"Jamais je ne me suis dit que je jouerais un jour à Paris": les bouchons, sa passion et ses objectifs, Pierre Lees-Melou raconte ses débuts au PFC

Pierre, vous avez signé en toute fin de mercato au Paris FC, le 28 août. Comment ce transfert s’est réalisé?
Ça s’est fait très rapidement, en même pas 24h… Il y a eu des contacts concrets entre mes agents et le directeur sportif. Tout s’est accéléré, en douze heures, tout le monde s’est mis d’accord pour le contrat. Après, il y a eu des négociations avec le club de Brest et voilà, j’étais déjà là!
Donc aucun contact auparavant durant le mercato?
Pas du tout, cela s’est fait sur le tard. Je suis très content de faire partie de ce projet, j’avais besoin de nouveautés. Je trouvais que j’avais fait le tour de la question à Brest, sans manquer de respect bien sûr. Car pour l’instant, mes meilleures années footballistiques ont été brestoises. Mais j’avais fait le tour et j’avais besoin d’un nouveau projet ambitieux. Je pense qu’ici, c’est le cas. Même si cette année, cela ne va pas être évident. Il ne faut pas croire que, parce que le club a les moyens, tout va être facile. Ce serait une erreur mais c’est pour cela que je fais partie du projet, pour apporter mon expérience.
Quelles sont vos ambitions justement? Les dirigeants ont fixé comme objectif un maintien "confortable"...
Il n’y a pas de maintien confortable, c’est avant tout le maintien. La Ligue 1, ce n’est pas un championnat facile, il ne faut pas le sous-estimer. S’il y a un maintien tôt, on pourra revoir les ambitions à la hausse. On a pu le voir dans ce début de championnat que c’était compliqué. Contre Metz, heureusement on a gagné (3-2), ça fait respirer. Mais tout n’est pas positif, le chemin est long. C’est donc le maintien d’abord.
Vous arrivez pour évoluer à quel poste exactement?
Moi je suis milieu défensif depuis trois-quatre ans maintenant, c’est là où je prends le plus de plaisir donc c’est pour jouer en 6.
Que pensez-vous du recrutement du Paris FC cet été, avec beaucoup de joueurs d’expérience comme vous?
Ce n’est pas mon job mais ce que je peux dire c’est que je suis heureux d’être dans ce groupe. J’ai été bien accueilli. Les recrues sont très bien, concernant le caractère et niveau foot. Moi je suis là pour le terrain et pour jouer.
Avant de signer au Paris FC, vous avez eu des contacts avec Rennes ou Lyon. Est-ce que vous avez imaginé partir à l’étranger également?
Il y a eu des contacts avec l’étranger mais je voulais rester en France. Beaucoup pensent qu’à 32 ans, on commence à être vieux et cramé. Moi, je me sens encore frais même si j’étais blessé l’année dernière. C’était osseux, rien à voir avec la fatigue. Je me sens bien et j’avais besoin d’un projet qui me stimule, me donne envie de me dépasser.
Si on pense à l’Olympique Lyonnais, on pense au grand stade, à un club très important, au passé glorieux. Vous aviez envie d’y aller?
Le projet Lyon existait et les infos sont sorties donc on peut en parler. Les négociations ont duré beaucoup plus longtemps mais c’était indépendant de ma volonté. C’est sûr que Lyon était un projet intéressant à court terme car il y a l’Europe. Mais à moyen terme, le Paris FC est un très beau projet parce que certes, on parle de maintien cette saison, mais après il y aura des ambitions. A 32 ans, je suis encore jeune donc je compte faire partie du projet.
Vous n’avez signé que deux ans?
Ce n’est pas énorme mais je compte m’inscrire dans la durée et c’est à moi de le prouver sur le terrain. Mais comme partout où je suis arrivé, je n’ai jamais fait l’unanimité et j’ai toujours prouvé sur le terrain ensuite.
Quelle sont vos premières impressions du coach Stéphane Gilli, qui découvre la Ligue 1 comme coach principal à 51 ans? Il a un parcours qui sort du cadre, un peu comme vous...
On a eu un entretien ensemble quand je suis arrivé, on a bien parlé. Ça montre qu’il n’y a jamais de voie tracée. Il y a toujours des exceptions et je pense qu’on en fait partie. C’est ce qui nous anime et ce qui nous permet de garder une certaine fraîcheur. On a encore plus envie que les autres, on sait d’où on vient, on n’a pas connu que le foot (Pierre Lees-Melou a travaillé auparavant dans le périscolaire, a été préparateur de commandes). C’est toujours plaisant d’échanger avec ce genre de personnes, de passionnés. On s’et vite trouvé des points communs, et j’apprécie aussi sa philosophie du foot. Il passe beaucoup par le jeu, j’adore ça.
Vous avez été recruté au Paris FC pour votre expérience (235 matchs de Ligue 1 notamment) mais pas pour votre sagesse... Vous avez écopé de 30 cartons jaunes à Brest!
J’en suis conscient, je suis lucide… J’ai eu un très mauvais épisode à Brest. C’est vrai, j’étais beaucoup plus râleur, j’avais un gros problème avec l’autorité des arbitres en France. Surtout quand je suis revenu d’Angleterre (de Norwich City en Premier League) où c’est une toute autre philosophie. J’ai dû en prendre au moins la moitié pour contestation, si on disait un mot plus haut que l’autre ou si on courait trop vite vers l’arbitre… mais regardez: 3 matches cette saison, zéro carton. C’est l’année de la maturité (rires)! J’ai bien compris, je ne parle plus du tout avec eux. C’est malheureux, ils ont leur autorité, on reste à notre place, on ne dit plus rien. Le capitaine parle et ce sera mieux comme ça.
L’étranger justement, est-ce qu’après Norwich, ça vous a titillé d’y retourner?
J’ai adoré mon expérience Premier League, vraiment. Et si on s’était maintenus en PL, je suis sûr que j’y serais resté tout au long de mon contrat. Ça m’a changé en tant que joueur et en tant qu’homme. Avant, je n’étais pas un joueur qui aimait défendre et depuis que je suis revenu d’Angleterre, j’ai ce côté agressif. L’état d’esprit des gens aussi, les stades pleins, l’ambiance, j’ai adoré. Certes, on a fini dernier, c’était dur. Mais ça m’a servi, je suis un nouveau joueur.
A Dijon, à Brest, un peu à Nice aussi, vous étiez un peu la "star technique", le leader en tout cas. Est-ce que l’objectif ici à Paris est le même?
Ah non!!! (rires) Je suis obligé de vous reprendre, quand j’arrive à Dijon je suis inconnu! Et Nice, je n’arrive pas en star avec tous les joueurs qu’il y avait. J’arrive toujours sur la pointe des pieds, quand j’arrive dans un club limite on ne me connaît pas. Mais moi j’ai privilégié de montrer sur le terrain, le fait de me battre, et c’est ce qui est apprécié ensuite. Et vous parlez de leader technique, je pense qu’ici au Paris FC, on est bien servis. Je vais apporter une sorte de stabilité et si je peux faire partie des leaders techniques je ne vais pas cracher dessus.
Au Paris FC, on aime mettre en avant le slogan "Certifié Paris". L’idéal est d’avoir des joueurs du coin, formés au club. Pour le coup Pierre, entre le Cap Ferret, Dijon ou Brest, vous n’êtes pas certifié Paris...
Pour être honnête, jamais je ne me suis dit que je jouerais un jour à Paris (rires)... Je ne vous cache pas que c’est compliqué. Le trafic surtout. J’ai l’impression de passer plus de temps dans la voiture que sur le terrain d’entraînement. Ce sont des habitudes à prendre en compte et c’est une vie que j’ai voulu. Il faut prendre les nombreux atouts et les quelques inconvénients.
On ne va pas vous retrouver dans les nuits parisiennes tous les week-ends?
Non, non, non (rires)… j’ai passé l’âge pour ça.
Votre départ du Stade Brestois, parlons-en. Il y a des débats parmi les supporters, certains vous classent parmi les légendes du club. D’autres sont plus amers concernant votre départ vers le Paris FC, un "nouveau riche"?
D’abord, je ne me considère pas du tout comme une légende de Brest, mais je les remercie car grâce à eux j’ai vécu mes meilleures années foot, notamment la saison lors de laquelle on termine 3e. Dire que je pars pour un projet sans âme c’est ne pas être honnête. Certes, cette première année ne sera pas simple, il ne faut pas tomber dans le piège d’un club au gros budget. A moyen terme, ça reste un projet magnifique. On ne pourra jamais faire l’unanimité, les gens auront toujours à dire. Je ne dirai jamais de mal de Brest. C’est grâce à eux que j’en suis là aussi. Après les avis des gens, je ne m’en soucie pas trop. Tant que je suis en paix avec moi-même, ça va.
La saison 2023-2024 restera une saison à part pour le club et pour vous aussi?
C’est un super souvenir…. C’est ma meilleure saison, on termine 3e avec une équipe attendue pour jouer le maintien. Il n’y aucun débat pour dire qu’on a volé cette place. On l’a mérité tout au long de la saison avec des joueurs exceptionnels, un coach top qui a su monter ce collectif pour gagner. On était une équipe à part, de caractère. On était des chiens sur le terrain! Tout réussissait. Même à titre personnel, j’ai été élu dans l’équipe-type de la saison et même dans les cinq meilleurs joueurs de Ligue 1. Je n’aurais jamais imaginé ça. Je ne dirai jamais de mal de Brest même s’il y a eu des épisodes plus négatifs sur certains mercatos. Je ne retiens que le positif.
Est-ce que vous regrettez cet épisode du départ avorté au Stade Rennais à l’été 2024?
Je regrette juste la façon dont la communication a été faite… on avait rendez-vous avec le président de Brest. Communiquer avec la presse sur mon avenir avant ce rendez-vous, je n’ai pas apprécié. Après que le club me bloque… mine de rien, ce sont les clubs qui décident. Ils ne m’ont pas bloqué qu’un seul mercato, mais je ne veux retenir que le positif.
Pour parler du positif, certains ont rêvé de vous voir en équipe de France lors de votre meilleure période brestoise… vous y avez cru?
Jamais de la vie… c’est le coach Eric Roy qui avait allumé la mèche. Ça me faisait rire car le coach a fait le chauffeur de salle! Il y avait bien meilleur que moi. Ce n’est pas du tout un regret, j’étais déjà tellement content d’apparaître dans des équipe-types… pour moi, l’équipe de France, c’était bien trop haut.
Si je vous classe dans la catégorie des joueurs élégants comme Mickaël Pagis, Julien Féret ou Benoît Cheyrou, mais qui n’ont jamais accédé au niveau international, vous validez?
J’adore! Julien Féret je l’adorais quand j’étais amateur, en plus je jouais au cap Ferret, et je m’identifiais à lui. Son style de jeu un peu à part, pas rapide, mais fin techniquement, j’adorais.
Vous vous qualifiez vous-même de footballeur amateur. Est-ce que cela a évolué avec le temps?
Non je peux encore le dire. Je le dis quand on me demande si j’ai des routines particulières. Je suis amateur moi. J’aime bien, ça me caractérise, j’aime avoir cette fraîcheur-là. Je ne regarde pas trop de matches à la télé, je n’ai pas changé.
L’armoire à trophée est vide, à part une coupe d’Aquitaine…
Deux coupes d’Aquitaine! (rires)
Est-ce que cette quête vous anime malgré tout, même sans être un obsessionnel de foot?
Forcément, on rêve tous d’avoir des trophées mais c’est sûr que si on enlève les coupes d’Aquitaine, la salle des trophées est vide! Ce serait beau, pourquoi pas gagner un trophée ici, il n’est jamais trop tard.
Regoûter à l’Europe avec le Paris FC, c’est jouable?
Il ne faut pas brûler les étapes. Je compte m’inscrire dans la durée même si je n’ai signé que deux ans, je veux montrer que j’en ai encore sous la semelle. J’espère à moyen terme que ces objectifs soient remplis.
Que peut-on vous souhaiter désormais? De trouver une maison en région parisienne?
Déjà oui, parce que c’est compliqué ici (rires). Et surtout continuer à gagner. Premier match et première victoire, j’y ai participé donc ça fait toujours plaisir. Et de bien me sentir ici tout simplement.