UBB: "Nos collègues nous chambrent pour faire une saison supplémentaire", l'entretien croisé Picamoles-Trinh-Duc

Louis, François, comment vivez-vous cette dernière saison à l’UBB après vos retrouvailles l’été dernier ?
Louis Picamoles : Ça rajoute une saveur particulière à cette dernière saison. Cela faisait longtemps qu’on avait discuté d’un projet commun pour notre fin de carrière. Pouvoir y parvenir avec un projet ambitieux, un club ambitieux avec deux tiers de la saison positifs, ça fait plaisir. Maintenant ce sera encore plus plaisant si on a quelque chose au bout et on va tout faire pour.
François Trinh-Duc : Je n’ai aucun regret d’être venu à Bordeaux. Maintenant il faut valider ça. J’ai pris énormément de plaisir jusqu’à présent en jouant, en m’entraînant. Il faut se payer, ne pas avoir fait tout ça pour rien. L’objectif numéro 1 c’est la qualification et après on rêvera d’autre chose.
Vous avez beaucoup joué cette saison. Est-ce que ça ne vous a pas donné envie de continuer une saison supplémentaire ?
L.P : Continuer, non ! Pas du tout. On avait plutôt bien réfléchi quand arrêter notre carrière. A partir du moment où la décision est prise dans la tête, on profite des derniers moments. On est des compétiteurs. Est-ce qu’on pensait jouer autant ? Je ne sais pas mais on en avait envie. On veut profiter pleinement de cette saison, prendre du plaisir sur le terrain. Sur notre fin de carrière, je ne me suis jamais posé la question de faire une année de plus. Ma décision est prise et je profite au maximum.
F.T.D : Ça ne me titille pas du tout. C’est vrai que nos collègues nous chambrent un peu pour faire une saison supplémentaire mais c’était très clair pour moi en arrivant à Bordeaux, c’était pour une seule saison. C’est pour ça aussi que je prends énormément de plaisir à retrouver Chaban-Delmas, le public. Je sais que c’est la dernière, je compte les jours, les matchs et c’est ça qui me donne encore plus envie. S’il y avait une saison derrière, je n’aurais peut-être pas eu aussi faim et autant d’énergie.
Est-ce que vous commencez à être nostalgique à quelques semaines de la fin de votre carrière ?
L.P : On compte les jours, on sait que la fin approche mais nostalgique non. On aura du temps après pour penser à tout ça. On profite de l’instant présent, j’essaie de vivre ces moments à fond. Je suis dans l’instant présent.
F.T.D : Je sais ce qui va me manquer et ce qui ne me manquera pas. J’arrive à passer un maximum de temps avec les gens que j’apprécie, faire des choses que j’aime.
"Si à l'époque on nous avait dit que 18 ans après on serait en train de jouer ensemble en pro..."
Vous rappelez-vous de votre première rencontre ?
F.T.D : C’était en minimes. Je jouais encore à l’école de rugby du Pic Saint-Loup. Louis à Montpellier. C’était le derby, on jouait le grand club de la région, une grosse confrontation pour nous. Louis était déjà plus costaud que nous avec ses grosses cuisses. La consigne était de le plaquer en bas sinon il allait nous traîner comme un drapeau (rires). On a joué ensemble ensuite dans les catégories jeunes à Montpellier, on s’est lié d’amitié. On a continué jusqu’à l’équipe première, l’équipe de France. Boucler la boucle et être encore ensemble 17 ou 18 ans après, c’est toujours plaisant.
Fulgence Ouedraogo (joueur du MHR) nous disait qu’il n’aimait pas t’affronter Louis quand vous étiez jeune…
L.P : C’était une belle rivalité avec le Pic Saint-Loup. Le MHR était le club phare mais je ne suis pas sûr qu’on ait beaucoup gagné. Si à ce moment-là on nous avait dit que 18 ans après on serait là à jouer ensemble sur des terrains pros, on aurait rigolé. On n’était pas trop parti pour faire carrière. Ça montre tout le chemin parcouru. Vivre ça avec des potes de l’école de rugby c’est assez exceptionnel et fort dans le rugby.
Dimanche vous jouerez peut-être votre dernier match contre Montpellier. Ce sera un moment particulier on imagine…
F.T.D : Ce sera notre dernier match là-bas devant le public qu’on aime, qui nous a vu débuter et nous a encouragé et qui le fait encore quand on joue là-bas. Il y a ce côté émotionnel, on sait d’où l’on vient. Moi, je suis un montpelliérain pure souche, née à Montpellier, très attaché à ma ville et ma région. C’est un pincement au cœur mais c’est beau de jouer le haut de tableau, de voir que Fufu (Ouedraogo ndlr) est premier, nous deuxièmes.
Quels moments forts vous retiendrez de votre passage à Montpellier ?
L.P : La première saison où on démarre tous ensemble, où on s’installe vraiment dans l’équipe. C’est la dernière saison à Sabathé (stade historique du MHR). Le club est en difficulté, proche de la relégation. On finit par se sauver avec une ferveur incroyable dans un stade qui était un ovni à l’époque. C’était le dernier stade où tu avais plus de gens debout le long des mains-courantes que dans les tribunes. C’est un moment marquant.
F.T.D : C’était les débuts, on était une bande de potes qui s’était suivie dans toutes les catégories de jeunes. On se retrouve propulsé en équipe première et on arrive à maintenir le club. Il y avait beaucoup de pression mais on était insouciant, on prenait beaucoup de plaisir, on faisait la fête après les matchs dans le club-house du stade Sabathé. Ce sont des moments humains qui ont laissé beaucoup de souvenirs aux joueurs et au public. C’était le rugby qu’on aime.
L.P : Il y a l’année où je reviens au club aussi avec cette finale manquée en 2018.
F.T.D : Moi je retiens aussi l’épopée en 2010 quand on va en finale avec cette génération, l’arrivée de Fabien Galthié et Eric Béchu. C’était exceptionnel pour nous même si on perd en finale contre le Stade Toulousain de Louis (rires)… On a toujours été liés ensemble finalement.
"Se retrouver tous avec le maillot bleu, représenter Montpellier, on était très fier"
Vous vous êtes beaucoup affrontés les uns contre les autres au cours de votre carrière…
F.T.D : Mais on n’est pas trop chambreur entre nous. On ne communique pas trop la semaine du match. Moi, chambrer, je ne sais pas faire. Soit je dégoupille, soit je suis à côté de la plaque (rires).
L.P : On se lâchait des petits sourires, des petits mots sur le terrain parce qu’on a vécu des moments forts. Maintenant, on rencontre des potes quasiment tous les week-ends mais quand je suis parti à Toulouse et que je rejouais contre Montpellier c’était particulier. Je jouais contre François, Fufu… Il y en avait tellement avec qui j’avais grandi que c’était spécial. C’était globalement assez drôle sauf l’année de la finale (en 2010 ndlr). Etre face à Montpellier qui était mon club formateur, c’était une sensation bizarre mais sinon c’était fun.
Il y a aussi ce match en équipe de France contre l’Italie en 2008 où vous vous retrouvez tous sur la pelouse, François Trinh Duc, Louis Picamoles, Fulgence Ouedraogo et Julien Tomas...
L.P : Se retrouver avec le maillot bleu, pouvoir représenter Montpellier qui n’était pas le Montpellier d’aujourd’hui, on était très fier. Le MHR était un petit club en construction. C’était une grande fierté de le représenter tout en haut. C’est un moment gravé.
Comment avez-vous vécu la coupe du monde en Nouvelle-Zélande en 2011 ? (Louis Picamoles, François Trinh-Duc et Fulgence Ouedraogo ont joué la compétition ndlr)
F.T.D : La relation humaine restera de toute manière le fil rouge de notre carrière. Il y a eu des trophées, des palmarès, des sélections. On joue la finale contre les Blacks, ça a forcément créé beaucoup de liens. On s’est beaucoup soutenus dans les moments difficiles parce que c’est très long quatre mois de compétition.
Qu’est-ce qu’on vous souhaite pour votre fin de carrière ? Une finale de Top 14 contre Montpellier ?
L.P : J’en parlais à ma femme il n’y a pas longtemps et franchement ce serait difficile.
F.T.D : Un titre, tout simplement.
Avez-vous avancé sur l’organisation de votre jubilé ?
L.P : C’est François la tête pensante (rires)
F.T.D : On avance bien et on prépare une belle fête !