RMC Sport

Dix choses que vous avez peut-être oubliées sur la Dream Team de 1992

La Dream Team 92

La Dream Team 92 - AFP

Après la victoire en Coupe du monde des Etats-Unis ce dimanche, retour sur la folle aventure de la Dream Team en 1992 à Barcelone.

Avant de revenir, en quelques anecdotes, sur ce que fut la Dream Team, il faut se souvenir rapidement de sa genèse. Historiquement réservés aux basketteurs universitaires, les Jeux Olympiques furent, en 1989, enfin ouverts aux joueurs pros. La faute à une défaite surprise des USA lors des JO de 1988 contre l’URSS à Seoul (David Robinson faisait déjà partie de cette équipe qui finit en bronze) et, surtout, au travail de Borislav Stanković, président de la FIBA et grand admirateur de la NBA, qui réussit, après des années de labeur, à faire changer d’avis le monde olympique. Résultat ? La plus grande équipe de tous les temps, tous sports confondus.

Quand la chance et le destin s’en mêlent et que les deux plus grandes générations de l’histoire de la NBA (Magic/Bird et Jordan/Pippen/Barkley/Malone) cohabitent ensemble durant quelques saisons, le roster ressemble à ça : Michael Jordan, Larry Bird, Magic Johnson, Scottie Pippen, Karl Malone, Patrick Ewing, Charles Barkley, Chris Mullin, Clyde Drexler, David Robinson, John Stockton et Christian Laettner, joueur universitaire, là pour le clin d’œil. Onze légendes vivantes (plus Laettner pour porter les valises) arrivent donc en terrain conquis à Barcelone, écrasent tout le monde, jouent aux cartes, boivent un peu, font la fête, visitent la ville, jouent au golf, deviennent amis, placent la NBA au sommet du sport mondial et, 22 ans après, les anecdotes continuent de sortir les concernant. La preuve en dix points (majoritairement issus de « Dream Team : Comment Michael, Magic, Larry, Charles et la plus grande équipe de tous les temps, ont conquis le monde et changé le basket pour toujours », excellent ouvrage sur le sujet de Jack McCallum).

1 - L’affaire Isiah Thomas

Héros de la Dream Team aujourd’hui, Michael Jordan aurait pu ne pas en être un membre. Car il a fallu beaucoup, beaucoup de persévérance pour persuader le meilleur joueur de l’histoire de venir dunker sur les paniers espagnols. D’abord parce que ses étés étaient normalement entièrement consacrés au Golf (18 trous par jour), ensuite parce que, après Magic Johnson, le meilleur meneur de la NBA à l’époque s’appelait… Isiah Thomas. Ce même Thomas qui emmena les Detroit Pistons deux fois jusqu’au titre, marchant sur Jordan et ses Bulls de façon très « physique ». Ceux que la NBA entière surnommait à l’époque les Bad Boys, mirent même en place une tactique spéciale : la Jordan Rule, système de jeu entièrement consacré à « Red 23 ». Les inventeurs de ces tactiques ? Chuck Daly, coach des Pistons et futur coach de la Dream team, mais aussi Isiah Thomas. « Je détestais Isiah, raconte sans gêne Pippen des années plus tard. Je méprisais la façon dont son équipe jouait. Il était le général, le gars qui criait à l’un de ses coéquipiers : ‘‘Mets-lui un coup de pied ! Fais n’importe quoi pour les arrêter’’. Non, je ne voulais pas de lui dans la Dream Team. » Et Jordan dans tout ça ? Il est de notoriété publique aujourd’hui, qu’il ne serait pas venu à Barcelone si Thomas avait été du voyage. Quand on ajoute à ça, le fait que Bird et Barkley n’étaient pas non plus très fans du génial meneur des Pistons, on comprend vite que le sélectionner aurait été bien trop compliqué. Le grand sacrifié de la Dream Team, c’est lui. Même si c’est sûrement un peu de sa faute.

2 - Larry and Harry… et le prix de la bière

Pour qu’une grande aventure collective fonctionne, il faut souvent qu’un duo un peu marrant joue les premiers rôles. C’est l’éternelle histoire du buddy movie, de l’amitié improbable, qui finit pourtant par unir deux types qui n’ont absolument rien en commun. L’un, Larry Legend, joue à Boston. L’autre, Patrick Ewing, est la star de New York. Les deux villes qui se détestent le plus sur la côte est américaine. Des torrents de haine qui n’ont pourtant pas empêché Larry & Patrick de devenir Larry and Harry (Ewing étant renommé Harry pour des raisons de rimes) et de partager moult bières le soir dans leurs chambres d’hôtel. « Une fois, j’ai bu avec Larry Bird. Il boit la bière la plus forte du monde. J’ai mis deux jours à m’en remettre, racontait un Charles Barklay hilare quelques années plus tard. Ewing, lui, n’avait jamais bu de bière avant son passage à Monte Carlo en préparation des JO. Bird en profita donc pour lui faire payer tous leurs verres : « La bière était à 8$ le verre. Heureusement, Patrick ne savait pas combien c’était censé coûter. » Arnaque de All Star.

3 - Le match contre les collégiens

A Monaco, le gymnase est fermé. La presse attend dehors et ne voit rien. D’un côté, la Dream Team. De l’autre, une équipe d’étudiants américains, là pour servir d’agneaux sacrificiels à la plus grande sélection de tous les temps. Au milieu, Chuck Daly, pas rassuré par ce qu’il voit. Si les US avaient une chose à craindre à Barcelone, c’était de se faire surprendre à force de se croire invincibles. Mais comment faire rentrer dans le crâne des meilleurs joueurs du monde que, même eux, peuvent perdre un de ces jours ? En les faisant perdre pardi. Face aux étudiants, Jordan joua très peu, le staff technique ne fit presque aucun ajustement et, patatras, l’impossible arriva.

La Dream Team s’inclina face à une équipe composée de joueurs sans avenir NBA (à part Grant Hill et Chris Webber). A l’époque assistant de Daly, Mike Krzyzewski raconte aujourd’hui que le match fut « jeté » par son boss de l’époque, histoire de faire un peu peur à ses vedettes. Résultat : le lendemain, les deux équipes se retrouvent dans le gymnase et la Dream Team a quelques comptes à régler. « Je crois qu’on leur a mis 100 points, raconte aujourd'hui Charles Barkley. On les a battus comme s’ils avaient volé quelque chose ».

4 - Le plus grand match… que personne n’a jamais vu

Le plus grand match de son histoire, la Dream l’a joué… contre elle-même. Nous sommes le 22 juillet 1992 à Monte Carlo, où les basketteurs américains sont en préparation. Chuck Daly, coach de la sélection, organise un match d’entraînement qui, au lieu de se passer normalement, prend une ampleur gigantesque au fur et à mesure que les dribbles s’enchaînent et que les paniers s’additionnent. D’un côté, l’équipe de Jordan avec Malone et Ewing, de l’autre, celle de Magic, avec Barkley et Mullin, ne cessent de se chambrer, de s’attaquer, le tout sous l’impulsion des compétiteurs presque fous qu’étaient les deux MJ. Jordan veut le trône de la NBA, que lui conteste encore un Johnson pourtant retraité pour cause de VIH, quelques mois plus tôt. On vous laisse deviner le nom du vainqueur. 

5 - Les deux chaussures gauches de Clyde Drexler

Longtemps comparé à Michael Jordan, Clyde Drexler arriva à Barcelone comme la dernière victime en date du tueur d’adversaires qu’était le numéro 23 des Bulls. Quelques semaines plus tôt, en finales NBA, Jordan, fatigué qu’on essaye de lui trouver un rival en la personne du pauvre Drexler, massacra littéralement le guard de Portland, profitant même de la série pour claquer six trois points d’affilée (son « point faible »), impossibilité physique qu’il conclut d’un désormais célèbre haussement d’épaules, comme pour dire « désolé, je ne me contrôle même plus ». C’est donc passablement traumatisé par Jordan que Drexler, appelé de dernière minute, rejoint la Dream Team. Les moqueries continuèrent un petit moment, Michael Jordan n’étant pas du genre à laisser passer une occasion de « pourrir » ses concurrents. Drexler tentait bien de répondre (l était lui aussi un très grand joueur et n’avait pas volé sa place dans l’équipe américaine), mais tout semblait contre lui. Un beau jour que les vedettes US s’entraînaient à Monte Carlo, Charles Barkley crie soudain dans le gymnase pour arrêter le scrimmage : « Attends une minute. Clyde a deux chaussures gauches ! » Le pauvre Drexler dû donc passer le reste des JO à tenter d’expliquer à ses coéquipiers qu’il avait été contraint de s’habiller dans le noir. Pas une excuse suffisante pour empêcher des punchlineurs tels que Barkley, Jordan, Magic et Bird de faire quelques blagues.

6 - Charles Barkley, l’Angola et les coups de coude

A force de problèmes de comportement (bagarre en boite de nuit, crachat sur une spectatrice innocente lors d’une rencontre NBA…), Charkes Barkley faillit ne pas voir l’Espagne. Ce qui, compte tenu de ses lignes de stats lors des JO, aurait tout simplement fait perdre aux USA leur meilleur joueur du tournoi. Mais, heureusement donc, Sir Charles était bien présent au moment d’affronter l’Angola le 26 juillet 1992. Lors de la conférence de presse d’avant-match, alors qu’on lui demande de parler de ses futurs adversaires, Barkley sort ce qui restera comme la phrase de ces JO 92 : « I don't know anything about Angola, but Angola's in trouble. » Résultat ? 116-48 pour les USA et une polémique (la seule des JO) pour Barkley qui, à force de prendre des coups (c’est sa version de l’histoire), finit par en envoyer un gros dans la face de son adversaire.

7 - Kukoc traumatisé

Toni Kukoc n’avait pourtant rien fait à personne. Rien, à part avoir, quelques années plus tôt, tapé dans l’œil de Jerry Krause, le General Manager des Bulls. Séduit par sa précision clinique, le patron de Chicago imagina même un « Big Three » Jordan-Kukoc-Pippen pour sa franchise et, plutôt que de prolonger immédiatement Pippen, préféra, à l’été 92, recruter (en le payant mieux), l’inconnu (aux Etats-Unis) Kukoc. S’il fallait une seule preuve qu’il n’est jamais judicieux de priver des stars NBA de revenus qu’ils jugent leurs (à raison dans ce cas précis), l’affaire Kukoc ferait cas d’école. Absolument furieux que leur détesté "GM" parle avec autant d’admiration de Kukoc, Jordan et Pippen décidèrent de tuer le basket du Croate. « Je ne pouvais pas mettre Krause sur le terrain… Je voulais l’éteindre complètement. L’embarrasser (Kukoc, ndlr) » explique Pippen. Et embarrassé, Kukoc put l’être après une rencontre entière au cours de laquelle, il fut totalement étouffé par Pippen et Jordan, qui se battaient presque pour défendre sur leur futur coéquipier. Jusqu’à ce jour, la façon dont le duo de Chicago s’en prit (dans les règles) au pauvre Croate de 22 ans, reste dans la mémoire olympique. Mais pas forcément dans celle de Kukoc, qui a toujours expliqué avoir pris cela comme un compliment.

8 - Shaquille O'Neal rate la Dream Team

Le seul joueur dont presque personne (en France en tout cas) ne se souvient, c’est lui. Christian Laettner, jeune prodige de l’université de Duke, vainqueur des championnats universitaires avant l’été 92. Pour faire un petit clin d’œil aux anciennes sélections US, qui, comme expliqué plus haut, furent jusqu’à 92 toujours composées de lycéens, Christian Laettner avait été convoqué. Eh bien, malgré sa carrière universitaire exceptionnelle, le futur joueur des Timberwolves faillit bien voir le jeune Shaquille O’Neal lui piquer la place. Mais le comité de sélection choisit finalement le champion NCAA plutôt que la prochaine grande star NBA.

9 - L’importance du golf

Sans la Dream Team, le basket tel que nous le connaissons aujourd’hui n’aurait peut-être pas existé. Et sans le golf, la Dream Team n’aurait, à coup sûr, pas eu lieu. Pas forcément ravi à l’idée de travailler sous les ordres de Chuck Daly, coach des Pistons et grand inventeur de la « Jordan Rule » qui l’envoya au sol des centaines de fois, MJ finit par devenir proche du regretté technicien. Presque autant fou de golf que son joueur star, Daly le laissa en effet aménager son emploi du temps en fonction des parcours qu’il souhaitait faire et l’accompagna plus d’une fois sur les greens. Les deux hommes devinrent proches et cette amitié nouvelle (et inattendue) permit à Daly d’asseoir son autorité sur le groupe le plus fort en ego de l’histoire du sport. Tout ça grâce au golf.

10 - La nuit blanche de Jordan

« Je me fiche de ce que les gens peuvent penser : Michael Jordan est juste l’athlète le plus résistant physiquement de l’histoire du sport. » Les mots, pourtant flatteurs, sont de Magic Johnson, pas forcément toujours enclin a envoyé du compliment sur l’autre MJ. Car, en plus d’être infatigable sur un terrain de basket, Jordan était infatigable presque partout. La veille de la demi-finale contre la Lituanie (victoire américaine), le patron des Bulls passa la nuit à jouer aux cartes avec ses coéquipiers, avant d’enchaîner, dès 7h du matin, sur un mini-tournage pour Nike, puis un parcours de golf (18 trous). Le soir même, il livrait l’une des meilleures performances défensives de ces JO face à Marciulionis. Ensuite, la légende raconte qu’il alla enfin se coucher.

Raphaël Cosimano