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Paris 2024: "Ecarter la ville et la région, c’est aberrant!", explique Patrick Karam

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Lundi matin aura lieu une réunion entre plusieurs ministres et l'organisation de Paris 2024, qui se déroulera en l'absence de la ville de Paris et de la région Ile-de-France, qui sera convié dans un second temps. Une décision que dénonce Patrice Karam, vice-président de la région Ile-de-France, interrogé par RMC Sport.

Lundi matin, Emmanuel Macron a convoqué plusieurs ministres et l’organisation de Paris 2024 pour faire un grand point d’étape à deux ans du début des Jeux Olympiques et Paralympiques. Cette réunion à l’Elysée se tiendra sans la ville de Paris et la région Ile-de-France. Les collectivités sont convoquées dans un deuxième temps à la rentrée. Pour RMC Sport, Patrick Karam, vice-président de la région Ile-de-France, chargé des sports et membre du COJO déplore cette décision. 

Pourquoi vous n’êtes pas conviés, la ville et la région, à la réunion de lundi ? 

Il y a un sujet, le sujet c’est que le président de la République considère que les Jeux Olympiques sont son affaire. Ce n’est pas possible. Il ne réussira pas les Jeux sans les collectivités. Comment peut-il faire une réunion avec seulement les services de l’Etat. Quel est l’intérêt ? C’est un mépris pour les collectivités. Nous demandons au Président de la République que lorsqu’on parle des JO, on parle d’un sujet majeur de la nation, toutes les collectivités sont parties prenantes et financent ces Jeux. Les collectivités sont vigilantes sur la sécurité et la gestion des coûts. Macron devrait être attentif à ce que la sécurité soit au rendez-vous, c’est la priorité de l’Etat. Et à deux ans des Jeux, on ne voit pas comment ça pourrait se dérouler dans de bonnes conditions. C’est le même sujet pour la sécurité du parcours de la flamme, et aussi à quel prix va-t-on assurer la sécurité de la cérémonie d’ouverture. Il y a 12kms de berges à sécuriser. On a un vrai sujet, ce sujet il ne peut pas l’aborder sans nous. Sans notre voix différenciée. Ecarter la ville et la région, c’est aberrant, c’est le signe d’un profond mépris. 

L’Elysée indique que le Président va vous recevoir dans un deuxième temps, ce n’est pas assez ?  

Le président de la République a décidé de nous recevoir dans un deuxième temps. Mais excusez-moi, soit vous faites une réunion sur les JO avec l’ensemble des parties sur tous les aspects soit... On a toute une série de sujets sur lesquels nous sommes désireux d’entendre l’Etat mais on ne peut pas l'entendre. L’Etat a décidé de se réunir seul, et ça élimine le peuple français. Le Président veut dire aux Français, les Jeux, c’est moi. Non, les Jeux Olympiques sont aux Français. Nous avons besoin que ces réunions se passent avec nous. Qu’est-ce que c’est cette manière d’infantiliser les collectivités. Et nous recevoir dans un second temps, c’est d’abord le signe d’un mépris mais aussi d’un échec profond. Quels sont les sujets que l’on pourra aborder lors de cette prochaine réunion alors que la réunion essentielle aura eu lieu en juillet. C’est un mauvais signal envoyé aux collectivités. 

Est-ce que vous avez peur que les Jeux Olympiques soit aussi touchés par l’inflation ? 

Ce sujet est traité par le rapport Lambert, commandé par Tony Estanguet. Ce rapport dit que les dépenses sont sous-évaluées et que les recettes surévaluées. Ce rapport montre que les recettes additionnelles ne seront pas suffisantes. Il faut s’attendre à plusieurs centaines de millions d’euros de surcoûts. Regardez la masse salariale qui est sous-évaluée, on a besoin d’avoir des éléments.  

Cette cérémonie d’ouverture grandiose vous inquiète, vous n’avez pas été rassuré avec les dernières sorties de l'organisation ?  

Pour sécuriser les Jeux, on a besoin de compétence. Nous avons des questions à poser au Président sur ce sujet. Comment sécuriser la cérémonie contre les drones, les bandes présentes lors de ce show d’ouverture. Nous n’avons par exemple pas assez de brigades cynophiles. Cette cérémonie, les services de sécurité l’ont toujours rejetée. Emmanuel Macron a donné son aval. De notre côté, c’est un ‘oui de principe’. On souhaite des Jeux sobres et écologiques. 

Comment assurer la sécurité sur la Seine avec plus de 200 bateaux ? Nous n’avons pas assez de bateaux pour sécuriser les berges. Nous n’aurons pas suffisamment de moyens si on n'est pas plus sérieux. La sécurité privée aujourd’hui que souhaite le COJO, on n’a pas les bras. On marche sur la tête. Le président de la République a des réponses à nous donner. J’ai posé des questions sur les coûts supplémentaires lors d’une réunion au COJO, je n’ai eu aucune réponse.  

Vous pensez qu’il y a une impréparation autour de ces Jeux ? 

La finale de la Ligue des Champions aurait dû sonner comme un avertissement pour l’organisation. Mais vous savez, on n’a pas besoin de se mettre des difficultés supplémentaires. Faire des Jeux, c’est très complexe, si je me mets à leur place, je peux comprendre certaines hésitations… Mais on n’a pas besoin de rajouter des difficultés. A deux ans, il faut revoir le budget, revoir des événements prévus. Les Français n’accepteront jamais des Jeux qui vont déraper. 

Du côté de l’Elysée et de l’organisation, on dit qu’il n’y « à ce stade » pas de risque de dépassement budgétaire. Quand on vous écoute, vous êtes beaucoup plus alarmiste ? 

C’est la ‘méthode Coué’, si l’Elysée dit qu’il n’y a pas de risque de dépassement budgétaire, les bras m’en tombent. Le rapport Lambert, publié il y a quelques semaines, tire la sonnette d’alarme. Il est très instructif. Les recettes additionnelles prévues et le fonds de garantie seront insuffisants pour couvrir le dépassement budgétaire. Il y aujourd’hui un vrai risque de dépassement car il y a beaucoup d’incertitudes. Rien que le budget de la sécurité va encore augmenter dans les prochains mois. De notre côté, on demande de ne prendre aucun risque, nous n’avons aucune réponse. Il y a un vrai sujet sur le coût. Aujourd’hui, on est pas du tout sur l’atterrissage que l’on avait prévu pour ces Jeux. Ce n’est pas inquiétant en soi, mais ça le devient quand on pratique la méthode Coué quand on dit qu’il n’y aura pas de dépassement budgétaire.  

par Nicolas Pelletier