"Cynisme incroyable", "avancée environnementale"... La suppression des bouteilles et gobelets aux ravitaillements du marathon de Paris ne plaît pas à tout le monde

Un "première mondiale" qui divise. Ce vendredi, les organisateurs du marathon de Paris ont annoncé que les participants de l'édition 2026 (12 avril) devront, à l'exception des athlètes élites, se présenter avec leur propre contenant pour se ravitailler. Exit les bouteilles et gobelets en carton par milliers dans des zones délimitées tout au long du parcours.
"Chacun doit venir avec son propre contenant: une flasque, un gobelet pliant ou un sac d’hydratation, a détaillé Thomas Delpeuch, directeur des épreuves grand public chez Amaury Sport Organisation (ASO). Pendant la course, chacun pourra soit se faire remplir son dispositif par un bénévole, soit le faire lui-même à une fontaine autonome avec bouton-poussoir et le même débit."
"Les organisateurs ont franchi la ligne rouge"
L'objectif revendiqué par ASO est de réduire l'impact carbone d'une course qui a réuni plus de 55.000 coureurs - un record - en 2025. Cette année, une première expérimentation avait été effectuée. Alors que les participants avaient été priés d'amener leur propre contenant, les bouteilles en plastique avaient déjà disparu, mais les gobelets en carton étaient toujours présents. "Les retours qu’on a eus sur l’édition 2025 étaient assez positifs", a assuré Thomas Delpeuch.
Pourtant, l'annonce de vendredi est loin d'avoir fait l'unanimité. Car cette pratique, très répandue dans le trail (le gobelet réutilisable fait partie du matériel obligatoire pour participer à l'UTMB depuis 2006), interpelle les pratiquants de course à pied amateurs, de plus en plus vindicatifs face à l'augmentation du prix des dossards (celui du marathon de Paris est passé de 62 à 170 euros en 15 ans).
À commencer par Christophe, 46 ans, qui courra ce dimanche pour la cinquième fois le marathon de Lyon, épreuve sur laquelle la "révolution écologique" va être mise en place. "Ce marathon coûte de plus en plus cher, a-t-il confié auprès de RMC Sport. Chaque année l’inscription augmente de manière significative et la qualité de service diminue. Cette année, avec la fin des bouteilles sur les ravitaillements, les organisateurs ont franchi la ligne rouge."
Et d'ajouter: "Je fais de la course sur route et du trail. Ce sont deux disciplines différentes dans la gestion de l’effort. Sur route, on doit être léger, on doit garder un rythme régulier pour ne pas perdre d'inertie. Si on fait un marathon 'sportif', porter un sac et s'arrêter tous les cinq kilomètres, c'est un non-sens."
D'autant qu'ils sont nombreux à s'inquiéter sur les potentielles files d'attente aux points d'eau, bien plus longues que les "1,5 ou 2 secondes" promises par ASO. Des instants qui pourraient compter à l'issue des 42,195 kilomètres et faire basculer le chrono final au-delà de l'objectif fixé pendant les longues semaines de préparation.
Une avancée environnementale saluée
Mais tous les coureurs ne voient pas ce changement d'un mauvais oeil. "Rien de choquant", "c'est très bien, moins de déchets", "je suis pour"... La nouvelle a aussi été bien accueillie sur les différents groupes communautaires sur les réseaux sociaux.
"Nous saluons tout type d’initiative qui marque une avancée sur le plan environnemental", a commenté auprès de RMC Sport le collectif des "Climatosportifs", qui sensibilise les coureurs sur la transition écologique. "Ce genre de mesure est un geste fort: elle permettra d’économiser des dizaines de milliers de déchets. Le modèle de l’usage unique de tout objet doit être aboli. Nous devons repenser les manières de se ravitailler sur les courses."
Avant de poursuivre: "Se donner cette contrainte fera émerger des solutions adaptées au fil des éditions. Cette transition est dans tous les cas nécessaire pour minimiser les conséquences du changement climatique, qui affecteront bien plus les conditions des courses, et donc la performance, que ces changements mineurs. Le marathon de Paris étant une course très médiatisée, nous pensons que cela peut également inspirer ou servir d’exemple pour d’autres marathons majeurs tels que celui de Berlin. L’édition de cette année a notamment généré de très nombreux déchets plastiques."
C'était d'ailleurs une volonté exprimée par la mairie de Paris. Depuis le 1er septembre 2024, les déchets plastiques à usage unique sont normalement interdits lors de toutes les courses parisiennes. Les gobelets en carton sont donc proscrits car ils contiennent une couche en plastique, mais pas les verres en plastique réutilisables. Paris s'est équipée de 100.000 gobelets de ce type pour les distribuer aux différents organisateurs. Alors qu'ASO cherche encore une solution pour les coureurs d'un niveau dit "intermédiaire" (entre 2h30 et 3h), ils pourraient constituer une alternative crédible.
Travailler sur les déplacements
Toutefois, cette mesure n'est-elle pas l'arbre qui cache la forêt? En médiatisant cette nouveauté, ASO ne fait-elle pas preuve de "greenwashing"? "Mettre la suppression des bouteilles sur le dos de l’écologie, c'est d’un cynisme incroyable", a abondé Christophe, qui habite à 100 kilomètres de Lyon, insistant notamment sur le fait que le retrait des dossards du marathon rhodanien doit se faire la veille ou l'avant veille en présentiel. "L'empreinte carbone du déplacement pour les dossards est bien supérieure à celle des bouteilles", a déploré celui qui a regretté s'être inscrit sans connaître toutes ces questions organisationnelles.
Pour rappel, 33% des 56.950 coureurs du marathon de Paris 2025 n'étaient pas français, certains ayant traversé le monde pour être au départ dans les rues de la capitale. "Nous soulignons que le marathon de Paris est loin d’être une course exemplaire, ont d'ailleurs noté les 'Climatosportifs'. Au-delà des émissions de carbone liées au déplacement des participants, parfois venus des quatre coins du monde, nous invitons le marathon de Paris à mieux choisir ses sponsors. En effet, la compagnie aérienne Turkish Airlines figure parmi ses partenaires officiels. Et de conclure: "Cela a des effets très concrets en termes de légitimation de leurs activités polluantes."