JO 2024 (judo): Gaba, Ngayap-Hambou... la réussite du groupe 'Forces Spéciales'

Joan-Benjamin Gaba et Maxime-Gaël Ngayap-Hambou ont 23 ans et déjà une médaille olympique autour du cou. De l’argent pour le premier en moins de 73 kilos et du bronze pour le second en moins de 90 kilos. Classés au-delà de la 30e place mondiale de leur catégorie, ils n’auraient pas pu concourir aux JO si ces derniers n’avaient pas eu lieu en France. Tous les deux font partie de la génération 'Forces Spéciales', les juniors de 2020-2022, une génération pour laquelle la fédération française de judo porte beaucoup d’espoirs, récompensés pendant ces JO. Retour la création et les ressorts de cette équipe dans l’équipe avec l’un de ses créateurs, Stéphane Frémont. De la sueur par tonneaux et une bande d’amis.
>> JO 2024: infos et résultats EN DIRECT
Stéphane Frémont, comment est née cette équipe des 'Forces Spéciales'?
Les 'Forces Spéciales' se créent le 17 mars 2020 au moment où le Covid est là et que tout le monde quitte l’Insep pour retourner chez soi. Richard Melillo a créé, pour que l’on communique, un groupe WhatsApp 'Forces Spéciales'. Au travers de ce groupe on leur demandait de nous envoyer les entraînements qu’ils faisaient par rapport au programme qu’on leur donnait. Moi, je mettais des définitions de champions, tous sports confondus, garçon ou fille, avec leur nombre de médaille, sous forme de quizz. Quand quelqu’un trouvait je leur disais d’aller voir ce qu’il a fait pour en arriver là. Je donnais des noms de documentaires pour qu’ils aillent se renseigner. Avec Richard, notre ADN c’est le travail avec un dosage de qualité, de quantité. La définition pourrait être, quand il n’y en a plus sous le capot, il y en a encore.
C’est à ce moment-là que vous leur avez inculqué des habitudes de travail du très haut niveau?
Le mot juste c’est leur avoir donné le goût du travail. On les challengeait. Les expressions qu’ils reprendraient sont ‘on s’entraîne à la hauteur de ses ambitions’, ‘ce que tu ne fais pas d’autres le font’, Le judo s’est démocratisé sur toute la planète. Après chaque compétition internationale, la Fédération Internationale organise des stages. Les petites nations qui n’ont pas notre volume de partenaires viennent dans ces stages. Si on regarde 10 ans en arrière des gens qu’on considérait de petites nations peuvent te mettre sur la tronche. Depuis qu’on les a eus, ç’a été ça tout le temps: les challenger, mettre des défis, les faire travailler.
Vous leur avez infligé des séances terribles. Lors d’un stage au Japon, après un entraînement vous leur avez demandé d’effectuer 1000 répétitions techniques chacun...
Je comptais, comme un mantra j’imprimais un rythme. Je leur disais que s’il n’y avait que 200 répétitions, les 200 répétitions devaient être de qualité, ça doit être la tôle que vous mettrez en finale des Jeux olympiques. Entraînez-vous chaque jour pour ce jour. C’est vous qui avez décidé d’être ici. Une fois que tu les mets dans un projet, que tu leur expliques ce que tu vas leur faire faire et qu’ils trouvent ça cohérent ça te rend un groupe de dingues. On a pris un pied pas possible. Richard Melillo est en tribunes, il doit être en pleurs. C’est génial. Ce sont des gars généreux. Le groupe était large au début. Maintenant il en reste une bande. Lors du stage à Montpellier avant ces JO quand je calais une séance de musculation avec Joan, avec MG, j’avais des demandes de toute la bande: ‘est-ce qu’on peut venir?’. Il y avait une ambiance de fou. Ils se nourrissent du groupe et le groupe se nourrit de l’individu. Aujourd’hui, certains du groupe m’ont appelé pour me demander des places. Je leur ai dit ‘t’inquiète pas on va arriver à te faire rentrer’. Ils étaient tous là. Ce noyau-là doit tenir l’olympiade d’après.
Qu’avez-vous repéré chez Joan-Benjamin Gaba et Maxime-Gaël Ngayap-Hambou comme qualités?
La conviction, la détermination. On leur a toujours parlé cash. Au quotidien je travaille sur les statistiques et la concurrence internationale. Au stage du Touquet je leur dis, vous n’êtes pas dans mes pronostics pour être médaillés aux JO. Par contre, vous êtes dans mes statistiques. Il me demande la signification. Sur chaque JO, il y a trois ou quatre garçons et trois ou quatre filles qui ne sont pas attendus, qui sont de bons internationaux comme vous l’êtes et qui ce jour-là se révèlent. Il faut que sur les trois ou quatre, ce soit vous deux.
Ils ont toujours répété que ça paierait même après des défaites...
C’est incroyable car si les JO n’avaient pas eu lieu en France ils n’auraient pas été qualifiés. Deux mômes qui ne sont pas sélectionnables qui font deux breloques. C’est la magie du sport. Ca valorise le travail qu’ils se sont mis dans la tronche. On ne les a jamais forcés. Par exemple, quand on dit 10 montées de corde et que certains couinent, je réponds qu’on ne les oblige pas. Tu m’as dit que tu voulais être champion olympique, tu ne veux pas faire les 10 cordes, tu ne les fais pas, tu prends ton sac et tu rentres chez toi.
Quel est le moment le plus dur?
Le stage au Japon en 2022. Un mec comme Maxime-Gaël, il est resté debout. Quand tu en fais autant, là-haut il faut que tu vrilles et que tu y ailles. Max était à bloc là-dedans. Sur l’histoire des 1000 répétitions techniques, Teddy Riner était venu les voir. Il comptait, il mettait de l’énergie. Au bout d’un moment tu rentrais dans un truc et tu n’étais même plus fatigué.