Mondial de hand: cinq raisons de craindre la Croatie pour les Bleus

La joie de Luka Karabatic lors de France-Egypte au Mondial de hand, le 28 janvier 2025. - AFP
La Zagreb Arena, une ambiance de feu
15.600 personnes, maillots, bobs, visages parfois à damiers. Un bruit assourdissant "comme une chape de plomb que tu te prends sur le coin de la gueule quand tu rentres parce que ce son assourdissant ne s’arrête pas, une espèce de tension permanente." Il n’y a pas mieux que Guillaume Gille, le sélectionneur des Bleus pour raconter ses souvenirs du Mondial 2009 disputé comme joueur et remporté face à ces mêmes Croates, dans cette même salle. "Ça m’excite énormément, ça me donne la chair de poule", avance Nedim Remili. "On a grandi avec la génération des Experts qui savait faire des exploits, savait mettre des clims! On l’a fait en Suède il y a deux ans, on espère le refaire." Les médias croates jouent sur l’évocation de cette ambiance incandescente retranscrite dans nos lignes et celles des autres médias français. "La France a peur de l’atmosphère de Zagreb", souligne le Vecernji list. "On sait qu’ici, c'est un des endroits les plus difficiles quand on joue la Croatie", avoue Luka Karabatic. "Il va falloir garder la tête froide, essayer d’être le plus calme possible. Mais ce sera un grand moment de sport."
Un classique pas comme les autres
Car quoi qu’il arrive, un France-Croatie n’est jamais un match comme les autres. Un "Klasik" comme il est surnommé à Zagreb qui offrira ce soir, son 38e rendez-vous. La France est en tête sur les affrontements précédents avec 22 succès contre 14 défaites. Le dernier tête-à-tête remonte à l’Euro 2022 ou les Bleus dès le match d’ouverture avait solidement remporté leur duel avec "les Cowboys" (34-32). Mais France-Croatie, c’est d’abord cette finale du Mondial 1995 lorsque les Bleus décrochent leur première étoile avec dans le groupe un certain Yohan Delattre, gardien de l’époque aujourd’hui adjoint. C’est aussi la naissance des Experts en 2008 aux Jeux de Pékin (25-23) mais surtout cette image, à ranger dans les livres de l’histoire du sport, d’un tête-à-tête entre un jeune Niko Karabatic, sourire aux lèvres et la menace Ivano Balic, hors de lui, frustré de voir sa Croatie passer à côté du titre mondial, chez elle, à Zagreb en 2009. "Si la France passe... c’est un vieux rival, c’est le Clasico, je serais impatient de pouvoir jouer ce match" livrait Srna mardi soir avant le quart-de-finale France-Egypte. "On aime jouer la France, on a vécu des moments très durs contre eux, mais aussi des beaux moments", expliquait de son côté Filip Glavas. La dernière demi-finale croate remonte à 2017, en France : Duvnjak, Cindric, Mamic et Pesic encore dans l’équipe aujourd’hui. Elle avait alors terminé 4e.
Des gardiens déterminants
"Kuzma! Kuzma!" Le gardien Dominik Kuzmanovic a plusieurs fois, depuis le début de la semaine, été fêté en héros. 5e meilleur ratio de la compétition (38,3% de sauvetages), le portier de Gummersbach, en Allemagne, a été à plusieurs reprises l’homme qui fait tourner une situation. Dans un match accroché face à la Slovénie en dernier match de tour principal, Kuzamnovic enchaine deux parades permettant aux Croates de passer de 22-22 à 25-22 et sceller le sort du match. En quart de finale, c’est suppléant, Ivan Pesic, qui s’est illustré. Et de quelle manière. Le gardien du HBC Nantes, auteur de douze parades eu une mi-temps face à l’Italie en match de préparation, a fait tourner la fin de rencontre face à la Hongrie. En sortie de banc, il se dresse en muraille trois fois consécutives dans les cinq dernières minutes. Menée de 4 buts à la 55e, la Croatie s’imposera sur le fil. A 35 ans, le natif de Rijeka qui se dit "prêt à prolonger l’aventure internationale jusqu’à Los Angeles 2028 n’a dormi que 4h la nuit suivante "pris par l’émotion."
Une force de caractère déjà démontrée
Ce dernier a regardé des dizaines de fois ce but de Marin Sipic au buzzer, servi par Zvonimir Srna. "On a montré une nouvelle fois notre caractère", a affirmé le passeur en fin de rencontre. Quitte à y laisser de sa personne, chaque victoire croate semble être un succès à la Pyrrhus. "Tout le monde a été blessé dans la compétition, mais tout le monde est fou et prêt à ce que je vois", avoue un membre du staff croate. "Je ne sais pas qui ne sera pas blessé contre la France", rigolait même Filip Glavas au micro de RMC SPORT en fin de rencontre contre la Hongrie. Ivan Martinovic, incertain après une blessure contre la Hongrie, devrait jouer. Les retours d’Igor Karacic et Luka Cindric sont à prévoir. "Ils joueraient même sur un pied", balance-t-on dans le staff, c’est d’ailleurs avec un mollet endolori que le capitaine Domagoj Duvnjak, déjà là en finale du Mondial 2009, joue depuis quelques rencontres. David Mandic a en revanche quitté le groupe pour un doigt. Depuis l’hôtel de la sélection, les physiothérapeutes travaillent du matin au soir. Le mental est loin d’être impactés et tous se disent prêt à laisser les dernières forces dans cette bataille et la dernière qui suit (match pour la 3e place ou finale). Sur le terrain ce soir, si Mateo Garas (24 ans, 2,03m), futur joueur du PSG sera à surveiller en raison de son potentiel défensif (4 interceptions) et son imprévisibilité au tir (17/27 à 9m) la menace pourrait s’appeler Filip Glavas. Malgré des douleurs au dos, l’ailier droit du HC Zagreb a le profil parfait pour embêter les Bleus aux vues de son efficacité depuis le début de la compétition (87,2% au shoot, 34 buts, 4 passes décisives et 16/17 au jets de 7m). Très émotif, il est capable de se laisser emporter par cette foule dantesque et bruyante qui joue le rôle de 8e homme. "On connait les Croates à Zagreb", se souvient Valentin Porte. "Ils vont chercher à truquer le match, à mettre la pression, à se mettre les arbitres dans la poche." Aux Français de rester sereins.
Dagur Sigurdsson, le stratège à la tête de la sélection
A la tête de la sélection depuis 2024, Dagur Sigurdsson apporte un nouveau souffre aux Cowboys. Des références comme sélectionneur, l’Islandais international de football U17 (7 sélections) avant de devenir handballeur international (demi-centre aux 215 sélections et 399 buts) en a quelques-unes : une médaille de bronze au Jeux de Rio et un titre européen en 2016 alors à la tête de la sélection allemande mais aussi une médaille d’argent aux Jeux Asiatiques alors chef de l’équipe Japonaise. En Croatie, Sigurdsson a remis des joueurs sur pied. "Un garçon comme Srna joue libéré depuis l’arrivée du sélectionneur", peut-on lire chez Sportske Novosti. "Il était mis de côté avec les prédécesseurs de Sigurdsson car il avait tendance à se précipiter, mais lui a su le rendre meilleur." Son titre honorifique de MVP en quart de finale parle de lui-même. Ses joueurs derrières lui, le sélectionneur croate qualifiait au micro de RMC SPORT "un groupe fantastique et prêt à tout", après le quart de finale dingue qu’il venait de vivre. Ce soir, il garde quelque chose dans sa manche. "J’ai bien regardé la vidéo de la France contre l’Egypte et j’ai quelques surprises, je n’en dirai pas plus." Avec, peut-être, dans un coin de sa tête, l’envie de s’appuyer plus souvent sur un 7 contre 6, une technique utilisée par les Pharaons pour faire douter les Bleus.