RMC Sport
EXCLU RMC SPORT

"Je suis encore sur un petit nuage": Valentin Gendrey raconte sa montée en Serie A avec Lecce

Valentin Gendrey (numéro 17) avec Lecce

Valentin Gendrey (numéro 17) avec Lecce - Icon Sport

"Je ne m’attendais pas à une année aussi riche." Au téléphone une semaine après la conquête du titre de champion de Serie B, Valentin Gendrey ne cache pas qu’il vient de vivre une année pleine de surprise et d’émotion. Arrivé à Lecce l’été dernier en provenance d’Amiens, son club formateur, le latéral droit de 21 ans s’est imposé dans cette équipe avec qui il a décroché la montée en Serie A. Le défenseur français revient pour RMC Sport sur cette saison complètement folle, entre découverte d’un nouvel environnement, d’un nouveau football et d’une culture tactique omniprésente.

Valentin, vous avez quitté votre club formateur il y a quelques mois, c’est votre première expérience à l’étranger et votre première grande satisfaction avec la montée en Serie A : une semaine après la fête, est-ce que vous avez pu vous poser un peu et analyser votre première saison en Italie ?

Je suis encore sur un petit nuage. Je n’ai pas eu le temps de me poser. On a fait la fête entre nous, après le match, au sein du club. Je suis rentré en France ce week-end et j’ai encore fêté ça en famille. Mais ça viendra. Là je pense juste à profiter.

En quittant Amiens qui était votre club formateur pour rejoindre l’Italie l’été dernier, qu’est-ce que vous attendiez et espériez de cette expérience à Lecce ?

Au début, j’avais beaucoup d’appréhension. Je quittais mon club formateur, Amiens, qui était à 45 minutes de Beauvais, où habite ma famille. Je n’étais jamais vraiment parti loin de mon environnement. J’ai toujours été très famille. Et là, j’allais à Lecce seul, je ne parlais ni anglais ni italien. Donc tout ça était nouveau. Il y avait cette appréhension, mais aussi l’excitation de cette nouveauté car c’est ce que je voulais. Découvrir une nouvelle culture, apprendre rapidement l’italien et m’intégrer dans mon nouveau club. Sur le plan sportif, je voulais un vrai projet pour moi. Le directeur (Pantaleo Corvino, ndlr) m’a appelé lorsqu’on négociait et il m’a dit qu’il voulait me faire progresser. Il avait vu mes matches, il m’a débriefé mes qualités et mes points d’amélioration. C’est exactement ce que je voulais entendre. Bon, je ne comprenais pas l’italien mais c’est mon agent Bruno Satin qui me faisait la traduction (rires).

Aller à l’étranger a été une opportunité inattendue ?

Je m’étais dit que si j’avais cette opportunité, je la saisirais. À l’intersaison, j’étais sur une tendance de stand-by, c’est à dire de rester à Amiens. Je n’avais joué qu’à partir du mois de janvier en équipe première et je me disais que ça serait bien de confirmer en faisant une saison pleine. Le discours des dirigeants était un peu différent. Ils m’avaient dit qu’ils voulaient recruter un défenseur central, poste que j’occupais, et je m’étais dit alors que j’allais pouvoir jouer latéral, mais eux ne me voyaient pas à ce poste. Donc, quand Lecce est arrivé, je n’ai pas du tout hésité.

Vous vous êtes imposé au poste de latéral droit dans cette équipe, votre poste préférentiel alors que vous avez beaucoup joué dans l’axe à Amiens, c’est là que vous pensez vous développer à l’avenir ?

J’ai été formé comme latéral, c’est là que je prends du plaisir et où je me vois. C’est là que mes qualités s’expriment le mieux. Si un coach veut que je dépanne dans l’axe, je le fais, pas de problème, mais je me vois à droite.

Vous trouvez que le regard des gens a changé sur le poste de latéral ? Il y a quelques années, dans la cour d’école, c’est le moins bon qu’on mettait à ce poste. Aujourd’hui, les latéraux deviennent des maîtres de l’espace et les requêtes techniques des entraîneurs ont bien évolué.

(Il rigole) C’est clair que le poste a beaucoup évolué. On le voit dans les grandes équipes, les latéraux savent tout faire maintenant.

L’Italie est réputée pour avoir des entraîneurs très au point tactiquement. Sur quels aspects Marco Baroni (entraîneur de Lecce, ndlr) vous a fait progresser ?

On travaille beaucoup tactiquement. Dans notre système de jeu, les latéraux sont très importants. Je me souviens que les premiers jours, comme je ne parlais pas italien, j’avais l’impression que je faisais tout mal et qu’il ne faisait que me crier dessus. Après, tu sais que ce n’est pas pour te casser, mais pour te faire progresser. Je n’avais jamais connu un coach aussi expressif, tu connais les Italiens (rires) ! Je me souviens d’une séquence à l’entraînement. Il y a un joueur qui joue un long ballon sur un renversement de jeu. Je viens couvrir, je prends le ballon de la tête au dernier moment pour défendre car je vais plus vite que mon coéquipier attaquant. L’entraîneur-adjoint vient me voir et me dit : 'C’est bien, tu as récupéré le ballon, mais tu dois être là bien avant. Sur ce type d’action, tu dois être positionné à tel endroit pour mieux anticiper.’ C’est le culte du détail, on ne fait que ça. Même chose sur les sorties de balle.

Vous avez découvert l’obsession des marquages préventifs en Italie ?

(Il éclate de rire) Exactement ! Tu dois être deux mètres plus à l’intérieur sur telle situation, quatre mètres plus à l’extérieur sur une autre, etc. C’est le sens du détail du positionnement et des mouvements à faire en Italie qui est assez dingue.

Vous trouvez que ça arrive au bon moment cette culture tactique ? Vous êtes jeune, c’est bien de l’avoir le plus tôt possible ?

Depuis que j’ai 14-15 ans, mon père me disait que si j’avais l’opportunité d’aller en Italie, en tant que défenseur, je devais sauter sur cette occasion car c’était le top tactiquement. Avec un peu de recul, je confirme. Le football italien offre cette capacité de progresser pour les défenseurs.

Pour bien être à l’aise lors des entraînements, il faut aussi bien s’intégrer. La présence d’Alexis Blin et Arturo Calabresi, deux anciens joueurs d’Amiens, a dû compter.

Alexis et Arturo m’ont beaucoup aidé au début. Alexis est presque bilingue, il parle anglais normalement. Je suis arrivé, je ne comprenais pas un mot et c’est Arturo qui m’expliquait tout en même temps. La chance que j’ai est que l’italien a des racines identiques au français. Finalement, on apprend très vite. J’ai pris des cours et je comprends tout sur le vocabulaire foot. Sur la vie en dehors des terrains, je comprends presque tout. Et j’arrive à parler avec mes coéquipiers.

Vous avez pu découvrir un peu la ville et cette superbe région des Pouilles ?

C’est vraiment trop beau. Tu as des plages incroyables à trente minutes, avec des falaises magnifiques. Si quelqu’un veut venir dans la région, je peux lui servir de guide ! Tu as des avions qui partent de Beauvais pour les Pouilles, et après, c’est incroyable.

Vous vous êtes mis au Caffè Leccese ?

Dès les premiers jours, dès que je sortais, je demandais un Caffè Leccese. Je suis fan. C’est vraiment trop bon. Je n’aime pas le café. Mais là, avec le lait d’amande et les glaçons en plus, je le conseille à tous ceux qui viennent dans la région.

Au début de la saison, Lecce était parmi les grands favoris à la montée, avec des équipes comme Monza, Parme et Brescia. Vous avez commencé un peu doucement, mais vous avez fait une grosse année 2022. Vous avez senti le soulagement au club et chez les supporters ? Car Lecce était descendu de Serie A en 2020 et si tu commences à passer 2-3 saisons en B, ça devient toujours plus difficile de remonter…

Chez les supporters, je l’ai vraiment ressenti. C’est le sud de l’Italie, ce n’est pas la région la plus riche d’Italie. Tout le monde aime le foot, ça occupe une grande partie de leur vie, que ce soit chez les enfants ou chez les personnes âgées. J’ai eu le sentiment d’un soulagement et qu’ils n’attendaient que ça. Au sein du club, il y avait la déception de l’année dernière et la défaite en demi-finale de playoffs de montée. Mais je n’ai pas senti un profond soulagement, contrairement aux supporters.

Le stade Via del Mare est l’un des plus iconiques de Serie A, un des plus vétustes aussi. Dans ce pays on est fous de foot, c’est un bon environnement pour jouer au foot ?

On a eu 28.000 personnes contre Pise, un stade plein le match de la montée. On a fait un entraînement ouvert au public juste avant ce match décisif contre Pordenone. C’était blindé, il y avait un monde fou. Tu sens que les gens aiment le foot. C’est le seul sport de haut niveau, c’est important pour eux.

Qu’est-ce que vous demande Baroni sur le terrain à la fois dans les phases avec et sans ballon ? Lecce joue en 4-3-3 avec un jeu très axé sur les côtés, avec beaucoup de jeu à trois entre latéral, milieu relayeur de côté et ailier.

Déjà, tu as raison, les triangles sur les côtés sont très importants dans la sortie de balle et dans l’élaboration des phases d’attaque. Avec ballon, les latéraux ont tendance à être plutôt à l’intérieur avec le milieu qui colle la ligne, ce qui nous permet de jouer aussi sur les attaquants directement. Moi, j’avais l’habitude d’être toujours proche de la ligne et le coach m’a dit 'Si tu restes là, tu veux faire quoi ? Tous les angles de passe sont plus difficiles.’ On avait plusieurs utilisations du triangle de côté et des permutations entre intérieur du jeu et long de ligne. On était capable de nous adapter au système adverse, surtout si l’adversaire jouait à 3 derrière. On a un bloc plutôt bas sans ballon, on est très resserré, très discipliné. Si le ballon est à l’opposée, toujours avoir un oeil et se préparer au changement de côté. Il insiste beaucoup sur la concentration à avoir.

Même avec un bloc bas, Lecce est une des équipes qui cherchait à récupérer le plus rapidement le ballon à la perte pour ne pas laisser l’adversaire s’installer confortablement et qui a montré un certain équilibre finalement cette saison : une grande capacité à marquer, mais aussi une solidité qui en a fait la meilleure défense de Serie B…

Attends, tu vas rire. Avant d’arriver en Italie, je ne regardais pas spécialement la Serie A, et la Serie B encore moins. Donc, moi, je me dis le truc habituel : en Italie, le jeu est fermé, les équipes sont disciplinées, etc. Premier match officiel, c’était en Coupe d’Italie contre Parme, le coach nous dit : 'aujourd’hui, on fait de l’individuel tout terrain.' Il demande à l’un de nos défenseurs centraux de suivre l’attaquant même s’il décroche jusque dans sa propre surface. On a été en situation de un-contre-un quasiment tout le match en défense. On était loin du double rideau défensif (rires). Je n’avais jamais vu un coach dire à un central de suivre l’attaquant à 80 mètres de ses propres buts. Avec l’entraîneur, on a joué dans plusieurs configurations et on a su s’adapter. Souvent, on a fait de l’individuel sur les six mètres adverses ou face à des adversaires bien précis.

Il y a beaucoup de bons joueurs en Serie B, je pense à Fagioli, Okoli et Gaetano à la Cremonese, Colpani et Mota à Monza, Barnabè à Parme, Ricci et Zerbin à Frosinone, Hjulmand aussi chez vous notamment... Est-ce qu’il y a des joueurs qui vous ont impressionné comme coéquipier ou adversaire ?

J’aime beaucoup Fagioli et Okoli. Okoli, il est vraiment bon. J’ai bien aimé aussi Matteo Tramoni de Brescia (ancien joueur de l’AC Ajaccio, prêté par Cagliari, ndlr), et Maxime Leverbe, autre français, à Pise. Après, Hujlmand… (il éclate de rire). Lui, il est très très fort. Le premier match de la saison, le coach met Alexis Blin devant la défense et Hjulmand est remplaçant. J’avais vu en match amical que notre Danois était bon, mais je me disais : 'ouais, ok, il est bon.' Sans plus tu vois. Je trouvais Zan Majer fort. Mais quand Hjulmand a commencé à jouer, je me suis dit : 'Ah ouais, lui, il est vraiment très fort.' C’est un bon milieu de terrain, utile dans les deux phases, il récupère et se projette. Il casse des lignes sur une passe. J’aime beaucoup. C’est un top joueur et un super mec. C’est une crème. Il est trop gentil.

Raconte nous la fête à Lecce après le titre, au stade mais aussi dans les rues de la ville…

On a eu la chance de jouer à domicile et valider notre montée dans notre stade. Il était plein. Une ambiance incroyable. C’est un moment inoubliable. Après le match, on était entre joueurs et staff sur le terrain. Puis les familles sont descendues et j’ai pu vivre ça avec mon petit frère. Sur le terrain, il y avait une communion avec les tifosi, mais on célébrait beaucoup entre nous. Après des fans sont descendus car ils étaient restés longtemps et ils ont fêté ça avec nous. À minuit, les dirigeants nous disent : 'dans trente minute, on prend le bus et on va faire le tour de la ville.' Il y avait un monde fou. Le bus ne pouvait pas avancer. On est rentrés à 4 heures du matin.

Après la fête de ce titre dans les rues de Lecce, place aux vacances ?

Là, je suis en France. Après je retourne un peu à Lecce, mais de toute façon, là-bas c’est les vacances, il y a la plage, le soleil… et début juin, je prends 15 jours de vacances.

Il faudra bien vous reposer car en juillet, vous allez découvrir la préparation estivale italienne, et ça, c’est quelque chose…

Cette année, je suis arrivé après la préparation d’avant-saison, donc j’ai peut-être eu la chance de ne pas la faire (rires). Il faut savoir qu’Alexis Blin, à Amiens, était le joueur avec le plus de VMA (Vitesse Maximale Aérobie), toujours dans les premiers, et lui, m’a dit qu’il avait souffert l’été dernier. Donc si lui a souffert, moi je vais mourir (rires). J’ai prévu de travailler pendant les vacances. Là, on a une semaine tranquille, et après on a un programme avec un peu de course, de force, de gainage. Et plus on avance, plus ça augmente. Je vais prendre un préparateur physique avant de reprendre avec le club pour être prêt. Tu ne peux pas arriver en disant que tu as besoin de deux semaines pour être bien.

Propos recueillis par Johann Crochet