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"Réinventer le canoë à ma sauce": avant les Mondiaux, Nicolas Gestin surfe son titre olympique

Le céiste français Nicolas Gestin le 28 juin 2025

Le céiste français Nicolas Gestin le 28 juin 2025 - Ondrej Deml/Icon Sport

Nicolas Gestin est l’un des favoris des championnats du Monde, dont les séries du canoë ont lieu dans la nuit de lundi à mardi près de Sydney, en Australie. Le champion olympique 2024 revient pour RMC Sport sur l’hiver qui a suivi sa médaille d’or, où il a tardé à remonter dans son embarcation avec une préparation axée sur la préparation d’un marathon. Ce qui ne l’a pas empêché de briller cette saison en Coupe du monde, avant le grand objectif de cette année: un premier titre mondial.

La nuit tombe et la soirée de fin d’hiver australien s’annonce douce ce jour-là, sur la terrasse du logement où l’équipe de France a pris ses quartiers depuis deux semaines dans la région de Sydney. Nicolas Gestin nous accorde un moment, après un entraînement sur l’eau le matin, une séance avec le kiné l’après-midi et un crochet pour observer les kangourous dans une prairie voisine. Le grand objectif de la saison approchant, les moments de distraction se raréfient aux antipodes. "C'est ma deuxième fois en Australie, j'étais venu en 2019 pour mon premier stage hivernal de cinq semaines ici. La prise de repère a été un peu longue avec le décalage horaire à gérer, j'ai eu une première semaine compliquée mais là je commence à me remettre d'aplomb et à trouver les bons repères sur l'eau", raconte le champion olympique.

Le Finistérien se présente aux Championnats du monde en confiance, après avoir remporté trois étapes de Coupe du monde consécutives et le classement général de la saison. Pourtant, le redémarrage l’hiver dernier a pris du temps, pour lancer une nouvelle olympiade après avoir décroché le Graal l’an dernier, aux Jeux 2024 de Paris. "Je me suis laissé du temps après les Jeux pour repartir quand l’envie était là, tout simplement. J’ai fait une coupure du canoë jusqu'au mois de février mais j'ai quand même fait du sport: du ski de fond, un peu de surf et de la course à pied pour préparer le Marathon de Paris", explique Nicolas Gestin, finisher en 2h58'48 au mois d’avril. "Faire un pas de côté, se fixer des petits défis comme ça en début d'olympiade est nécessaire et ça permet de revenir avec beaucoup d'envie dans le bateau. Je n'avais pas forcément envie de passer l'hiver sur l'eau à fond, c’est une manière un peu différente de se préparer et ce n’est pas du travail perdu même si en canoë, je n’ai pas besoin d'avoir la caisse pour faire 42 kilomètres."

Une saison post-JO déjà réussie

Un pas de côté permis aussi par cette médaille d’or qui lui permet d’avoir plusieurs sponsors importants engagés sur le long-terme. Il est maintenant l’un des rares céistes à vivre confortablement de sa discipline et le Breton a pu structurer sa carrière avec un entourage pour gérer les sollicitations médiatiques et les partenariats, avec les garanties pour se projeter sereinement vers les Jeux 2028 de Los Angeles. "Mais au lieu de repartir directement sur un gros plan pour quatre ans, on s’est d’abord penchés sur cette année avec plein de petites choses à prendre en compte, la projection vers 2028 va se dessiner d'ici cet automne", précise son entraîneur Arnaud Brogniart.

Un mois après son Marathon, Nicolas Gestin s’est donc lancé sur la première échéance internationale de la saison avec les Championnats d’Europe à Vaires-sur-Marne, où le céiste breton n’a pas eu la même réussite qu’à Paris 2024. "J'ai été très content de prendre la médaille d'argent, en plus je fais une belle compétition globalement et j'ai surtout pris plaisir à courir en fait. C'est ce que je voulais retrouver au maximum sur un premier départ à l'international après les Jeux. Cela m’a bien lancé pour réaliser sûrement une de mes plus belles saisons en carrière", estime Nicolas Gestin qui a récolté cinq médailles sur six échéances internationales jusque-là.

L’or et la manière

"Avec ma préparation pas forcément à 100%, je me disais que ça allait être un peu décevant mais que je ne devais pas m’en vouloir, et en fait c’est très positif! Les résultats sont carrément au rendez-vous." Pour le champion olympique, il y a en plus l’or et la manière. Sur la dernière Coupe du Monde à Augsbourg, ce qui est cool, c’est que je remporte la course avec quatre secondes d’avance en tentant des options plus engagées, inhabituelles chez les canoës, des options très risquées et ça paye", savoure le céiste de 25 ans. "Je peux mettre ça en place avec la confiance générée tout au long de la saison et c'est comme ça que j'ai envie de gagner. J'ai toujours regardé les pagailleurs qui faisaient la différence donc ça va faire partie intégrante de mes objectifs de réinventer le canoë à ma sauce et notamment le rendre de plus en plus offensif, c'est ce qui m'amuse aujourd'hui."

Son coach abonde: "Ce qui a fait la réussite de la saison, c’est à la fois la confiance acquise dans son niveau, sa capacité à performer les jours de compétition. Son rythme, sa vitesse, son besoin de plus de légèreté et plus d'amusement, accepter la prise de risque font que ça a très bien matché", explique Arnaud Brogniart dont le rôle aux côtés de Nicolas Gestin a évolué cette saison. "Quand on a commencé à travailler ensemble, il avait 20 ans, avec un niveau différent, il y avait plus de technique, plus de concret. Là, c'est plus un rôle d'accompagnateur, il a moins besoin de présence du quotidien, c'est une prise de hauteur dans mes interventions. On se voit tous les jours mais c'est plus chirurgical, dans l’analyse de la concurrence, du bassin et pour lui donner des ingrédients, en utilisant les datas", détaille l’entraîneur tricolore.

A Sydney sur les pas d’Estanguet

En Australie, Nicolas Gestin va donc tenter le doublé en or J.O.-Championnats du Monde : "Le titre, maintenant j'ai l'impression que c'est forcément ce que je vise, en profitant de l'état de forme, de la confiance générée cette saison et essayer d'aller décrocher cette médaille qui manque à mon palmarès pour l'instant", dit Nicolas Gestin, après celle en argent aux Mondiaux 2023. Le stade d’eaux vives de Penrith est celui où Tony Estanguet avait décroché son premier titre olympique lors des Jeux de Sydney 2000. Un bassin "volumineux, artificiel, assez spécifique sur une vague qu’on ne trouve qu’ici, exigeant physiquement à l’image de Vaires-sur-Marne, où il faut mettre du rythme tout du long", explique Nicolas Gestin, après deux semaines de repérage sur place.

Une fois rentré d’Australie, Nicolas Gestin accordera du temps à ses partenaires avant une possible participation aux Championnats de France à Epinal. Suivront quelques vacances, et déjà des activités prévues cet hiver: "Peut-être le trail avec une course dans les Côtes-d’Armor début décembre qui me fait de l’œil, et le wingfoil aussi", pour couper du canoë.

Kévin Morand