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BUSINESS 2024: quelle est la stratégie des entreprises derrière les "teams" d'athlètes?

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À l'occasion des Jeux olympiques et paralympiques, plusieurs sponsors de l'évènement ont décidé de sponsoriser des athlètes. Un partenariat gagnant-gagnant qui répond à un enjeu d'image d'un côté et offre un précieux soutien financier de l'autre.

Les Jeux olympiques et paralympiques offrent deux terrains de compétition. Derrière celle que se livrent les nations au tableau des médailles se cache celle entre les entreprises qui sponsorisent des athlètes. Sur les 82 partenaires de l'événement qui ont contribué au budget du comité d'organisation à hauteur de 1,2 milliard d'euros, la moitié a constitué sa propre "team" d'athlètes en vue des Jeux. Au total, plus de 700 athlètes qualifiés pour les Olympiades parisiennes dont 500 français figurent dans l'un de ces collectifs.

Mais les approches des entreprises divergent d'une "team" d'athlètes à une autre. LVMH a par exemple opté pour un effectif resserré de 7 athlètes en misant sur des têtes d'affiches du sport tricolore comme le nageur Léon Marchand, le rugbyman Antoine Dupont ou encore la gymnaste Mélanie De Jésus Dos Santos. Au contraire, BPCE a vu les choses en grand avec un contingent de plus de 250 athlètes et para-athlètes dont plus de 75 se sont qualifiés pour l'évènement.

"Le choix que nous avons fait est de soutenir des athlètes et des sports qui ne sont pas nécessairement les plus médiatisés, les plus connus et de les accompagner dans la durée", insiste Benoit Gausseron, directeur des Jeux de Paris 2024 chez BPCE, qui précise que 80 à 90% des sports olympiques et paralympiques sont ainsi représentés.

Contrats de sponsoring et d'image ou pacte de performance

Cette relation entre athlète et entreprise peut principalement se nouer par deux voies différentes. Il y a évidemment le contrat de sponsoring et d'image classique dont le montant peut varier d'un peu moins de 10.000 euros à plusieurs centaines de milliers d'euros pour les sportifs les plus renommés. Mais depuis les Jeux olympiques de Rio en 2016, c'est le pacte de performance qui a le vent en poupe. Il s'agit d'un dispositif de mécénat à travers lequel l'entreprise s'engage à soutenir l'athlète pour une durée minimale d'un an et un soutien plancher de 20.000 euros. Le mécène bénéficie alors d'une réduction d'impôt de 60% sur le don réalisé, mais il ne peut en revanche exploiter l'image des sportifs.

"On organise un 'mariage d’amour' entre une entreprise et un athlète dans la perspective d’offrir un financement sportif d’une part et un pied dans l’entreprise pour préparer sa reconversion d'autre part", explique Charlotte Feraille, déléguée générale de la Fondation du sport français qui encadre le pacte de performance.

C'est ce double apport qui a incité BPCE a privilégié ce mécénat pour soutenir plus de la moitié des athlètes de sa "team" parmi lesquels Marie Oteiza, pentathlète également accompagnée par la RATP et l'armée de Champions. "Ce sont des partenaires qui me permettent de ne pas avoir à penser à l'aspect financier et d'être indépendante parce que la plupart des pentathlètes dépendent encore de leurs parents comme ils n’ont pas de revenus", explique celle qui participera à ses troisièmes Olympiades à Paris. En tout, plus de 170 des 500 athlètes français accompagnés le sont à travers le pacte de performance.

Il arrive aussi que les entreprises soutiennent des athlètes qui ne sont autres que leurs employés. C'est notamment le cas de Gilles Anthony Afoumba, chef du rayon sport de l'hypermarché Carrefour de Noisy-le-Grand ... et sprinteur de la délégation olympique de République Démocratique du Congo. "On a découvert qu’il était en réalité sportif de haut niveau et qu’il avait participé aux Jeux de Tokyo en 2021, témoigne Eve Zuckerman, directrice du partenariat Paris 2024 pour le groupe Carrefour. Dès qu’on l’a su, on lui a proposé d’intégrer la team Carrefour et il a bénéficié d’un soutien financier et d'un aménagement d’horaires pour préparer calmement sa participation aux Jeux."

Convergence de valeurs et de messages portés

En échange de ce soutien financier, voire d'un accompagnement dans le projet de reconversion, les entreprises peuvent compter sur la présence des athlètes lors d'opérations auprès des clients ou de rencontres avec les collaborateurs. "Le sport et les parcours de ces athlètes de haut niveau portent des valeurs qui ressemblent aux valeurs que nous portons, souligne Benoît Gausseron. Lorsqu’une athlète en tennis fauteuil comme Charlotte Fairbank vient à la rencontre de nos collaboratrices et collaborateurs, il y a des échanges et une émotion extraordinaire."

"Avec la RATP ou BPCE, ce sont beaucoup d'événements ou démos de nos disciplines, détaille Marie Oteiza. Il y a aussi des retours d’expérience : ils vont réunir plein de collaborateurs pour leur expliquer mon quotidien, réussir à faire le parallèle entre la vie de sportif de haut niveau et ses enjeux et l’entreprise et les objectifs de performance qu’il peut y avoir."

Fort de son réseau de 6.000 magasins en France, Carrefour a multiplié les événements ces derniers mois afin de permettre aux clients de rencontrer les grands noms de son collectif comme Laura Flessel, Marie-José Pérec ou les frères pongistes Alexis et Félix Lebrun. "Perle Bouge, qui est médaillée d’argent de para-aviron, m’a beaucoup parlé de son engagement sur le handicap et la possibilité de porter son message auprès de 20 millions de clients lui a parue extrêmement pertinente, évoque Eve Zuckerman. Estelle Mossely ou Auriane Mallo ont énormément de messages à transmettre sur comment concilier carrière, vie d’athlète de haut niveau et maternité. Teddy Riner est une figure tutélaire du sport français qui promeut également l’alimentation saine."

Un soutien des entreprises à maintenir après les Jeux

Certains groupes comme BPCE ou EDF, qui soutenait entre autres Tony Estanguet durant sa carrière au haut niveau, sont des partenaires de longue date des athlètes. Mais la très grande majorité des entreprises ont constitué leur "team" spécialement dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Si bien que la question de l'après-JOP 2024 se pose pour des acteurs comme Carrefour. "L’après s’écrira en fonction de chacun car ils sont tous dans des situations totalement différentes, affirme Eve Zuckerman. Il y a ceux qui ont un projet potentiel de reconversion qu’on peut accompagner, ceux qui vont partir vers d’autres enjeux et avec lesquels la collaboration va s’arrêter, ceux avec lesquels la collaboration peut prendre d’autres formes."

Dans une enquête réalisée en mai dernier, l'Observatoire BPCE a interrogé 439 sportifs de haut niveau dont 85% estiment que le soutien financier des athlètes fonctionne mal en France, ce qui en fait le point noir majeur dans leur quotidien. Par ailleurs, le financement et l'aide financière apparaissent de loin comme le besoin prioritaire des sportifs de haut niveau sondés, étant cités par près d'un tiers d'entre eux.

Bien qu'il veille aux performances des athlètes du contingent BPCE dans les prochains jours, Benoît Gausseron espère que le mouvement enclenché par les Jeux de Paris perdurera auprès des entreprises : "Si je regarde les Olympiades de Tokyo en 2021, 40% des médailles françaises remportées l’ont été par des athlètes soutenus par les entreprises du groupe BPCE. Mais les besoins matériels, d’accompagnement extra-financier, professionnel et académique des athlètes sont massifs donc plus il y aura de partenaires pour les soutenir et mieux on se portera."

Une ambition que partage également Charlotte Feraille qui se réjouit de la forte progression du recours au pacte de performance depuis 2017. "Les Jeux ont créé un contexte favorable mais ce n’est pas la seule raison, estime la déléguée générale de la Fondation du sport français. On a un accroissement de l’importance de la RSE dans l’entreprise, le sport prend de plus en plus de place et le message est de nouveau passé : les sportifs ont besoin d’aide et les entreprises sont là pour y répondre."

"Tout l’enjeu post-2024 est de maintenir la mobilisation et de ne pas se dire qu’après les Jeux, c’est fini, on coupe les robinets et on abandonne."
Timothée Talbi