passer un cap, d’une violence physique extrême au Rwanda à une course plus raisonnable en distance en Ardèche mais avec une opposition au moins équivalente et en étant encore plus dans le jeu. Il a été respectueux des consignes au millimètre. Maintenant on prendra ce qu’il nous donne mais surtout qu’il se fasse plaisir, peu importe ce qu’on raconte de lui, ce qu’on attend… Et si cela va moins bien dans six mois, qu’il ne fait pas une place dans le top 10, ce n’est pas grave."

Zéro complexe et un détachement remarqué

L’ancien maillot jaune en a vu passer d’autres, en a vu naître des espoirs de potentiels successeurs à Bernard Hinault… Mais Thomas Voeckler s’avance à dire que Paul Seixas est encore fait d’un autre bois: "C’est sûr qu’il n’y a pas de mode d’emploi, il y a des attentes sur lui et il y en aura encore plus. Pour d’autres coureurs, cela a certainement trop joué et cela les a empêchés de progresser. Certains peuvent aussi s’en nourrir, et enfin d’autres arrivent à en faire fi. Ces deux compétitions internationales sont un bon exemple de la façon dont tout glisse sur Paul et il doit arriver à conserver son côté zéro complexe."

"Pour moi, dans ma fonction, et pour tous ses entraîneurs et dirigeants, il permet en tout cas d’envisager l’avenir avec optimisme, en espérant rivaliser avec les tous meilleurs."

L’avenir, en 2026, s’écrira-t-il avec un premier grand tour? En juin dernier, Jean-Baptiste Quiclet expliquait la décision de son équipe de ne pas l’envoyer dès cette année sur une course de trois semaines: "Paul est un coureur qui a commencé à pratiquer le cyclisme de haut niveau dans la période Covid, donc il y a seulement cinq ans. Pour préparer un athlète à un grand Tour, c'est l'antériorité des charges de travail qui compte. L'année dernière, en juniors, il roulait maximum des semaines de 20 heures pendant les vacances puisqu’il était encore au lycée. Donc, en termes d'antériorité, il paraissait peu convenable et peu raisonnable de l'envoyer sur un grand tour. Sans parler du volet psychologique, surtout sur le Tour de France."

Un grand tour en 2026? "Tout est possible sur le papier"

Les données ont-elles changé quatre mois plus tard? "Comme son début de carrière est très récent, un ou deux mois représentent déjà beaucoup dans sa progression", reconnaît le directeur de la performance de l’équipe savoyarde. "On voulait avoir la main cette saison sur l'augmentation de sa charge de travail par l'entraînement pour éviter les erreurs, donc Paul aura eu 37 jours de course dans l'année, de façon assez espacée. Tout s'est emboîté comme on l'avait espéré, ça montre aussi sa très bonne faculté de récupération. Maintenant on va faire une bonne séquence de débriefing entre la direction générale, la direction sportive de l'équipe et les coureurs, et nous, on a une réflexion globale à mener sur la construction de la saison 2026 à l’horizon du mois de décembre, pour émettre les premières orientations. Une course de trois semaines l’an prochain? C'est trop tôt pour le dire, tout est possible sur le papier avec un coureur comme Paul mais on a besoin de faire les bilans et un vrai point sur son plan de carrière parce qu'il y a des temps de passage qui sont franchis un peu plus vite que prévu."

Dans l’esprit du directeur général de la formation tricolore, la perspective semblait plus claire dès l’été dernier: "Personnellement, je suis favorable pour qu'il fasse le Tour de France", affirmait Dominique Serieys, alors invité de l’After Tour sur RMC pendant la Grande Boucle. "J'entends dire que ce serait mieux qu'il fasse la Vuelta, mais il n’y a que trois semaines d'écart. Certes, ce n’est pas le même parcours, mais aujourd'hui, si on veut lui donner de l'expérience pour une échéance de 2028 à 2030, il faut l’expérience d’un Tour. Bastien Tronchon nous l’a dit: de tout ce qu'on a pu lui expliquer, des stages en altitude, de la formation qu’il a reçue, il n’aurait jamais pu comprendre et vivre ce qu’est un Tour de France, et c'est dur! Surtout, dans le projet que nous avons l'an prochain sur le Tour, Paul va être protégé." Paul Seixas est pour l’heure sous contrat jusqu’en 2027 avec l’équipe qui, avec des moyens bien supérieurs grâce à ses deux nouveaux co-sponsors (dont CMA-CGM par ailleurs propriétaire de RMC Sport), cherchera à calibrer de la meilleure façon son projet autour du jeune Français.

Kévin Morand