6 nations 2025: "Faire basculer le rugby féminin", Pauline Bourdon-Sansus raconte les ambitions du XV de France en année de Coupe du monde

On sort d'une séance d'entraînement à Marcoussis, prête pour le Tournoi?
Oui ça va très bien. On s'entraîne bien, on essaie de prendre un maximum de plaisir sur le terrain, c’est toujours agréable de retrouver les filles et de partager des bons moments sur le terrain.
Vous sortez d'une tournée automnale un peu compliqué, il y a eu des défaites contre le Canada et la Nouvelle-Zélande: qu’est-ce que vous retenez?
Qu’on a eu du mal à mettre notre jeu en place et qu’on s'est fait pas mal trouées en défense… On n'est pas forcément en méga confiance, mais on a pu se dire les choses sur un stage de préparation en janvier. On essaye de trouver les solutions, staff et joueuses pour repartir sur de bons pieds sur ce début du tournoi. Il n'y a pas de raison qu’on ait perdu tout notre rugby en un an. Ça va revenir, il faut juste reprendre un peu confiance en nous.
Ce stage en janvier était à Elche en Espagne: qu’est-ce que vous vous y êtes dit?
Je pense qu'on était un peu à l'envers au Canada. On aime beaucoup jouer à la balle et on oublie que le rugby c'est un sport de combat. Nous recentrer sur ça, sur l'engagement et sur l'état d'esprit du groupe, je pense que c'est ce qu'on est en train de faire depuis dix jours. Si on est là les unes pour les autres, ça va rouler tout seul, le rugby c'est un sport collectif, on s'appuie sur les copines à côté. C’est ce qu’on doit recréer dans ce groupe-là.
Depuis plusieurs années, le Tournoi des 6 nations a la même forme. Les Anglaises et vous, vous affrontez les quatre autres adversaires avant de vous retrouver pour ce qui doit être une finale. Mais les autres adversaires progressent, sentez-vous que le niveau se resserre?
Oui complètement, d’autant que cette année, on a un calendrier compliqué, on se déplace trois fois, comme les garçons. Le rugby féminin progresse, mais tant mieux pour nous, ça nous prépare encore mieux, parce qu’on espère jouer cette finale contre les Anglaises. Avant ça il y a l’Irlande, une équipe très agressive, qui monte fort. A nous de bien construire notre match pour ne pas faire de faux pas dès l'entrée du tournoi.
Malgré tout, l’idée c’est de jouer la gagne à Twickenham lors de la dernière journée… Vous êtes sur douze défaites consécutives contre les Anglaises, qu'est-ce qui fait qu'elles sont si fortes?
Si je le savais, je vous le dirais! Déjà, leur championnat est plus attractif que le nôtre, ça tape un peu plus fort. On vient de passer à une poule unique de 10 équipes en France, donc ça commence à prendre forme également. Elles sont aussi professionnelles dans leur club, ça joue un peu, elles ont un peu d'avance sur nous sur ça. Avant, on arrivait à les battre, mais elles sont montées d'un cran par rapport à nous. Malgré tout, on n'est quand même pas très loin, il y a moyen de faire quelque chose et de leur faire mal chez elle avant la Coupe du Monde.
Quelles sont vos armes pour les contrer?
On a un nouveau système qui est en train de se mettre en place petit à petit. Se faire confiance et jouer au rugby c’est ce qu’on aime. On veut déplacer le ballon, jouer debout un maximum, et là-dessus, on peut faire très mal à toutes les équipes. Restons focus sur l’Irlande et les premiers, matchs on va monter petit à petit avant de retrouver l'Angleterre.
Il y a deux ans, sur cette finale à Twickenham vous aviez joué devant plus de 58.000 personnes, un record: avez-vous envie de revivre ce genre de moments?
C’était incroyable, moi je n'avais jamais connu ça. Rentrer dans ce stade, même s’il était plein de supporters anglais ça donne beaucoup d'énergie. On avait à cœur de bien faire et on a envie que ça se reproduise On voit vraiment que le rugby féminin est en train de progresser, que les gens s'intéressent de plus en plus à nous. Il faut continuer à produire du beau jeu, que les téléspectateurs soient contents de venir nous voir jouer. Ça ne va aller qu'en avançant, j'en suis sûre.
Vous faites partie des joueuses les plus expérimentées de ce groupe, tu étais présente à la dernière Coupe du Monde en 2022. Quel est votre rôle au sein de l’équipe?
On a établi des leaders. Je suis plutôt leader offensive pour guider l'attaque de cette équipe. J'essaie un maximum d'accompagner les petites jeunes qui rentrent dans le groupe. On essaie avec les deux capitaines Manaé (Feleu) et Marine (Ménager) d'être des soutiens pour elles.
Vous êtes une demi-mêlée assez atypique, vous aimez porter le ballon, un peu à l’image de ce que fait Baptiste Serin chez les garçons. Comment définiriez-vous votre style?
Je joue à l’instinct, je suis une opportuniste. Dans ce sport, on a envie d'aller derrière cette ligne et moi j’ai cette gniaque, cette envie de faire avancer l'équipe. Si je vois un trou, je vais y aller. Je ne peux pas vous dire comment ça vient, c’est instinctif.
On est en année de Coupe du Monde, qui démarre au mois d’août en Angleterre. C’est le Graal?
Oui complètement. Les Tournois des 6 Nations, c'est incroyable, porter le maillot de l'équipe de France, c'est incroyable. Mais vivre une Coupe du Monde là où l'Angleterre est en train de dominer le rugby mondial féminin… Il va y avoir du monde, ça va être un événement qui, je pense, va faire basculer le rugby féminin. Et puis c’est une compétition que je n'ai jamais gagnée. J'espère pouvoir la gagner avant de mettre peut-être fin à ma carrière, parce que je commence à prendre de l'âge.
Les garçons viennent de gagner le tournoi, les jeunes en U20 ont gagné aussi. Ça met une pression de voir le rugby français aussi bien réussir?
Non, ça pousse et ça encourage. On a vraiment envie de faire aussi bien qu'eux. En plus, on voit toutes les émotions qu'ils ont pu vivre derrière un titre, c’est pour ça qu’on joue au rugby. Ils nous ont montré l'exemple, à nous de prendre la suite. J'espère qu'on réussira à lever le trophée comme ils ont pu le faire.
Les audiences du tournoi masculin ont été énormes. Vos matchs de championnat commencent à être télévisés sur Canal+, il y a eu ce record d'affluence l'an dernier à Chaban-Delmas: sentez-vous que le grand public s’intéresse davantage au rugby féminin?
Oui on voit vraiment que c'est en train de monter. Ça passe par les audiences, il faut nous montrer pour que les gens puissent s'intéresser de plus en plus à nous. Mais ça va aussi passer par des résultats et par des titres, il faut continuer. A l’heure actuelle, on est à notre place. Il faut s’imposer en gagnant des titres, il n'y a pas de raison qu'on n'y arrive pas.
Qu'est-ce qu'on peut te souhaiter sur cette année 2025? Le triplé 6 nations, championnat avec Toulouse et Coupe du Monde?
Le grand triplé? Forcément, on souhaite toujours de vouloir gagner! Mais gagner le Tournoi, faire quelque chose avec mon club, je pense qu’on en a les moyens. La Coupe du Monde, est un peu plus loin, on a le temps de voir venir. Déjà faire un bon tournoi et être championne avec mon club, ça serait beaucoup.