"Je ne m'y attendais pas": l'immense joie de Jean-Philippe Mateta, appelé pour la première fois chez les Bleus à 28 ans

Jean-Philippe, quelle est votre première impression après ces premiers pas au château de Clairefontaine?
C'est magnifique... Je connaissais déjà Clairefontaine, mais venir pour les A, c'est indescriptible, c'est un rêve.
Vous sentiez que vous vous rapprochiez ces derniers mois du niveau international? Est-ce que vous regardiez chaque annonce de sélection, ou aviez des petits échanges avec le sélectionneur?
La première sélection, tu l'attends toujours parce que souvent tu es présélectionné, donc tu as l'espoir d'être appelé. Après si t'es pas appelé... Je suis un mec qui reste toujours ambitieux. Donc si c'est pas aujourd'hui, c'est demain, et si c'est pas demain, c'est après-demain. J'espérais beaucoup et quand j'ai reçu cette convocation, j'étais vraiment content.
Vous avez un parcours atypique parce que vous avez 28 ans, mais vous ne vous êtes révélé aux yeux du grand public français qu'aux Jeux olympiques l'an dernier. Mais cette fois, avec tous les absents en attaque, est-ce que vous vous attendiez à être appelé?
Non, je l'ai vraiment appris devant la télévision. Je ne m'y attendais pas. J'espérais toujours parce que j'étais présélectionné, donc je me disais toujours que je serais sélectionné un jour. Et là c'est magnifique, même à 28 ans on est toujours content.
On vous a vu arriver totalement décontracté ce lundi à Clairefontaine, avec le sourire. Comme si tout ça glissait sur vous... Comment s'est passée votre intégration? On sait que vous êtes proche de Michael Olise, qu'on sait timide, est-ce qu'il vous a quand-même donné quelques petits conseils en arrivant?
Michael, j'ai joué avec lui plusieurs années à Crystal Palace et aussi aux Jeux olympiques. Et après, il y a aussi les gars contre qui je joue, comme Ibrahima Konaté à Liverpool. Et puis il y a aussi ceux avec qui j'ai fait les JO (Akliouche, Koné, Olise, NDLR). Après, je suis quelqu'un qui n'a pas peur du contact. Je peux parler, je ne suis pas timide, je fais des blagues... C'est important pour une vie de groupe.
Sur ces deux dernières saisons, vous marquez 30 buts en Premier League. Comment expliquez-vous ce déclic? Est-ce que le fait de croiser la route de Thierry Henry, qui a été votre sélectionneur aux JO, a aidé dans votre progression?
Oui, ça a aidé beaucoup. J'ai regardé des vidéos de ses propres buts avec lui. Et ces deux dernières années, j'ai aussi eu des bons résultats parce que le club et le coach me font confiance. C'est beaucoup de travail acharné aussi, beaucoup de gros objectifs. Et c'est pas fini, j'espère faire plus.
Vous avez gagné un trophée l'année dernière avec Crystal Palace, le premier de l'histoire du club. A 28 ans, est-ce que vous avez maintenant envie de passer un cap et de jouer dans l'un des meilleurs clubs anglais?
C'est naturel ça, tout joueur ambitieux veut passer ce cap-là. Surtout quand tu arrives en sélection et qu'autour de toi, il n'y a que des joueurs qui jouent la Ligue des champions, qui gagnent les plus grands trophées. Quand tu joues entouré des meilleurs joueurs du monde, naturellement tu veux passer ce cap-là.
Vous êtes à la fois grand mais aussi rapide. Thierry Henry était dithyrambique sur vous, en disant que vous aviez un vrai instinct de buteur. On cherche un peu ce profil-là mine en équipe de France depuis le départ d'Olivier Giroud, un vrai mec de surface capable de mettre des buts. Est-ce que votre objectif est de prouver sur ce rassemblement que vous avez votre mot à dire pour la Coupe du monde?
C'est vrai que j'ai un profil atypique donc je vais tout donner pour "avoir mon mot à dire" comme vous dites (sourires).
Comment pensez-vous que vous pouvez vous différencier des autres attaquants qui sont là aujourd'hui dans ce rassemblement avec l'équipe de France?
Déjà je fais 1m93 (rires)... Et puis je suis un peu plus costaud. Après eux ils sont plus rapides. Mais oui, j'ai l'instinct du buteur, j'essaie de garder le ballon, de jouer de la tête, c'est tout ça en fait...
Est-ce que vous avez déjà eu un échange individuel avec Didier Deschamps? Est-ce qu'il vous a donné quelques conseils ou vous a dit ce qu'il attendait de vous?
Oui, j'ai parlé avec lui et il m'a fait comprendre que ce choix était mérité. Il m'a dit "libère-toi, sois à l'aise, joins-toi au groupe, ne te prends pas trop la tête".
Vous arrivez sur ce rassemblement avec deux matchs un peu particuliers, notamment celui de vendredi au Parc des Princes face à l'Azerbaïdjan. Un adversaire sur le papier très abordable pour vous. Il va forcément aligner quelques cadres, mais vous pouvez aussi espérer avoir un peu de temps de jeu. Est-ce quelque chose que vous avez dans un coin de la tête?
Moi, je prends ce qu'on me donne. Que ce soit l'Azerbaïdjan ou un autre adversaire, si il me met sur le terrain, je vais me donner à 100%.
Il y a quand-même une opportunité de marquer contre cette équipe...
Oui, je pense que je peux marquer, mais pas que contre l'Azerbaïdjan (sourires)...
Pour revenir sur ce que vous avez vécu au JO avec Thierry Henry, c'était quand même une aventure fabuleuse... Le fait de vous appeler était une belle preuve de confiance de la part de Thierry parce que vous faisiez partie des trois joueurs au-dessus de la limite d'âge. Est-ce le meilleur moment de votre carrière? Et qu'est ce que ça vous a apporté?
Ça a mal commencé pour le coach, c'était vraiment pénible parce qu'il demandait aux joueurs de venir, mais les clubs disaient non. Même moi au début, c'était non. Mais ça a fini par se transformer oui et ça s'est très bien fini. On ne savait pas que ça allait finir comme ça franchement. Humainement, c'est l'un des meilleurs moments de ma carrière.
Vous marquez en quarts, puis deux fois en demies et une fois en finale. On peut donc dire que vous avez été un acteur majeur de ce tournoi olympique. Est-ce que vous avez senti un changement en termes de notoriété vis-à-vis du public français?
Entre avant et après, oui: c'est considérable. Il y a eu un vrai changement. Surtout que les Jeux olympiques étaient en France...
Et l'une de vos dernières expériences en France, c'était à Lyon où ça n'a pas forcément été une réussite...
Oui, exactement. Le fait que la demi-finale contre l'Égypte se joue à Lyon, le fait d'y retourner, c'était magnifique.
Est-ce que Thierry Henry fait partie de ceux qui vous ont envoyé un petit mot au moment où vous avez appris votre première sélection?
Oui, il en fait partie. Il m'a appelé, il ne m'a pas envoyé un message. Il était vraiment content pour moi. Il m'a dit que je le méritais.
Est-ce que vous échangez avec Thierry? Est-ce que vous vous servez de son expérience, de ses conseils pour continuer votre progression?
Oui, j'ai eu certaines discussions avec lui, il m'aide encore aujourd'hui. Il fait partie des gens qui me donnent des conseils que j'utilise.
Est-ce que vous savez si Didier Deschamps l'a contacté pour parler de vous justement avant de vous sélectionner?
Je ne sais pas, mais j'espère que Thierry a parlé pour moi.
Votre club Crystal Palace est l'une des révélations de la saison dernière. Vous avez gagné la Cup, ensuite vous avez gagné le Community Shield en début de saison. Vous vous affirmez comme un vrai club important de Premier League, avec une 6e place après quelques journées. Que se passe-t-il dans ce club?
Je pense qu'on a déjà un bon groupe et aussi un fantastique entraîneur qui fait un très bon boulot. On essaie d'appliquer tout ce que le coach nous dit de faire.
Un autre fait marquant qui nous a tous un peu choqués, c'est cette commotion que vous avez subie au mois de mars face à Millwall en Cup, avec la sortie complètement folle du gardien, ce coup de pied dans la tête, votre oreille qui a été touchée, le fait de devoir jouer avec un casque... Est-ce que tout ça c'est derrière vous, ça y est c'est digéré?
Non, personnellement je n'y pense plus. Même quand j'avais mon casque, je n'y pensais plus. Ce sont les gens qui me le rappellent quand ils voient ma balafre. Mais moi, c'est derrière moi.
Vous n'avez pas peur d'aller au duel de la tête, ça n'a rien changé?
Non, non... Lors du premier ou du deuxième entraînement avec le casque peut-être, tu as un peu peur que ça bouge, tu te fais des films. Mais sinon non. En Angleterre, c'est la castagne...
Cette saison, vous en êtes déjà à deux buts en sept rencontres. Comment pouvez-vous encore continuer de progresser à Crystal Palace pour conforter cette place chez les A qui vous est offerte aujourd'hui?
Je pense qu'il faudra déjà gagner des matchs. Et puis bien sûr, vu que je suis attaquant, il faudra marquer plus de buts.
L'objectif du club, c'est de déjouer un peu les pronostics. On sait que le championnat anglais est très relevé et que c'est compliqué pour des équipes comme Crystal Palace d'intégrer le big five... Ces 6e, 5e, 4e places, c'est ça l'objectif?
On ne veut pas faire juste comme les dernières années. Je pense qu'on a déjà beaucoup progressé ces deux dernières saisons. Donc je pense que cette année-là, on va être encore plus ambitieux.
Avec Crystal Palace, vous jouez la Ligue Conférence. C'est la première fois que vous jouez une Coupe d'Europe dans votre carrière?
Oui. Enfin quand j'étais à Lyon, on était en Coupe d'Europe mais je ne jouais pas beaucoup, j'étais surtout dans les tribunes.
Comment avez-vous appréhendé ces premiers pas en Coupe d'Europe?
C'est beaucoup d'enchaînements, en plus la manière dont on joue est vraiment intense donc ça n'est pas facile. Mais bon, on s'habitue.
Si vous voulez jouer la Ligue des champions, il va falloir vous habituer...
C'est ça, exactement...
Le bizutage est bien passé? Vous avez chanté quoi comme chanson?
Non, c'est ce soir.
Et qu'avez-vous prévu?
Je pense que je vais chanter Champs-Elysées.