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Ses frères adjoints, la gestion de joueurs plus vieux que lui, le beau jeu: Will Still raconte son acclimatation à Lens

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Arrivé le 10 juin à la tête du RC Lens, Will Still a réussi ses débuts avec le Racing. L’ancien coach de Reims est toujours invaincu en Ligue 1 avec les Sang et Or. À 32 ans, l’Anglo-belge a réussi la transition avec l’ère Franck Haise, tout en imposant son style de jeu, en compagnie de ses frères et adjoints Edward et Nicolas.

Will Still, ça ne fait que quatre mois que vous êtes à Lens, mais on a l’impression que ça fait beaucoup plus longtemps...

Complètement, je n’aurais pas pu mieux le décrire je pense et ça a été facilité par tous les membres du club, que ce soit le staff que ce soit les gens des bureaux ou que ce soit les supporteurs. Tu te sens très vite chez toi, tu te sens très vite posé, tranquille et directement sur la même longueur d’onde que tout le monde pour mettre le club en avant et continuer le chemin qui a été commencé il y a quelques années. Pour ça je dois remercier tout le club, chacun de ses membres parce que ça a été très facile.

Vos origines belges et les bonnes relations avec les frontaliers nordistes vous ont-elles aidées dans votre intégration à Lens?

A cause des frites, je veux dire (rires)… oui on le sent, mais bizarrement il y a aussi le lien avec ma culture anglaise... ici on a l’impression que c’est proche de l’Angleterre comme club surtout avec Bollaert et son ambiance… C’est pour ça que tu te sens très vite à l’aise ou très vite dans un environnement, tu as l’impression de connaître...

Vous n’avez que 32 ans, vous êtes un jeune entraîneur: comment ça se passe avec vos joueurs qui pour certains sont plus âgés que vous?

Il y a une barrière naturelle, je pense parce qu’ils savent que la décision finale de qui va jouer, comment, ce qu’il va se passer me revient. Mais je n’en joue pas, je reste tranquille par rapport à ça. Et je donne beaucoup de responsabilités aux joueurs, de partages, d’interactions parce que je n’ai pas envie de me prendre pour un autre, je ne l’ai jamais fait et je n’ai pas toutes les réponses non plus. J’ai pas mal d’idées, de projets et je suis très obstiné, on va dire dans le fait que j’ai envie de gagner beaucoup et à répétition. Mais pour ce faire, je suis conscient que j’ai besoin de tout le monde. Il y en a beaucoup plus dans la tête d’une quarantaine de personnes que dans celle d’un mec. C’est pour ça que je suis très ouvert, curieux et je leur donne la place pour exister afin d’être eux même parce que je ne me sentirais pas moi-même dans un autre environnement donc c’est pour ça que je crée cet environnement. Je laisse chacun être comme il est. Il y a certaines règles et certains codes de conduite qui sont nécessaires, mais je pense que quand tout le monde comprend que l’on est ici pour gagner et prendre du plaisir il n'y a pas de problème.

Certains joueurs veulent-ils être copains avec vous?

Ce n’est pas copain, copain…. Je comprends dans quel monde ils vivent, comment ils ressentent et perçoivent les choses, mais entre guillemets l’aspect amical ou pote n’existe pas dans le sens on est dans un environnement professionnel, et je suis très clair sur le fait qu’on est ici pour gagner et chacun réagit différemment à un même message. Chez certains joueurs, il faut être très proche et d’autres très distant ou très froid parce qu’ils n’en ont pas besoin, ils s’en foutent. Il faut donc savoir s’adapter à chacun et faire preuve de compréhension ou de calme par rapport à certaines choses qui peuvent arriver parce que le foot ça reste une émotion. Si un joueur n’est pas content de ne pas jouer, il faut pouvoir en parler, mais je pense que je fais preuve d’assez de calme, de patience et de bienveillance vis-à-vis tout le monde pour que ce soit bien compris.

L’avantage d’être un jeune entraîneur, c'est que vous connaissez tous les codes de vos joueurs, notamment au niveau des réseaux sociaux...

Oui, c'est ça! Le meilleur exemple, c'est jeudi dernier avant de sortir sur la séance et je vois les joueurs en train de chanter une certaine chanson dans les vestiaires et moi je sors de mon bureau qui est juste à côté et en sifflotant la même chanson… et ils se disent: "Ah! Il connait la chanson." Donc voilà tu fais partie du même réseau social entre guillemets qu’eux. Ça me permet juste d’avoir une autre approche si j’ai besoin de réfléchir différemment ou d’apporter un message différemment, je sais comment les toucher chacun.

C’était quoi la chanson?

C’est du rap, c’était Damso!

La particularité de votre staff est que vous êtes avec vos deux frères Nicolas et Edward: comment est venue cette idée et comment ça se passe?

L’idée m’est venue à la fin de la saison dernière où je me suis rendu compte que pour faire un boulot de cette taille avec autant de responsabilités, il te faut des mecs très solides à côté de toi et très honnêtes aussi. J’avais un très bon staff à Reims et je voulais continuer sur cette lancée. Le seul problème, c'est que dans le foot il y a beaucoup de gens qui veulent travailler, mais qu’au final moi je ne connais pas des masses de gens. Et mes deux frères ont fait un boulot remarquable à leur âge dans leurs clubs respectifs en Belgique. On se connaît par cœur, on se complète finalement très bien et je pense qu'on a tous su ranger nos égos de côté pour se dire qu’au final le mieux n’est pas de s’affronter, mais de se réunir et de faire le truc tous ensemble. Alors oui je suis entraîneur et eux sont adjoints, mais il n'y a pas vraiment de différences dans nos têtes, on a juste envie de partager et de faire progresser l’équipe et de faire le club, mais on se rend compte aussi du privilège et de la chance qu’on a d’être dans cette position-là parce que ça n’arrive pas tout le temps.

Est-ce plus facile de se dire clairement les choses entre frères?

Il y a forcément du positif et du négatif, mais je pense que cette conversation honnête et qui est un peu inconfortable parfois est beaucoup plus facile avec des gens que tu connais par cœur. Tu sais que, peu importe la situation, ils seront 100% derrière toi et la décision qui sera prise. Je dois dire que jusqu’à présent, tout va bien.

Dans la gestion de l’effectif, est-il plus facile d’avoir ses frères comme relais auprès des joueurs pour expliquer par exemple qu'untel ou untel ne joue pas?

Si, mais c’est simplement le rôle de tout un staff, ce n’est pas juste les trois frères qui font tout, il y a Hervé Sekli l’entraîneur des gardiens, il y a Benoit Delaval, le directeur de la performance et tout son staff ainsi que nos analystes. Tout le monde est sur le même pied d’égalité, la même importance et le même rôle à jouer. On est là pour faire gagner l’équipe, faire avancer et progresser, les gens. Donc oui, il y a les trois frères et c’est rare, mais y a vraiment tout un staff qui est autour de nous.

Depuis votre arrivée à Lens, quelles sont les choses qui vous ont le plus marqué?

La première chose forcément, c'est Bollaert et l’ambiance qu’il y a sur les matches à domicile et même quand tu vas en déplacement, tu sais que le parcage visiteur est tout le temps rempli et donc ça fait une différence folle. Et puis le deuxième point qui m’a le plus frappé, c'est la taille du club. Tu te rends compte que tu es dans un grand club et qu’il y a une institution, une histoire…. Il y a une direction très claire avec une identité très forte et que tu as envie d’apporter ta pierre à l’édifice.

Dans le jeu, on sent que les joueurs adhèrent totalement au projet que vous mettez en place. D’ailleurs, la qualité du jeu est souvent saluée même si, ces derniers temps il y a beaucoup de matchs nuls*...

Oui, mais je laisserai aux gens de l’extérieur en juger, c’est sûr qu’on avait un projet de jeu ou une identité claire qu’on voulait mettre en place et qui n’était pas à des années lumières de ce qui était déjà en place au club. Je pense que ça a forcément facilité les choses, mais je suis le premier compétiteur, j’ai envie de transformer ces matchs nuls où le contenu est correct et positif en victoire. Et j’ai envie de rendre quelque chose aux supporters qui font tant d’efforts pour nous. Le plus frustrant aujourd’hui c’est qu’on est invaincu, on ne perd pas et le contenu est bon… ça je suis prêt à l’entendre et à l’observer maintenant, c'est à nous de faire monter la mayonnaise pour devenir une équipe qui gagne régulièrement parce que c’était l’objectif initial.

Que peut-on vous souhaiter pour cette saison?

Il y a des tonnes de choses que j’aimerais…. Gagner régulièrement, pouvoir partager ces émotions avec le public lensois et revivre une victoire à Bollaert ça serait énorme. Sur le plus long terme, ça serait forcément de retrouver une place européenne. Personnellement, continuer à grandir, continuer à apprendre, rester en forme, en pleine santé parce que je me suis rendu compte ces derniers mois que c’était important aussi!

*entretien réalisé le 15 octobre, avant la victoire à Saint-Étienne

Jean Bommel