Claire Supiot, des Jeux olympiques aux Jeux paralympiques

Claire Supiot, le 1 4décembre 2020 - AFP
Lors de son passage en équipe de France de natation dans les années 80, Claire Supiot n’avait pas son pareil pour faire rire ses coéquipières comme Sophie Kamoun: "Lors d’un stage en Tchécoslovaquie on dormait au centre de l’oigno,n on était dans des dortoirs d’une quinzaine de filles. Tous les matins Claire lisait nos horoscopes et les interprétait. C’était très drôle, elle a la pêche et le pouvoir de rassembler les gens autour d’elle. C’était une fille toujours très joyeuse, toujours la banane, le mot pour rire. On aimait bien sa compagnie en équipe de France", rembobine la consultante RMC Sport.
A ce moment, Claire Supiot, avait-elle lu dans l’horoscope son avenir et le drôle de destin qui l’attendait? Disciple de Jacques Meslier au sport-études de Dinard, l’Angevine bouffe de la longueur pour devenir la meilleure papillonneuse de France. Elle enchaine les couronnes nationales sur 200m papillon la course des courageux et des endurants: "j’étais très impressionnée car elle s’entrainait avec le grand manitou du demi-fond français ajoute Sophie Kamoun. Pour supporter ses entrainements, il fallait beaucoup de courage." 14 à 16 kilomètres par jour pour se qualifier aux Jeux olympiques de Séoul sur le 200m pap où elle sera éliminée dès les séries. Fin de carrière mais pas point final, plutôt des points de suspension qui vont s’étirer pendant 28 ans.
En 2009, comme son père et son oncle, Claire Supiot est frappée par la maladie de Charcot-Marie-Tooth, une maladie neurologique congénitale de dégénérescence musculaire. La canne devient la troisième jambe, il faut accepter et pourquoi pas replonger pour faire bouger ce corps qui devient de moins en moins malléable? "Il a fallu déjà que j’accepte la maladie se remémore la nageuse de 53 ans. Que je continue à être maman de 3 enfants. Mes enfants étaient grands et autonomes, je me suis dit qu’il était temps de penser à moi, j’ai commencé par l’aquagym avec ma voisine. Rapidement, je me suis dit ça n’allait pas suffire."

Son frère, Marc, son compagnon, et Maxime Baudry du club d’Angers vont refaire germer la graine qui s’était refermée dans le maillot de bain de la championne. Le corps va apprendre à se souvenir de ce qu’il fallait 28 ans plus tôt. Méthode forte: "Ce n’est pas que c’est facile mais j’ai surtout repris le goût de le faire, je me suis arrêté pendant 28 ans de nager. Mes épaules et ma tête ne s’en souvenaient plus. Je suis obligée de m’entrainer à cause de ma maladie et de mon âge, par rapport aux petites jeunes", explique-t-elle. "Au niveau de l’intensité, elle n’est pas loin de ce qu’elle faisait lorsqu’elle s’entraînait chez les valides", précise Kamoun.
Elle débute par les interclubs face à des valides et le rêve des Paralympiques déboule: Etre la première athlète française à participer aux Jeux olympiques et paralympiques. Médaille européenne, mondiale, Claire Supiot engrange sur les longues distances qu’elle affectionnait plus jeune mais aussi sur les épreuves de sprint. Employée au département, la nageuse fatigue sa maladie comme elle le dit avec deux entraînements quotidiens, de la musculation, du Pilates, de la préparation mentale et un accompagnement psychologique. Un menu gargantuesque facile à digérer maintenant que son estomac a retrouvé la taille de celui qu’elle avait valide. Pas de Rio en 2016 mais rapidement, elle obtient sa qualification pour Tokyo. Tranquille, elle peut se préparer pour le rendez-vous japonais en S8. Coup de tonnerre, au printemps, un médecin la requalifie en S9, une classe où les chronos sont plus bas et les affections plus légères. Bizarre tant la maladie de Charcot-Marie-Tooth ne fait que gagner du terrain. Sur un 100m papillon par exemple, c’est 9 secondes de moins pour les minimas entre S8 et S9: "Il fallait en deux mois aller cherche mon billet. Moi je voulais aller aux Jeux, on s’est mis dans une bulle de performance encore plus forte avec mes coaches et on a relevé les manches. Je suis là, encore plus forte", lance-t-elle souriante et déterminée. A Tokyo, on la retrouvera sur 400m nage libre, 100m nage libre, 200m 4 nages et 100m papillon, face à des nageuses qui lui rendent parfois 30 ans ! Au départ, Claire Supiot est la seule à se présenter en fauteuil roulant, contrairement à ses concurrentes. Un fauteuil qu’elle a nommé Lulu: "C’est un peu fou ce qui m’arrive. Quand je suis arrivée au village et se dire ça y est j’y suis, j’ai réalisé en y arrivant. Je vais entrer dans le Guiness avec ces deux participations. Maintenant, il faut faire le mieux possible. Je ne me suis pas entraînée seulement pour venir au village." Les jeunes n’ont qu’à bien se tenir.