Le roi Usain Bolt est immortel

Usain Bolt - -
« Usain, vous êtes une légende », lui dit le premier journaliste à lui tendre un micro. C’était tout simplement son obsession, alors il ne peut qu’acquiescer : « All right ». Le terme est parfois galvaudé. Mais ce dimanche soir, il révèle parfaitement le statut d’un homme, à mi-chemin entre un monde et un autre, le sien, où malgré un départ raté, une finale du 100m aux JO se court en 9’’63, le deuxième meilleur temps de l’histoire. Usain Bolt, à deux semaines de ses 26 ans, est une légende. Quatre ans après avoir éclairé le ciel de Pékin (9’’69), trois ans après avoir abaissé encore le record du monde à Berlin (9’’58), c’est à Londres que le Jamaïcain est devenu à jamais inoubliable. Il l’était déjà depuis 2008, mais 2012 le fait entrer dans le cercle des « immortels » de l’académie du sprint.
Seul l’immense Carl Lewis avait réussi à conserver sa couronne sur 100m à quatre ans d’intervalle (Los Angeles 1984, Séoul 1988). Yohan Blake (2e en 9’’75), Justin Gatlin (3e en 9’’79) et Tyson Gay (4e en 9’’80) voulaient pourtant profiter des faiblesses du roi. Ils n’ont rien pu faire quand ils l’ont vu allonger ses foulées, fixer le chrono des yeux et même « casser » sur la ligne. « Les gens peuvent dire ce qu'ils veulent, quand les grands championnats sont là, je réponds présent », pouvait donc glisser dès la fin de la course le quadruple champion olympique et quintuple champion du monde. Il avait pourtant mal au dos, avait été battu par son jeune compatriote Yohan Blake à deux reprises aux sélections jamaïcaines fin juin. Usain Bolt est-il toujours le même, se demandait le monde ?
Déjà intouchable pour le 200m ?
Comment ne pas penser, au bout de 9’’63, qu’il a surjoué pour renforcer le doute, le mystère ? Le stade olympique a compris dès les demi-finales, en début de soirée, que le Jamaïcain avait ses meilleures jambes. Il passait la ligne en 9’’87 après avoir pris un excellent départ et coupé son effort à 20 mètres de la ligne, à deux heures de la finale. « Ça m’a donné beaucoup de confiance », confirmait-t-il après son sacre. Mais un an après sa disqualification sur le 100m des championnats du monde, à Daegu, encore fallait-il sortir aussi bien des starting-blocks en finale. « Mon coach m'a dit avant la course : "Ne te préoccupe pas du départ car là où tu es le meilleur, c'est sur la fin" ». Alors Usain Bolt a écouté Glen Mills et effacé ses adversaires au même moment où Asafa Powell se blessait.
Il prolongeait le plaisir jusqu’à décélérer longuement devant les 80 000 personnes du stade olympique. Puis s’accroupissait enfin pour envoyer sa flèche dans la nuit londonienne, la marque de fabrique la plus copiée depuis son apparition à Pékin. Premiers à s’exprimer, Yohan Blake et Justin Gatlin, heureux de monter respectivement pour la première et la deuxième fois sur le podium olympique du 100m, s’inclinaient devant « l’homme le plus rapide du monde », « la meilleure technique du sprint ». Sur 200m, jeudi soir (21h55), le favori sera encore Usain Bolt. Il ne l’était plus tout à fait pour le 100m. C’était une erreur. Il l’a démontré en étendant son règne. A Kingston, où le rythme de la fête ne diminue jamais, les Jamaïcains fêteront le 50e anniversaire de leur indépendance ce lundi. Et l’an 4 de l’ère Bolt.