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"Impossible que tu ne sois pas pris par l’énergie": la WWE et ses catcheurs stars reviennent enflammer le public français cet été

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Un an après un évènement au succès mondialement reconnu à Lyon, la WWE - plus grosse organisation de catch de la planète - revient en France cet été, avec trois dates: "SmackDown" à Lyon le 29 août, puis "Clash in Paris" et "Raw", les 31 août et 1er septembre 2025 à Paris La Défense Arena. À deux mois et quelque de cette alléchante trilogie, Sami Zayn, catcheur québécois et superstar de la WWE, se confie à RMC Sport.

Sami, imaginons que vous vous adressez à quelqu’un qui n’a jamais vu de catch, qui n’a jamais regardé la WWE. Comment est-ce que vous lui expliqueriez votre métier ?

C'est une bonne question. Moi je vois ça principalement comme un art, comme une forme d'art. C'est un mélange de théâtre, de sport et de spectacle. C'est un peu comme la comédie des fois, comme un drame. C’est vraiment quelque chose d'unique, je pense. Il n’y a pas d’autre métier avec lequel je peux vraiment comparer.

Vous le dites vous-même, il y a de l'acting, de l'art. Vous jouez un personnage et il y a cette notion de "character" qui est très forte à la WWE. Jusqu'où ce personnage, c'est vous réellement?

Ça dépend de ma carrière, parce que je fais ça depuis plus de 20 ans maintenant. Par exemple quand je jouais le bad guy (le méchant, NDLR), je faisais des choses qui ne sont pas nécessairement des choses que je ferais dans la vraie vie. Mais quand même, je pense que c'est toujours un peu une extension de votre vraie personnalité. Comme l'acting, c'est la même chose, je pense qu’un bon acteur va mettre un peu de lui-même dans le personnage. Pour moi, il y a beaucoup de similarités (avec sa vraie personnalité), mais ça reste quand même un personnage. C'est intéressant, parce que quand je disais que notre métier est unique, c'est une des seules professions où il est difficile de séparer le personnage de la vraie personne. Dans ce sens-là, je le compare avec le stand-up un peu, parce que des fois, un comédien va lancer une blague puis tout le monde va dire "Mais comment tu peux dire ça?". Et il va répondre "C'est juste une blague, c'est un personnage que je joue sur scène, mais ce n’est pas nécessairement moi". C’est parfois difficile de distinguer les deux, mais il faut le faire.

Vous prenez position sur des sujets très importants dans le monde (notamment la Palestine). Est-ce que c’était important de se servir de cette plateforme pour apporter un peu de votre soutien?

Oui, pour moi, c'est important. Peut-être que ce n'est pas la même chose pour les autres. Ça, c'est vraiment subjectif. Mais pour moi, c'est difficile parce que tu vois ce qui se passe dans le monde… Je veux utiliser ma plateforme pour dire des choses qui je pense sont très importantes. (…) Depuis deux ans, avec la Palestine et tout ça… C'est sûr que moi j'ai mes opinions, et je pense que le monde peut deviner quelle est mon opinion. Mais je me demande quel est mon rôle dans tout ça. C'est une question philosophique, parfois je ne sais pas quel est vraiment le rôle d’un entertainer... Est-ce que c'est pour aider le monde à oublier les sujets importants ? Être capable de ne pas penser à ça, à ne pas penser à la tristesse dans le monde et juste regarder du catch et être content ? Dans un sens, je vois ça, et dans l'autre sens, je sens que j’ai une responsabilité, et une plateforme que je dois utiliser. C'est vraiment un combat interne que j’ai avec moi-même depuis quelques années, mais il n'y a pas une réponse exacte à cette question. C'est vraiment difficile pour moi personnellement de trouver le "happy middle", comme on dit en anglais. Je ne sais pas s'il y a d'autres catcheurs qui pensent comme ça, mais pour moi, c'est vraiment difficile.

Vous êtes aujourd’hui l'une des superstars les plus humaines qu'on retrouve à la WWE. Vous avez réussi à nous faire pleurer, à nous faire très souvent rire, à nous éblouir aussi avec vos actions spectaculaires, et en même temps vous nous apprenez des choses. Il y a une richesse autour de votre personnage qui est énorme. Il y en a même qui considèrent vous êtes l’un des GOATS, et qu’il vous manque juste la ceinture de champion…

Merci. C'est quelque chose que j'essaie de faire parce que je pense que les personnages, que ce soit dans les films, à la télévision, ont changé. On veut des personnages un peu plus humains, un peu plus profonds... Et pour moi, c'est intéressant. (…) Je pense que tu peux accrocher les gens. Quand ils viennent avec toi pour vivre des histoires, pour plusieurs années, il va y avoir un moment où tu pleures, où tu ris, où c'est dramatique, tu veux un mélange, ça c'est ma philosophie. Mais il y a des fois aussi où j’ai juste besoin d’un truc comme "Yeet" (le mouvement signature du catcheur Jey Uso, NDLR). Et Jey, il a le "Yeet", mais son personnage est en même temps plein de complexité depuis quelques années. C’est un bon mix d’après moi.

Quand est-ce que vous avez su que vous vouliez faire du catch de manière professionnelle?

Depuis mon enfance, ça a toujours été là. Mais c'est intéressant parce que j'entends des interviews d’autres catcheurs et ils disent "Ah, je voulais faire ça quand j'étais jeune, je ne voulais que ça, c'était mon objectif". Alors que moi, quand j'étais jeune, je n’avais pas vraiment compris que c’était un métier, que c'est quelque chose avec quoi tu peux gagner de l’argent. Pour moi, c'était juste quelque chose que j'aimais regarder. Quand j’étais ado, j’ai voulu essayer moi-même, et puis j’ai continué... Ce n'est pas plus compliqué que ça, c'est toujours quelque chose que j'ai adoré depuis mon enfance et j'ai toujours été intéressé. Puis quand il y a eu l'opportunité d’essayer moi-même, je l'ai saisie. Mais je n'avais pas des attentes de type "un jour je vais faire beaucoup d'argent, puis je vais passer à la TV, je vais être connu partout dans le monde".

Selon vous, quelles sont les choses que les gens qui ne sont pas fans de catch ne comprennent pas sur la discipline?

Je pense que le monde ne comprend pas la difficulté de pratiquer à ce niveau. Pour être capable de faire des bonnes interviews, de faire pleurer le public, le faire rire et être nerveux, de mixer tous les éléments dont on a parlé avant... C'est vraiment, vraiment difficile parce que ça mélange plusieurs choses, comme j'ai dit, et c'est plus facile d'être très bon sur un point précis. Comme le côté physique, c'est assez difficile par exemple, mais c'est encore plus difficile de trouver quelqu'un qui peut faire des combats très physiques et athlétiques tout en racontant des bonnes histoires et en ayant le bon mot au micro. (…) Un jour, je vais peut-être faire quelque chose sur ça, pas un documentaire mais une série. Ça peut être une fiction, ce sera juste pour montrer ce monde et ce qu’il s’y passe exactement. (…) Maintenant, avec Internet, on sait beaucoup plus comment ça marche en coulisses, mais quand même, tu ne sais pas tout. Le catch est vraiment un monde compliqué, très stressant. Et je pense que si le monde savait juste ça, il aurait un autre niveau de respect pour ce métier.

On a vu votre duo avec Jey Uso récemment et avec CM Punk qui est aussi intervenu. Qu'est-ce qui va se passer prochainement? Est-ce que vous pourriez venir en France? On a vu que pour Jey Uso, son histoire a changé avec son entrée à Lyon sur le "Yeet", repris par tout le public (en mai 2024). Est-ce qu'on pourrait vous voir par exemple avec Jey Uso à Paris faire ce genre de choses?

Moi, avec Jey Uso ? Je n’en ai aucune idée. Mais je voudrais être au cœur de cette énergie. J'étais vraiment déçu de ne pas être à Lyon. Je voulais vraiment, vraiment être là mais avec le fonctionnement d’aujourd'hui, il y a moins de combats donc moins de personnes. Mais les combats, avec vingt ou trente minutes, ont plus de temps pour raconter une histoire. Avant tu avais des cartes avec huit ou neuf combats, mais ils duraient dix minutes, ils étaient rapides. C'est une nouvelle philosophie. Je regardais (l’évènement à Lyon) et je savais, je savais que la foule allait être comme ça, avec une énergie juste incroyable. C'était un truc de malade, mais je n'étais pas là... Mais c'est sûr que si je suis là pour Lyon ou pour Paris, je veux être au cœur de cette énergie. Dans une carrière, même si tu es chanceux, même si tu deviens champion, les moments comme ça avec cette énergie, tu t’en rappelleras toujours, tu ne l’oublieras jamais. Un an après on parle encore de la foule à Lyon ce soir-là, tellement c’était mémorable. Alors, je pense que Paris, ça va être fou.

Quelle est l’importance du public dans le catch? On a l’impression qu’il n’y a aucun show, aucun sport, où la connexion est telle avec le public…

On en revient à quand je disais que c’était un métier unique. Dans le monde du théâtre ou des sports, la foule ne va pas changer le déroulement des événements. Ça, c'est tellement unique au catch. Comme dans le stand-up un peu, il y a un côté interactif qui peut changer les choses. (…) Notre job, c'est de prendre les émotions puis d’apporter des réponses. Mais les réponses peuvent changer, tu dois toujours t’adapter. (…) Il n’y a rien d’aussi interactif.

Il va y avoir une série de trois événements en France cet été. Le public français est très "extrême". Il y a des super fans qui justement à Lyon ont mis une ambiance mondialement reconnue, et il y a des gens qui n'ont jamais entendu parler de catch, ne connaissent rien. Qu'est-ce que vous pourriez dire aux personnes qui ne connaissent rien, pour qu'elles viennent voir un petit peu ce qui va se passer cet été?

Il n'y a aucune possibilité, d'après moi, que tu viennes et que tu ne sois pas pris par l’énergie. C'est impossible. Tu peux avoir un cœur noir, que rien ne te touche, je m'en fous. Quand tu viens à un show comme ça, avec une foule comme à Paris ou à Lyon et qui est tellement passionnée, c’est impossible. Et là je ne parle que du public, mais il y a aussi ce que nous on fait, il y a toujours quelque chose qui te parlera. Ça peut être le côté athlétique, le côté dramatique, ou comique, il y a toujours quelque chose pour quelqu’un. Le catch, c'est un concept curieux si tu n'as jamais vu ça, mais si tu vas à un show, spécialement avec un public comme on va avoir à Paris ou à Lyon, c’est impossible que tu ne passes pas un bon moment. C’est impossible.

Propos recueillis par Sacha Allix