"J'ai dû être en dépression": les confessions émouvantes de Thierry Henry sur sa relation avec son père et sa santé mentale durant sa carrière

L'anecdote est devenue fameuse. A quinze ans, Thierry Henry marque 6 buts lors de la victoire 6-0 de son équipe, mais sur le chemin du retour, son père ne lui parle que de ce qu'il a raté durant la rencontre. Dans un entretien de près de deux heures sur la chaîne Youtube "The Diary Of A CEO", l'ancien attaquant français, actuel sélectionneur des Espoirs, revient en longueur sur cette relation particulière avec son paternel.
"La première fois que mon père m'a pris dans ses bras, ce qu'il a dit, c'est: 'Ce bébé sera un joueur de football incroyable'", raconte-t-il. "Et il m'a reposé. Vous pouvez imaginer ce qui arrive ensuite. J'étais programmé pour réussir. Peu importe ce qu'il se passait. Il m'a mis sur un terrain à 5-6 ans, et à partir de là, c'était une mission. Pour accomplir son rêve, lui faire plaisir. Je ne sais pas à quel point j'aimais jouer au foot, mais je sais que je ne détestais pas ça. En revanche, ce n'était absolument pas mon choix."
Durant les années qui ont suivi, Thierry Henry assure que c'est cette envie de rendre fier et heureux son père qui a pris le dessus sur tout le reste. "Je savais que si je voulais rendre mon père heureux, ce n'était qu'avec le football, explique le Français. C'est la chose la plus difficile que j'ai eu à faire. Quand j'étais petit, mon père ne me disait jamais ce que je faisais de bien. J'avais besoin de son approbation, qu'il me dise que je progressais. Mais il me parlait toujours ce que j'avais raté, mal fait. Jusqu'à il n'y a pas si longtemps, je voulais toujours faire plaisir aux gens, parce que c'est quelque chose à quoi je n'avais pas eu accès étant petit."
Meilleur buteur de l'histoire d'Arsenal, ancien meilleur buteur des Bleus, Henry reconnaît que l'éducation qu'il a reçu a pu aider, d'une certaine façon. "Ca a marché pendant un moment. Ca m'a permis de rester les pieds sur terre, me dire que chaque jour je devais être meilleur. Mais ça n'a pas aidé l'enfant que j'étais, l'être humain. Ca a aidé l'athlète. Mon bonheur ou ma tristesse, je l'avais à travers les gens. Je ne savais pas ce qui me rendait triste ou pas. Moi, j'étais... Je ne dirais pas mort, mais exprimer mes émotions était très dur, à part l'énervement et la rage."
"Quand j'entends les gens parler de dépression, ça fait tilt chez moi"
Cette image du joueur qui ne montre jamais ses émotions ou presque, c'est ce qui a suivi Henry pendant toute sa carrière. "D'une façon, même pendant ma carrière, je voulais rendre mon père heureux. Je chassais ça. Je ne savais pas si j'étais heureux moi-même, je me posais pas la question, je m'en foutais." Le Français raconte l'anecdote du titre des Invincibles, en 2004, où il avait refusé de suivre ses coéquipiers pour fêter le titre d'Arsenal. "Je suis resté chez moi. J'ai dit qu'il y avait l'Euro dans la foulée. A un certain moment, je ne profitais pas."
Pour autant, le sélectionneur des Bleuets n'en veut pas à son père. "Il n'a jamais lu, jamais voyagé", recontextualise-t-il. "Il ne sait faire les choses que d'une manière, celle qu'on lui a apprise. Et si je compare l'éducation que j'ai reçu et celle qu'il a reçu lui-même, il y a déjà un énorme écart. Vous ne pouvez pas être énervé envers quelqu'un qui fait de son mieux, qui vous a éduqué avec ses outils. Aujourd'hui, je n'ai pas les mêmes outils que lui, j'en ai davantage, et mes enfants en auront encore davantage."
Reste que l'éducation reçue par Henry a eu des conséquences jusqu'à aujourd'hui. "Quand j'entends les gens parler de dépression, ça fait tilt chez moi, reconnaît-il. Je suis un être humain, j'ai des sentiments. Au cours de ma carrière, j'ai dû être en dépression. Est-ce que je le savais? Non. Est-ce que j'ai fait quelque chose à ce sujet? Pas du tout. Mais je me suis adapté. Ca ne veut pas dire que je marche droit, mais je marche. C'est ce qu'on m'a appris depuis petit."
Un épisode a été particulièrement difficile à vivre pour Henry: le confinement durant la pandémie de Covid, à une époque où il entraînait Montréal au Canada. "Après ma carrière de joueur, j'ai passé mes diplomes pour devenir coach, avec l'envie de toujours faire quelque chose, de ne pas regarder mes problèmes, dit-il. Mais avec le Covid, il n'y avait nulle part où aller. Je pleurais presque tous les jours, sans raison. C'était bizarre, mais dans le bon sens. Je ne pouvais pas contrôler certaines choses, ni les cacher."