Hélios Latchoumanaya, le soleil du para-judo français

Le judoka Helios Latchoumanaya, à Paris le 22 juin 2021 - Icon Sport
Son félin sasae-tsuri-komi-ashi (mouvement de jambe) dans le temps lors du combat pour le bronze aux Jeux paralympiques face au Kazakh Amanzhol a ravi les amoureux de beau judo. Hélios Latchoumanaya ne combat pas bras tendus et les fesses en arrière comme beaucoup de para-judokas. Le moins de 90 kilos licencié à l’AS Bourg-la-Reine se tient droit et manœuvre avec finesse. Il a débuté le judo à sept ans pour analyser son énergie et a suivi le parcours classique de la pyramide du haut-niveau hexagonal. Pole espoir, pole France et maintenant l’Insep où il s’entraîne quotidiennement avec la fine fleur du judo français.
Parmi les favoris aux championnats d’Europe
Atteint d’une maladie dégénérative de l’œil, l’homme aux dreadlocks ne voit quasiment rien lorsque l’obscurité tombe et sur les côtés pas grand-chose. En arrivant à Bakou pour ces Mondiaux, il devra d’abord satisfaire aux stressants tests de classification. Une sorte d’examen médical pour savoir s’il voit assez pour sa catégorie ou trop. Latchoumanaya est classé J2, la catégorie des malvoyants. J1 est réservé aux non-voyants. Cette saison, il a remporté tous les tournois para sur lesquels il s’est engagé. Aux championnats d’Europe, il a entendu sa première Marseillaise en grand championnat. A Bakou, il fera partie des favoris des moins de 90 kilos face aux Azerbaïdjanais, aux Iraniens, aux Britanniques, les meilleurs en para-judo. Les Azerbaïdjanais alignaient à Tokyo, deux athlètes ancien membres de l’équipe nationale valide.
Il est aussi performant face aux valides
Latchoumanaya fait des ravages chez les déficients visuels. Face aux valides, il réussit aussi de belles performances en tournoi. L’an passé, il a remporté le tournoi national A de Bourges en battant en finale le Mauricien Rémi Feuillet, 7e des Mondiaux 2019 chez les valides. Aux championnats de France 1ere Division, il emporte un combat dans le tableau et un autre en repêchage. Cette année, il a une nouvelle fois obtenu son ticket pour le plus grand rendez-vous hexagonal des valides grâce à une troisième place aux France 2e Division. Une compétition où il bénéficie d’un avantage : la garde installée comme dans les combats handis. "Je sais que ça énerve les valides, sourit-il. Ce n’est pas moi qui fais les règles. On m’a dit de partir installé pour une question d’équité. Je sais que ça peut en frustrer certain."
En 1ere Division, le combat débutera à distance. Avec son handicap visuel, les premiers instants du combat seront cruciaux : "Sur les 1ere Division comme ce sont les mêmes règlements qu’à l’international, avec des sélections à la clef. Là on partira à distance, ça sera plus difficile pour moi d’aller chercher le judogi. Je serai en retard sur la garde."
C'est un pionnier
Latchoumanaya n’a que 22 ans. C’est le leader des garçons handis à côté de Sandrine Martinet, 39 ans, quadruple médaillée paralympique (1 titre et trois médailles d’argent), chef de file des féminines et visage du para-judo. "C’est important pour les para de continuer à pratiquer en valide, appuie-t-il. C’est le meilleur niveau qu’on puisse aller toucher. C’est une fierté de pouvoir combattre avec les meilleurs français."
Latchoumanaya n’oublie pas non plus quelques moments avec les para-judokas pour garder l’habitude de ce judo installé où l’arbitre replace les athlètes après chaque matte (interruption de combat). C’est un pionnier. D’autres para-judokas pourraient le rejoindre dans le bois de Vincennes. Les Espagnols ont pris l’habitude de mêler valides et handis lors des entraînements : "A force de travailler avec les valides, on voit en para judo la différence avec ceux qui ne s’entrainent qu’entre eux et ceux qui s’entraînent avec les valides. C’est super important de garder ce lien. Les valides nous apportent beaucoup, et je pense que nous aussi on apporte aux valides" conclut-il.