"Moi je m’en fous": comment les Rennais Merlin et Rongier abordent leurs retrouvailles avec Nantes

Dans le contexte international actuel, le FC Nantes aurait pu se passer d’une promotion belliqueuse du derby Nantes-Rennes. Sur l’affiche, les ex-Nantais Valentin Rongier, Quentin Merlin et Ludovic Blas sont représentés en soldats, armés de lances et de boucliers. Il y a des images dont on pourrait se passer comme il y a des phrases qu’il ne faut pas prononcer. Il n'y a pas besoin de remonter à l’époque médiévale pour retrouver trace de la petite pique de Rongier. En 2017, l'actuel capitaine des Rouge et Noir branchait les voisins dans une interview au journal Ouest-France : "C'est un club qui ne m'attire pas du tout. Et ce n'est pas comme si j'étais de passage à Nantes. C'est ma 18e saison, j'ai le club en moi. Je ne pourrais pas aller là-bas. Je ne sais pas non plus si je serais le bienvenu."
Samuel Fenillat : "Il ne faut jamais dire jamais"
Huit ans après, Samuel Fenillat, directeur du centre de formation du FC Nantes, sait que même les meilleurs peuvent faire des erreurs. "Je me souviens quand on faisait des ateliers de media-training, tout le monde disait 'Valentin il communique bien, il sent bien ce qu’il faut dire ou pas'. On se rend compte que ça peut lui jouer des tours aussi car il a dit des choses dans un contexte qui lui reviennent aujourd’hui. On peut tous se tromper, la preuve. Il ne faut jamais dire jamais mais ça reste quelqu’un qui sait souvent quoi dire, quoi faire au bon moment comme sur le terrain."
Pour les formateurs, l’annonce de ces deux transferts à Rennes a surpris. "Oui, c'est sûr qu'on est à l'intérieur, qu'on parle avec les jeunes. Voilà, ça fait bizarre", concède Samuel Fenillat. Mais celui qui est à la tête de l’académie nantaise depuis 15 ans a conscience des réalités du foot d’aujourd’hui. Il y a deux décennies, les Canaris quittaient le nid à 25-26 ans, aujourd’hui c’est à 22 ans en moyenne quand ce n’est pas plus tôt encore comme pour Nathan Zézé, parti cet été au Neom SC à 20 ans pour 20 millions d’euros.
"Rennes reste un bon club, et que des joueurs issus de la formation soient attirés et achetés par le Stade Rennais, ça met quelque part aussi en valeur la formation. Je peux comprendre que ça frustre, que ça blesse, surtout quand il y a eu ces propos-là avant. Mais les supporters ne sont pas toujours simples non plus avec les joueurs, et les jeunes notamment. Ils sont très vite critiques. Ils emploient des mots forts, durs, sur les réseaux. Un joueur a sa carrière à gérer. À un moment donné, est-ce que ce n'était pas pour eux, à l'instant T, la meilleure opportunité ? Pour plein de raisons ?"
Quentin Merlin : "Qu'une optique, gagner là-bas"
Si le retour de "Val" à la Beaujoire ce samedi s’annonce musclé, son coéquipier Quentin Merlin, qui a passé à Nantes toutes ses jeunes années, se moque de l’accueil qui lui sera réservé. "Forcément on s'y attend. On a reçu des messages, on sait ce qui peut se passer. Moi, je m'en fous, je vais faire abstraction de ce qu'ils peuvent dire, ce qu'ils peuvent faire. Je n'ai qu'une optique, c'est de gagner là-bas. Il y aura mes supporters du Pays de Retz, de Pornic, qui sont toujours avec moi, qui me soutiennent. Mais j'ai des amis qui sont dans la Brigade Loire. Quand je leur ai annoncé que j'allais signer à Rennes, l’un d’eux m’a dit 'En tant qu'ami je te respecte, mais en tant que brigadier, je ne respecte pas ce choix'. Quand il sera dans la tribune, il va m'insulter, il va me huer. Mais en dehors de ça, ça reste mon ami", a-t-il expliqué.
Chez les Canaris, le défenseur rennais a eu pour coach Stéphane Ziani, entraîneur de la réserve. L’ancien milieu de terrain, formé au FC Nantes, a lui aussi quitté la Loire-Atlantique pour les bords de la Vilaine en 1994 avant de revenir à Nantes en fin de carrière. Il comprend le choix de son ancien joueur. "Que ce soit Valentin ou Quentin, je pense que si le club avait eu les moyens, il les aurait gardés. Rennes aujourd’hui , c’est quasi 'no-limit' ou pas loin. Malheureusement, pour le moment, on ne peut pas rivaliser avec eux. C'est une belle équipe qu'ils vont mettre en place. C'est un beau projet. Tu ne peux pas leur en vouloir. C'est vrai qu'on est toujours nostalgique. Je n'ai pas cette rivalité, car j’ai joué à Rennes. Pour autant, on se tire la bourre mais c'est plutôt une rivalité saine. Ça nous fait de beaux derbies comme ça. Il y a encore plus de piments pour les spectateurs."
Et comme pour Stéphane Ziani, un retour aux sources n’est jamais inenvisageable. "Dans ma tête, il n'y avait qu'un club, c'était Nantes. J'aurais rêvé de faire une carrière à la Loïc Amisse. Mon idole, c'était Lolo. Quand j'étais gamin, je n’avais pas d’autre club que le FC Nantes qui me faisait rêver. Et pourtant, regarde mon parcours ! (Il a joué pour sept autres clubs, NDLR) Et ça m'a enrichi en termes d'expérience de vie. Mais mon attachement… Et je pense que pour Quentin, pour Valentin, pour tous ceux qui sont passés là, leur club de cœur… Ça reste Nantes. C'est leur club, tout simplement. »
David Merlin, le père de Quentin : "On sera devant la TV car il y a eu des pseudos-menaces"
Sur les bords de la Jonelière, on a souvent parlé de famille, une notion qui s’est désormais évaporée loin de l’univers des clubs de Ligue 1. Celle de Quentin Merlin ne sera d’ailleurs pas au stade de la Beaujoire pour le derby. David, son père, préfère ne pas prendre de risque. "On a décidé de ne pas aller au match parce qu'il y a eu des pseudo-menaces. C'est plus pour qu’il puisse ne se concentrer que sur son match et pas sur autre chose. On a eu des messages, comme quand Quentin est parti à Marseille, qui sont assez virulents. Il y a le regard des supporters mais nous, on a notre œil de parents, d'accompagnateurs. Et Quentin a sa carrière à gérer. C'est une frustration parce qu'on avait prévu d'y aller avec des amis. Après, c'est comme ça. On regardera la télé. On sera bien aussi. Il n'y a pas de souci."
Et puis il y aura le match retour programmé fin avril à quatre journées de la fin du championnat, à Rennes. Suivant la position au classement des deux équipes, l’ambiance du derby pourrait de nouveau être électrique.