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Coupe du monde: qui sont vraiment les "hooligans" russes ?

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Ils constituent le principal sujet d’inquiétude avec le terrorisme et alimentent les peurs des étrangers venus supporter leurs équipes en Russie. Aujourd’hui encore, pourtant, nos connaissances à leur sujet sont très incomplètes. Des chercheurs comme Ronan Evain les ont rencontrés.

La Coupe du monde a débuté et les questions demeurent concernant la capacité de la Russie à maîtriser ses hooligans. Depuis quelques mois déjà, le sujet est pris très au sérieux par la presse occidentale après les incidents de Marseille (Euro 2016) et Bilbao (Ligue Europa 2018). Si les Britanniques ont récemment fait part de leurs inquiétudes à travers la publication d’un rapport parlementaire, la Russie s’est enfin dotée d’un arsenal législatif et réglementaire spécifique au football. Depuis 2016, les services de renseignement du pays ont anticipé et prévenu la menace qui pesait sur la compétition. Mais que sait-on réellement du fonctionnement de ces groupes hooligans et des hommes qui les incarnent ? A vrai dire, pas grand chose.

Difficile d'évoluer au sein de ces groupes

Seuls les travaux des universitaires et chercheurs spécialistes du supportérisme permettent de percer le mystère et entrevoir les difficultés de l’entreprise. Approcher ces groupes et évoluer au sein de leur sphère d’influence n’est pas une mince affaire. Un travail empirique doit être mené de front, sur le terrain. Directeur général de football supporters Europe et doctorant à l’Institut Français de Géopolitique de Paris VIII, Ronan Evain est aujourd’hui le référent français en matière de supportérisme russe. Il est parvenu à pénétrer l’intimité de ces groupes pour nous en livrer tous les secrets.

Les carrières sont courtes

Extrêmement difficiles à approcher, quel que soit leur niveau de compétence, les groupes hooligans sont très structurés. Ils imposent un cadre de vie très strict et rigide à leurs membres. On n’y entre pas si facilement et surtout, on n’y reste pas éternellement. Les carrières sont courtes tant l’activité est exigeante sur le plan physique. L’intégration de ces jeunes, âgés de 16-17 ans pour la plupart lorsqu’ils manifestent leur intérêt, s’effectue traditionnellement à partir d’un système de sélection.

"Le jeune va démontrer des qualités physiques et celles de combattant, indique Ronan Evain, interrogé dans "Football investigation: les dessous du football en Russie". Il va intégrer un premier groupe de jeunes, un sous-groupe. Ils commencent alors à se battre contre des gens du même âge. S’il fait montre de qualités de combattant, de respect de la hiérarchie, d’une capacité à se fondre dans le groupe, il va pouvoir passer dans un autre groupe de jeunes plus performant. Il y a plusieurs strates au sein de ces groupes de supporters."

Une acceptabilité sociale relativement rare en Europe"

Pour bien comprendre ce qui se joue à l’intérieur, il est utile de voir au-delà des clichés et de nos propres représentations du sujet. De cette façon, on comprendra que, s’il est un jeune perdu en quête d’identité, le hooligan russe n’est pas nécessairement un individu marginalisé, mis au ban de la société. Bien au contraire, "il existe en Russie une forme d’acceptabilité sociale relativement rare en Europe", avance Ronan Evain. Les supporters radicaux sont relativement bien intégrés socialement. Certains travaillent dans le secteur bancaire, d’autres sont ingénieurs.

"Nous, on défend l’honneur de notre équipe en dehors des tribunes, c’est simple, c’est ça un hooligan, a raconté Pavel, père de famille et hooligan à ses heures perdues, rencontré par RMC. Chaque personne choisit sa vie, ses loisirs, moi, je suis un homme et pour moi la bagarre c’est ça, c’est une partie de ma vie." Bien souvent la famille et l’employeur sont au courant de ces activités. Les bagarres entre jeune gens volontaires ne sont pas forcément mal vues en Russie. L'exaltation de la virilité trouve une réponse dans la société russe. Mais Vladimir Poutine a sifflé la fin de la récréation et il ne tolérera aucun débordement pendant la Coupe du monde.

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