UFC Paris 2025: "Ça va être intense", l'outsider Benoît Saint Denis veut régler son compte à "la team lunettes"

Alors Benoît, ce France-Brésil?
Oui, l'objectif pour nous c'est un 3-0, donc c'est 1998. Nous l'objectif là, c'est Oumar Sy qui déboîte son Brésilien, idem pour moi et pour Nass'. Donc là, il y a des enjeux et on est excité parce que c'est un France-Brésil mais qui va être explosif.
Pourtant, vous êtes tous à peu près de la même génération, notamment ton adversaire, ça se tient à quelques mois près. Vous aviez 2-3 ans à l'époque, alors nous on joue sur la carte France 98, mais qu'est-ce que ça évoque pour vous?
Beaucoup de choses, parce que c'est l'époque de mes oncles, de certains de mes parents même qui étaient déjà un peu plus âgés, une époque où il n'y avait pas les médias sociaux. C'était plus l'époque de la télé, de la grande télé entre guillemets. Et puis c'était surtout historique pour la France. C'est la première fois que la France gagne la Coupe du monde de foot. Et ça a été un moment d'unité pour la Nation qui en a besoin. C'était un moment magnifique et magique. Et ça se ressent dans l'émotion et dans la transmission de ce moment-là, non seulement parce que j'ai eu le privilège de rencontrer certains acteurs de cette finale et puis aussi quand j'en discute avec ceux qui l'ont vécue de l'intérieur ou d'extérieur mais qui l'ont vécue en tant que Français à cette époque-là.
Sur RMC Découverte, nous aurons GregMMA aux commentaires qui nous a confié qu'il ne serait pas du tout objectif pour votre combat. Quelle est la nature de votre relation?
C'est un personnage Greg, c'est un bon copain. Mais je pense qu'il ne sera objectif avec aucun des combats des Français.
Il nous a confié, pour reprendre son expression, qu'il commençait à "mouiller les couches" à l'approche de votre combat. Il a peur pour vous?
C'est normal, tout le monde est stressé et même tout le monde est stressé pour n'importe quel combat. N'importe quel gars que tu affrontes, l'objectif c'est de gagner et voilà clairement c'est encore une fois un combat supplémentaire, une étape de plus. Ruffy, c'est un mec qui est rentré dans le top 15, ressorti rapidement, il est autour de la 15e place. Entre la 15e et la 18e place, quelque chose comme ça. Pour moi, c'est l'occasion de rappeler à tout le monde que le top 15, ça n'est qu'une étape et que je vais continuer à avancer.
Baba Diagne, notre spécialiste des sports de combat, disait de Ruffy que c'est le meilleur combattant non classé toutes catégories confondues. On l'a eu ce matin, il n'est pas dans le trash talk, il est hyper posé par rapport à un Caio Borralho assez extravagant, par rapport à un Carlos Prates qui fume des cigarettes. Il y a plein de similitudes avec vous, ça parle dans la cage...
Oui bien sûr, je pense qu'on va tous les deux parler dans la cage et faire notre boulot, ça va être un combat qui va être explosif. On a deux styles très différents et celui qui aura la capacité d'imposer son style va remporter le combat tout simplement. Ca va être un combat qui va être violent et pour l'un et pour l'autre et moi c'est ce que j'attends de toute manière. Je suis là pour me tester, je fais ce sport à la base par passion et j'ai le bonheur avec Nico (Ott, son coach, NDLR) et l'équipe d'avoir retrouvé tout le goût pour ce sport tout simplement. Donc là, j'ai envie surtout de remporter ce challenge avant de penser à autre chose. Je fais abstraction de tout le reste, je me suis éloigné de beaucoup de choses pour vraiment être focus sur ce que j'aime. Et ce que j'aime, c'est m'entraîner et devenir le meilleur combattant au monde. C'est ça la chose à laquelle j'aspire. Et donc pour moi, ça n'est qu'une étape que je ne prends pas à la légère, mais j'ai à coeur de prouver samedi que je suis là et qu'il va falloir compter sur moi dans cette catégorie.
Vous utilisez le mot "décomplexé". Peut-être qu'avant vous combattiez pour toute une patrie, aujourd'hui vous combattez pour vous, votre femme et votre fille aussi, un cercle plus refermé. Mais c'est plus léger...
En fait, je pense que tu apprends à gérer la pression médiatique différemment, à gérer les enjeux. En fait, tu t'inventes des enjeux supplémentaires, des pressions que tu te mets mais en réalité, c'est toujours à toi de choisir si ça te touche ou pas. Donc avoir la capacité de faire abstraction de tout ça, c'est quelque chose que j'ai appris uniquement après le combat contre Moicano (défaite par arrêt de l'arbitre à l'UFC Paris 3, en septembre 2024, NDLR) et que je vis aujourd'hui. Et ça fait du bien donc je suis très focus sur ma famille, mes amis, sur moi-même et sur notre aventure dans ce sport et surtout sur ce que j'ai à faire samedi.
On pensait que Nicolas Ott allait "calmer la bête". Mais on vous a entendu dire qu'au premier round samedi soir, il y aurait de la violence...
Nicolas, il prend les points forts de ses combattants et il essaye de les sublimer et d'effacer au maximum les points faibles. Et après, en fonction de l'adversaire, on a des adaptations sur certaines distances, sur certaines choses, sur certains coups, sur certaines attitudes. Mais en réalité, dans le MMA, 90% du temps c'est le combattant qui impose son style qui gagne. Khabib (Nurmagomedov, légende de l'UFC, NDLR), il ne gagnait pas en strikant, il n'a jamais gagné aucun combat en strikant. Tu ne changes pas le style, l'ADN d'un combattant. Par contre, tu peux améliorer les outils qu'il a, les armes qu'il a pour être encore meilleur avec l'expérience aussi, l'améliorer aussi bien offensivement que défensivement.
Quand on regarde les statistiques de ce combat, Benoît, vous vous tenez à quelques 7 minutes de temps passé dans la cage à 2 secondes près, aux pourcentage de coups significatifs... Pourtant la différence, elle se situe sur les amenées au sol. Est-ce que ton chemin dans ce combat, c'est le sol?
Mon chemin dans ce combat, c'est de faire un combat de MMA. Je pense qu'il n'a jamais affronté un mec aussi dur que moi, ça il va s'en rendre compte samedi. Et je ne pense pas qu'il ait eu affaire à de la variété. La variété, c'est important, ça fait partie de mes outils à moi. C'est un excellent combattant mais clairement, moi je vais jouer toutes mes cartes pour le vaincre et ça passera par toutes les cases que peut englober le MMA: le striking, la lutte et le sol. Nous, on veut un combat engagé, c'est ça qu'on veut.
Passé l'euphorie du 10 mai dernier (victoire contre Kyle Prepolec par soumission à l'UFC Montréal), on s'est dit que vous aviez fait le taf, fait plaisir à votre coach lors de la première reprise, puis que vous aviez refait du Benoît Saint Denis. Est-ce que vous avez le sentiment, notamment sur le sol français, qu'il y a un petit peu de scepticisme encore à effacer?
Oui parce que c'est un sport où tout va très vite en fait. Tu peux être mis sur le toit du monde très vite et tu peux être mis plus bas que terre très très vite aussi. C'est pour ça que je disais que c'est avec l'expérience que tu apprends après à faire abstraction de tout ça parce qu'en réalité, le combat reste le même mais si tu es trop touché et affecté par ça, ça peut détériorer l'envie, la capacité, la gestion du stress de cette aventure, de beaucoup de choses en réalité... Donc il faut faire abstraction de tout ça. Moi je fais ce que je veux, je sais dans quelles conditions j'ai fait tel ou tel combat, je sais ce que je peux améliorer et j'ai confiance en de multiples choix et de multiples manières de remporter ce combat et nos prochains combats. Donc maintenant, il n'y a plus de doute, il y a juste à faire le boulot et donc pour ça il va falloir être relâché, déterminé et solide samedi.
Par rapport à un homme qui était dans les forces spéciales, où il y a une grosse hiérarchie et une équipe, vous assumez beaucoup de choses en soliste. C'est une façon de protéger les autres, de dire "je suis responsable à 100% de ma carrière"?
Le combattant est quand même responsable de ses choix. Au final, c'est lui qui prend les décisions finales et c'est lui qui se retrouve tout seul dans l'octogone. C'est pas un sport d'équipe, même si 90% du temps on est en équipe parce qu'il faut des sparrings de qualité, il faut un staff de qualité pour être performant, s'améliorer au quotidien un staff qui t'accompagne pour être le plus performant possible. Moi mon staff, que ce soit Giom Pelletier (son manager, NDLR) ou Nicolas Ott, ce sont des gens en qui j'ai confiance et qui m'accompagnent aussi parce qu'il y a des liens qui se créent. On est sincère les uns avec les autres sur le travail qu'il y a à accomplir et on se fait confiance.
Le monde de l'UFC a évolué et on se dit "un action fighter ne peut pas être champion". Maintenant d'un autre côté, si Benoît Saint Denis n'est pas un action fighter, ça n'est plus Benoît Saint Denis. Donc il y a cette ambivalence et cette attente vis-à-vis de vous, on veut vous voir tout en haut mais on veut vous voir garder votre patte aussi. Comment gérez-vous tout ça?
Je pense que les puncheurs, les cogneurs, comme je me définirais, les mecs qui avancent, qui ont un style un peu "rouleau compresseur", effectivement, ils prennent plus de risques. Mais malgré ça, il y a une quantité de champions qui ont ce style-là: Alex Pereira a ce style-là, on ne peut pas dire que ce n'est pas un mec qui avance et qui met des KO. Il y en a eu un paquet, des champions avec ce style. Effectivement, ce n'est pas forcément les champions les plus tactiques qui s'imposent sur la durée le plus longtemps, mais de temps en temps il y en a, et ça crée des combattants exceptionnels. Il y a des très grands techniciens qui ont ce style-là de rouleau compresseur qui ont fait des très belles années à l'UFC ou en boxe. Je prends pour exemple un de mes combattants préférés qui est décédé il y a quelques années: Marvin Hagler. Marvin Hagler, pour moi, c'est un régal de le regarder et lui, ça a été pour le coup un mec qui a eu la capacité à durer malgré son style rouleau compresseur, tout le temps. Mais à un moment donné, en face, l'efficacité à partir du 5e, 6e round n'y était plus parce qu'il était tellement au-dessus qu'en face ça tenait plus. Donc il y a de la place pour tout le monde à l'UFC, il y a des styles qui sont plus agréables à regarder que d'autres, ça c'est à l'appréciation de chacun. Mais en réalité, nous en tant que combattant, l'objectif c'est de gagner donc on fait abstraction de tout ça.
Ce week-end justement, il y a un Canelo-Crawford et Marvin Hagler est souvent comparé à Bud Crawford...
Et Christian M'Billi surtout qui fait le co-main event, qui est un grand champion et qui je l'espère en cas de victoire, ce sur quoi je n'ai aucun doute car c'est un gros bosseur et qu'il a fait le travail, mais je pense qu'en cas de victoire pour lui c'est peut-être un très gros combat derrière.
Il lui reste un step, vous peut-être deux ou trois désormais. Parce que vous l'avez dit, il y a eu ce chemin de croix et c'est peut-être finalement ce qui rendrait l'histoire encore plus belle...
Oui, après il faut remettre aussi les pieds sur terre. J'ai fait d'énormes erreurs de parcours sur deux combats parce que peut-être que certaines choses sont arrivées trop vite...
On est passé de "tout est facile" à "tout est compliqué"?
Pas dans l'opposition et le moment du combat, mais c'était plus la gestion de tout ce qui était autour, où je n'étais pas encore prêt à gérer toutes les implications qu'avaient des combats à enjeu comme ça. Et je pense que du coup, je me suis renfermé sur moi-même, j'ai perdu un peu contre moi-même lors de mes deux défaites en -70kg. J'ai clairement perdu contre moi-même pour plusieurs raisons. Ça peut être parce que j'ai décidé de faire confiance à des valeurs humaines qui ne me correspondaient pas pendant trop longtemps. Ou ça peut être le fait d'avoir mal géré la pression médiatique, mal géré certaines choses. C'était un ensemble de choses qui fait qu'on apprend quand même et c'est la partie la plus compliquée à apprendre parce qu'il n'y a pas d'école pour ça, il n'y a pas de méthode pour ça et ce n'est pas un truc où tu peux juste aller à la salle, te confronter au plus dur et au plus fort et te dire "il me manque ça et ça". C'est un autre monde. Moi, j'ai eu ces épreuves du feu-là.
On a dit "ça y est, il a pris un KO, il a peut-être plus le même menton". Mais vous avez dit récemment "j'étais conscient face à Dustin Poirier". Vous réfutez le KO finalement?
En fait, ce n'est pas ça. C'est que l'état dans lequel j'étais fait que je sais que je n'étais pas du tout moi-même ce jour-là. Contre Moicano, c'est différent. D'ailleurs, mon menton a tenu. Je me suis fait rouer de coups au premier round. J'ai fait le pire premier round de ma carrière, le seul que je perds d'ailleurs sur l'ensemble de ma carrière. Parce que je n'étais pas moi-même, parce que j'ai voulu être mon propre coach. J'ai fait des erreurs, j'ai fait d'énormes erreurs sur ce combat là que j'ai déjà expliquées 20.000 fois, mais des grosses erreurs. Ces deux combats là en fait, j'ai fait d'énormes erreurs, alors que c'était des combats à très grands enjeux, parce qu'on m'avait mis déjà sur un piédestal mais que je n'avais pas cette expérience. Et contre Dustin, c'est un autre problème. On le voit dans la team Nurmagomedov, quand il y a un cutting qui se passe mal ou qu'il y a des problèmes de santé, l'annulation elle y est. Même sur des énormes combats, Ferguson ça a été annulé 2-3 fois parce que Khabib ne se sentait pas bien à la recharge ou était malade. Ils prennent la responsabilité parce que c'est un staff très compétent, très expérimenté et ça nous aussi on l'a appris avec le temps. La France a d'énormes atouts dans le MMA, mais on apprend encore au plus haut niveau certaines choses et on a appris. Et je suis très fier du parcours, mine de rien, parce qu'on a beaucoup appris, on a grandi ensemble et aujourd'hui, c'est un chemin qui est dur, mais je suis très fier de ce chemin. Et Ruffy, c'est la prochaine étape et je suis très concentré sur lui.
La dernière fois qu'on a mis une cote à 3/1 contre vous, on sait comment ça s'est terminé (victoire contre le favori Ismael Bonfim par soumission au premier round le 1er juillet 2023, NDLR). Pour ce 11e combat, on vous propose un énième Brésilien. Comment expliquer, alors que vos stats sont si proches, que vous soyez le challenger dans ce combat?
Parce que comme je l'ai dit, c'est un sport du moment et c'est un sport de l'instantané. Et c'est aussi un sport où, si tu es fragile mentalement, des défaites peuvent être très percutantes pour ta carrière et ta manière de combattre dans le futur. Et c'est un sport où si tu veux durer, il faut avoir une certaine harmonie à l'extérieur de tous ces enjeux pour être capable justement de rester le même combattant malgré les déceptions, de devenir meilleur et de se remettre en selle très rapidement. Et je pense que c'est ce qui explique le fait que je ne sois pas favori. Après on est une team, c'est comme mettre Borralho favori contre Nassourdine, c'est la team Ott contre la team lunettes. Donc à nous de leur expliquer que quand tu combats avec une paire de lunettes, ça se passe pas bien pour toi. C'est notre mission avec Nassour et Nico samedi soir.
Tout à l'heure, Mauricio Ruffy, aussi flegmatique qu'il est, on lui a dit "23h30, il va y avoir beaucoup de bruit pour l'arrivée de Nassourdine Imavov, encore plus avant pour celle de Benoît Saint Denis", il sera en territoire hostile. Il nous a répondu qu'il sait déjà qu'il a gagné. Que répondez-vous à cela?
Eh bien on va voir samedi. Moi j'ai hâte d'être samedi. Je pense qu'il y a beaucoup de choses à montrer samedi et j'ai hâte d'y être.
Vous avez envie qu'on retienne quoi? "Quel panache, ce Benoît Saint Denis"?
Non, c'est un combat qu'il ne faut pas manquer parce que ça va être un combat très engagé. C'est tout ce que je peux promettre: ça va être intense.