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Le nouveau syndicat des "petits clubs" ne plait pas à l'ECA de Nasser Al-Khelaïfi

Nasser Al-Khelaïfi lors d'une conférence de presse du PSG, le 23 mai 2022

Nasser Al-Khelaïfi lors d'une conférence de presse du PSG, le 23 mai 2022 - Icon Sport

Depuis ce lundi, un nouveau "syndicat" des clubs professionnels a vu le jour en Europe. A Bruxelles, l’Union des clubs européens (UEC) a livré sa première vision afin de "donner une voix à tous les clubs". Une annonce qui ne plait pas forcément du côté de l’ECA, le représentant historique des clubs professionnels sur le continent européen.  

"Donner une voix aux clubs professionnels qui ne sont pas l’élite du football européen." Globalement, l’Union des clubs européens (UEC) se résume à ça. Comme dévoilé par RMC Sport, ce nouveau "syndicat" souhaite "donner une voix" à une grande partie des 1.400 clubs professionnels à travers l’Europe. Ce lundi après-midi, dans un hôtel de Bruxelles, 40 clubs issus de 25 pays étaient représentés. Cinq clubs anglais, six espagnols et quatre allemands composaient par exemple l’audience. Aucun club français n’avait fait le déplacement jusqu’en Belgique pour suivre ce lancement, et aucun ne devrait faire partie des premiers membres de ce "syndicat". 

Dans la salle, des représentants de Valence, Levante ou encore de Crystal Palace. "Il faut qu’il y ait un début de mouvement pour pousser les autres à nous rejoindre", confie un dirigeant de club anglais présent en Belgique. L’UEC promet plus de démocratie dans les décisions, le système du "un club, un vote" sera mis en place lorsque des membres auront rejoints l’organisation. A l’avenir, l’Union des clubs européens entend peser sur les décisions de l’UEFA, comme le fait l’ECA.  

L’UEC se veut "complémentaire" de l’ECA 

Cette union veut représenter "les petites et moyennes" formations professionnelles pour exister face aux grands clubs. Après cette journée de lancement, le plus difficile arrive. L’UEC doit maintenant fédérer, trouver une organisation, des statuts et une équipe dirigeante. Il ne s'agit "pas de remplacer l'ECA, mais d'apporter un contrepoids à l'influence qu'ont les gros clubs, à travers l'ECA", explique la fondatrice et avocate Katarina Pijetlovic. 

Devant l’audience, les créateurs n’ont pas souhaité s’éterniser sur leur relation avec l’Association des clubs européens (ECA). L’UEC ne veut pas la fin de l’ECA, cette nouvelle organisation souhaite "une complémentarité". Dans leur esprit, l’UEC pourrait représenter les "petits et moyens" clubs alors que l’ECA serait réservée à l’élite du football européen.  

L’ECA veut garder son monopole 

Du côté de l’ECA, ce lundi après-midi, une dizaine d’employés étaient présents derrière leurs ordinateurs pour scruter les discours diffusés sur Youtube. Pour le "syndicat" historique, il n’y a pas de place pour ce nouveau venu dans le paysage de la "défense des clubs professionnels". Beaucoup de dirigeants présents dans l’entourage de l’Association des clubs européens voient cette arrivée "comme un projet personnel de Javier Tebas", le président de la Liga. "C’est ridicule", confie un proche de l’organisation. Il n’est pas nouveau que la relation est plutôt fraiche entre Nasser Al-Khelaifi, président du PSG et de l'ECA, et Tebas.  

Lorsque la naissance de ce nouveau "syndicat" est évoquée, l’ECA dresse son bilan pour montrer sa puissance dans l’intérêt des clubs. "J’en ai à peine entendu parler, sont-ils le prochain A22 (promoteur de la Super League, ndlr) ?", questionne Nasser Al-Khelaifi, président de l’ECA, dans une déclaration transmise à RMC Sport et plusieurs autres médias traitant ce sujet. Et de poursuivre: "L’ECA est le seul organe représentatif des clubs en Europe, reconnu par la FIFA et l’UEFA et toutes les autres parties prenantes. Nous défendons tout le monde ici à l’ECA, créant une solidarité pour les membres de toutes les tailles, mais aussi les non-membres et même les clubs en dehors de l’Europe. Il est vraiment important que nous respections cette pyramide – toutes les parties prenantes doivent faire plus sur la distribution. Toutes les personnes qui rejoignent une autre start-up non représentative devraient remettre en question leur légitimité". À l'heure actuelle, seuls 109 clubs sont autorisés à voter sur les questions majeures à l’ECA. L'organisation, née en 2008, compte désormais plus de 300 formations membres et dispose de nombreux accords avec l'UEFA et la FIFA.

L’UE très ouverte sur le sujet

Pour l’instant l’UEFA n’a donné aucun commentaire sur cette nouvelle. Une autre institution est plus bavarde sur le sujet. Margaritis Schinas, vice-président de la Commission européenne, était présent à la tribune pour ce lancement de l’UEC. "L'UEFA doit garantir le succès commercial de l'élite et doit soutenir tout le monde, a indiqué le représentant européen. Y compris les petits clubs". Avant de poursuivre : "Dans notre modèle européen du sport, tous les clubs de football doivent être entendus et traités de la même manière. La taille ne devrait pas avoir d'importance." Une forme de validation du projet. "L’UE n’a jamais aimé les monopoles", sourit un participant.  

Un autre homme s’est montré ce lundi, le président de Crystal Palace, Steve Parish. "Nous ne nous sentons représentés nulle part au niveau européen", a expliqué le dirigeant. "Ils adorent ce terme 'petit club' mais je pense que nous devons arrêter de l'utiliser à propos de nous-mêmes, a-t-il ajouté. Je ne me considère pas comme un petit club, je me considère comme un club qui essaie d'aspirer à entrer en Europe et à gagner des choses. Je ne connais pas toutes les réponses, mais je pense que nous avons besoin d'une voix différente." 

Tebas offensif contre l’ECA 

Javier Tebas le puissant et médiatique président de la Liga a aussi livré sa vision de la situation. Les petites piques pour Nasser Al-Khelaïfi, son ennemi, n’étaient jamais bien loin. Les opposants à ce projet de l’UEC accusent souvent Tebas d’être à l’origine de ce nouveau "syndicat". Faux, rétorquent les membres fondateurs qui ont eu l’idée en 2021. C’est ensuite en 2022 que l’Espagnol a rejoint le mouvement. Ce dernier apporte quand même un soutien de poids à cette organisation.  

"Aujourd’hui est une journée importante pour le football européen, a débuté Tebas. Nous parlons de la majorité des équipes, celles qui ne jouent pas l’Europe ou qui le font occasionnellement". Le président espagnol s’est ensuite montré plus offensif contre l’ECA dirigée par "NAK": "L’ECA ne représente pas tous les clubs en Europe. Elle représente seulement l’élite. L’ECA est très ouverte pour prendre un café, un thé ou du Coca… Pour aller dans des hôtels chers faire des conférences, mais l’ECA n’est pas ouverte pour décider ou voter."  

Avant de pointer du doigt la désignation de Nasser Al-Khelaïfi à la tête de l’ECA. "Il m’est récemment venu à l’esprit de demander comment le président de l’ECA a été choisi, explique le patron de la Liga. Et c’est un labyrinthe juridique. Il est impossible qu’il y ait une élection démocratique et transparente. Seuls onze clubs décident, et ils font partie de l’élite." Pour lui, cette nouvelle association "représente ce que devraient être les valeurs du football européen à l’avenir."  

Nicolas Pelletier, à Bruxelles