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6 Nations féminin 2025. "Jouer l’une contre l’autre, on ne l’a jamais envisagé", confient les sœurs Manae et Teani Feleu

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De Futuna à Grenoble en passant par la Nouvelle Zélande, les sœurs Feleu : Manae et Teani, se sont suivies à la trace durant toute leur carrière.  Elles brillent désormais ensemble sous le maillot du XV de France féminin, raflant chacune un titre de meilleure joueuse lors des deux premiers matchs du Tournoi des 6 Nations. Pour RMC Sport, elles reviennent sur leur parcours, leur relation, et se projette sur la fin de saison.

RMC Sport : Vous avez débuté le Tournoi des 6 Nations par deux victoires en deux matchs. Comment vous analysez ce début de compétition ?

Téani : On a fait une très bonne entame de tournoi. On avait fixé un objectif, celui de commencer par 2 victoires. Le but, c'est de continuer sur cette lancée et d'améliorer nos performances match après match.

Manaé, en plus de votre travail de 2e ligne, vous êtes co-capitaine avec Marine Ménager. Comment vous partagez ce rôle sur le terrain ?

Manaé : C'est un rôle qui m'a beaucoup fait grandir en tant que leader, en tant que joueuse et en tant que personne. J'ai la chance de le partager avec Marine et ça me permet aussi de moins prendre la pression, qu'on peut avoir tendance à se mettre quand on a ce genre de rôle.

On peut s'appuyer l'une sur l'autre, ce qui nous permet aussi de nous faire plaisir et de pouvoir aussi être focus sur notre performance individuelle.

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Il y a le Pays de Galles ce samedi, puis l'Italie qui arrive, mais j'imagine que dans votre tête, il y a déjà ce match à Twickenham fin avril, où on annonce 60 000 personnes…

Manaé :  Depuis le début du tournoi, le focus qu'on s'est mis, c'est d'être 100% sur nous, d'arriver à imposer notre rythme sur chaque match.

Même si on sait que l'Angleterre, c'est le dernier match et que c'est ce qui se fait de mieux en ce moment, on a vraiment envie de construire. On sort d’un match abouti défensivement en Irlande, puis mieux en attaque contre l’Ecosse. On veut monter en puissance et se faire plaisir.

Vous avez toutes les deux grandi à Futuna, là où habitent vos parents. A quoi ressemble une enfance là-bas, est-ce que le rugby était tout de suite au cœur de votre vie ?

Téani : Pas tout de suite le rugby, mais le sport oui, on est passées par plusieurs activités, nos parents font de l’athlétisme tous les deux.

Notre père s’est mis au rugby plus tard, il a commencé à entraîner un club, et c’est grâce à lui et mon grand frère que j’ai démarré au Oneliki Rugby Club. Et dès que j’ai commencé je n’ai jamais voulu arrêter.

L'entretien des Potos : Manae et Teani Feleu, "jouer l'une contre l'autre, on ne l'a jamais envisagé"
L'entretien des Potos : Manae et Teani Feleu, "jouer l'une contre l'autre, on ne l'a jamais envisagé"
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Manae, c’est là-bas que vous avez joué avec quelques internationaux français…

Oui j’ai commencé plus tard, je me sentais un peu exclue, on parlait beaucoup de rugby à table et ça me donnait envie. Et quand j'ai commencé, il y avait Yoram Moefana qui jouait avec moi en U11.

C'est cool de voir que ces personnes-là jouent au plus haut niveau, on est fières de pouvoir représenter nos îles.

À 14 ans, vous partez en Nouvelle-Zélande où votre grand-frère était déjà.  Comment vivez-vous ce départ juste après le collège ?

Manae : C’est assez habituel car quand tu né à Futuna, tu sais qu'à partir de ta Seconde, tu vas devoir partir parce qu’on a uniquement un collège.

Tu as trois options, Wallis, la plus populaire, la Nouvelle-Calédonie ou la Métropole. Mais notre frère (Niue, aujourd’hui troisième ligne à Nuits-Saint-Georges, en Fédérale 1) adorait le rugby et il avait cette idée en tête d'aller jouer en Nouvelle-Zélande.

C'est l'aîné, c'était mon exemple et je pense que c'était l'exemple de tout le monde dans la famille. Il m'a donné envie de faire pareil et c'est pour ça que je l'ai suivi là-bas.

Et Teani a suivi le mouvement ? 

Teani : Oui ! Manae et Niue parlaient anglais, j’enviais un peu leur vie. Je voulais faire pareil, je ne voulais pas être exclue de leur parcours.

Juste après le bac, nouveau départ pour vous Manae, cette fois en métropole, à Dijon pour commencer les études de médecine.

Manae : J’ai encore suivi mon frère, qui jouait à Dijon, puis Teani a suivi, on se suit tous !

Notre maman est originaire de Bourgogne, elle y a grandi, on a nos grands-parents là-bas aussi. C'était un peu le parcours, la suite logique des choses, on connaissait la région.

Et quand Teani arrive trois ans plus tard, direction Grenoble.

Teani : Oui on voulait jouer dans le même club. Manae devait monter de niveau. Donc, on est allées à Grenoble toutes les deux. J’ai pu la rejoindre car j’avais fait une sélection Outre-mer où on m’a un peu repérée.

Et à Grenoble, vous êtes toujours en colocation ?

Manae :  Oui, tout à fait, on a mis un petit temps à apprendre à vivre ensemble.

Mais le fait d'être loin, on se rend compte de l'importance de la famille. Je pense que ça nous a permis d'être encore plus proches que ce qu'on aurait peut-être pu être si on avait continué à être tous ensemble tout le temps avec un parcours plus classique.

Le 21 avril 2024, vous avez votre première titularisation en équipe de France ensemble, c'était au Pays de Galles. Quels souvenirs vous avez de ce match ensemble ?

Teani : J’étais vraiment très stressée. Premier match en titulaire, je savais qu'il fallait que je tienne le rythme international, un tout autre niveau. Finalement, c'est le collectif qui m'a aidée à tenir le match. Et le fait de jouer avec Manae, c'est un repère qui est familier sur le terrain.

Manae :  Moi, j'étais super fière de Teani. C'était son premier match titulaire, mais elle avait fait une belle campagne sur les entraînements, elle commençait à avoir un déclic au niveau du poste de 8. Je me souviens juste de me dire : "enfin, je vais pouvoir jouer avec elle".

Vous avez eu le même parcours, fait la même chose. Est-ce que vous vous envisagez un jour de jouer l'une contre l'autre ?

Teani : Non, jamais. Ca ne sert à rien d’envisager ça 

Donc, s'il y en a une qui part de Grenoble, l’autre suit ?

Manae : C'est l'idée oui.

Pour revenir sur le sportif, vous avez tous les deux étés élues joueuses des deux premiers matchs du Tournoi. Teani, c'était en Irlande, Manae contre l'Ecosse. Comment vous le prenez ?

Teani : C’est une belle récompense. C’était ma première fois, Manae aussi. C'est une fierté. Et puis, on pense à notre famille qui nous a tout le temps poussé à poursuivre ce qu'on aimait. C’est à eux que dédicace mon trophée de meilleure joueuse.

Vous êtes à la pointe du combat dans ce Tournoi. Comment vous travaillez cet aspect du jeu ?

Manae : Cette année, j'ai un peu plus de temps parce que j'ai mis mes études en pause pour la Coupe du Monde. Je voulais faire une année à fond rugby. J'ai décidé de sortir un peu du rugby pour aller chercher des choses qui pourraient me faire progresser. Du coup, j'ai commencé à faire des cours de lutte pour travailler un peu mes attitudes au contact et j'ai emmené Teani.

L'été prochain il y a la Coupe du Monde en Angleterre. Manae, vous étiez déjà en Nouvelle-Zélande, mais sans le statut que tu as maintenant. Comment l'appréhendez-vous?

Manae : On a toutes hâte. On va en Angleterre, qui est le pays phare du rugby féminin en ce moment. C'est un pays qui met beaucoup de moyens, et j'ai hâte de voir ce qu'ils vont faire au niveau de la com, de l'organisation. On va battre beaucoup de records pendant cette Coupe du Monde, ça va être une très belle vitrine pour le rugby féminin.

Qu'est-ce qu'on peut vous souhaiter pour cette année ?

Teani : La victoire ! Beaucoup de victoires et de vivre une Coupe du monde toutes les deux.

Pierre Thévenet