
Top 14: face au huis clos, les supporters entre désarroi et solidarité
Ils ont été 2.700.000 supporters à s'asseoir dans un stade pour un match du Top 14, lors de la saison dernière qui a vu le 20e sacre du Stade Toulousain. Mais le huis clos est probable pour la fin de cette édition 2019-2020, suspendue pour cause de pandémie. Et certainement pour le début de l'exercice suivant. "Ça va sonner creux", prophétise un président d'association de supporters.
Outre l'aspect économique du huis clos désastreux - pour l'économie des clubs - c'est l'essence même d'un sport, qui a érigé la troisième mi-temps aussi voire plus festive que les deux premières en raison d'être, qui est menacée. Julien Perpère, président de l’association toulonnaise de supporters Les Fils de Besagne, est catégorique: "Nous sommes opposés au huis clos. Le foot est parfois habitué aux huis clos ou aux huis clos partiels, mais pas le rugby. Le rugby sans supporters, on ne sait pas ce que c’est. Personne ne sait ce que c’est. Et on n’a pas envie de savoir ce que c’est! L’essence du rugby est que c’est un sport populaire: on le vit en famille, on vient deux heures avant, avec les enfants, on fait la fête, il y a cette fameuse troisième mi-temps. Si aujourd’hui il n’y a plus tout ça, ce n’est pas notre conception du rugby."
Tout juste concède-t-il que si pour des raisons sanitaires "il faut faire un, deux ou trois matchs à huis clos, oui, pourquoi pas". "Mais ce n’est pas une solution sur une plus longue durée. Pas dans notre sport en tout cas", insiste-t-il.
Des associations en péril?
Les abonnés représentent environ 40% des billets vendus pour des matchs du Top 14. Et les associations de supporters, le plus souvent choyées par les directions des clubs, jouent un rôle essentiel dans l'ambiance, le caractère festif et la plus-value "expérience sensorielle" que ce soit avant-match avec drapeaux, processions, chants, buvettes, pendant bien évidemment mais aussi après match. Des associations elles aussi impactées par le gel de la saison bloquées depuis le 29 février à la 17e journée sur 26.
Les huis clos qui se profilent vont accentuer le désarroi. Comme Alexandre Lunelli, président des Piranahs, supporters du Racing 92 l’anticipe: "Si les matchs sont à huis clos, on peut penser à recréer l'ambiance devant une télé dans un bar, mais est-ce qu'on ne sera pas aussi soumis à des règles strictes? On est dans l'attente de savoir si, la saison prochaine, les matchs vont reprendre ou non. Et donc savoir si l'association continue ou non."
Chez les Fils de Besagne toulonnais, c'est le même écho: "Les ressources de notre association, c’est très simple: ce sont nos abonnés et nos adhérents. Notre activité, c’est encourager notre équipe à Mayol et à l’extérieur. On n’a plus lieu d’exister si on ne peut plus aller au stade. Évidemment, cela aura un impact fort sur l’économie de notre asso si les gens décident de ne plus s’abonner à cause des huis clos".
"On se doit d'être solidaires"
Un avis largement partagé dans les associations de supporters de clubs du championnat, de Bayonne à La Rochelle, de Toulon à Toulouse. "J'ai du mal à concevoir ce qui risque de nous arriver, c'est-à-dire ne pas avoir de match de rugby à regarder depuis des tribunes", explique Jean-Marc Armand, président du 8, association qui regroupe 350 supporters du Stade Toulousain. "Notre situation en tant que club de supporters est très compliquée. Nous n'avons pas accès à notre local qui se trouve dans le stade, nous avons zéro rentrée d'argent. J'ai toujours mis la santé et la sécurité avant tout. Mais on a lancé une pétition pour que notre club puisse vivre. On a eu énormément de retours positifs".
Pour autant, le supporter se reconnaît aussi et surtout quand la situation de son club est compliquée, sportivement on s'en doute, et économiquement pour cause d'impact négatif de la pandémie. Et ça, c'est nouveau et transversal dans la France des supporters de rugby. Daniel, grande figure des Ultras de l'ASM Clermont depuis plus d'un demi-siècle: "Je pense qu'on se doit d'être solidaires. Aujourd'hui, tout le monde fait des efforts et conçoit des sacrifices. Alors si ça peut aider..."
La conclusion solidaire du président du 8 toulousain: "Mes adhérents ont décidé de lancer un appel pour que les gens ne demandent pas à se faire rembourser la partie de leur abonnement correspondant au manque de matchs à domicile restant à disputer. J'espère qu'on sera extrêmement nombreux à suivre cette initiative qui vise à secourir dans la mesure de nos moyens le Stade auquel il va manquer beaucoup pour finir la saison d'un point de vue financier. Il faut qu'on soit nombreux à suivre cette initiative merveilleuse, exceptionnelle, dans un moment qui est lui aussi exceptionnel."