Hexagone MMA: Gael Grimaud, un sport légalisé, une carrière réinventée

Il pensait en avoir fini avec sa carrière. Mais "les planètes se sont alignées". En juillet dernier, après plus de quatre ans d’absence, Gael Grimaud battait le Portugais Falco Neto Lopes par soumission lors du premier événement Hexagone MMA pour devenir son premier champion des moyens. Un moment d’histoire pour le combattant tricolore: "C’était une fierté d’être le premier Français champion du monde dans une organisation française de MMA". Le Réunionnais avait déjà combattu dans son pays. Mais en pancrace, pas dans les véritables règles du MMA. Cette fois, merci à la légalisation de la discipline enclenchée au printemps 2020, la chose a pu enfin se faire.
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"Quand elle a eu lieu, je voyais l’opportunité de pouvoir continuer à apporter ma contribution dans un milieu qui allait se développer, en tant que coach par exemple, confie Gael Grimaud à RMC Sport avant la défense de sa ceinture ce samedi à Reims face à son compatriote Aymard Guih lors de l’événement Hexagone MMA 3. Mais Hexagone m’a proposé de faire partie de leur première carte, une opportunité que j’ai saisie. Il fallait que je montre l’exemple. J’ai décidé de prendre ce défi dans ce sens-là." L’ancien champion des poids welters du Cage Warriors, principale organisation européenne, avait quarante-et-un ans pour son retour (quarante-deux désormais). Il n’avait plus combattu depuis mars 2017.
"Les choses ont changé"
Mais le contexte a rallumé sa flamme. "J’ai été poussé à arrêter en 2017. Mon palmarès aurait dû me permettre de combattre à l’UFC, mais comme le sport n’était pas légalisé en France, il n’y avait pas d’intérêt pour eux à me prendre. Je ne trouvais pas de combats intéressants pour la suite de ma carrière. Soit on me proposait des primes ridicules pour des combats difficiles, soit on refusait de me signer dans des événements. J’ai dû retourner sur une organisation française, le 100% Fight, avec des préparations professionnelles à moitié, ce qui a un peu signé mon arrêt. Aujourd’hui, les choses ont changé, il y a plus d’opportunités et une meilleure visibilité. C’est une deuxième carrière."
Battu par "un jeune loup qui aurait dû être plus pris au sérieux" en mars 2017, un certain Abdoul Abdouraguimov, phénomène de technique au sol originaire du Daghestan aujourd’hui champion des welters de l’organisation française Ares et qui devrait vite rejoindre la prestigieuse UFC vu son talent, Gael Grimaud fait alors face à "une grosse remise en question": "Soit je partais en dépression car je n’avais pas réussi ce que je projetais dans ma carrière MMA, soit je remettais les compteurs à zéro pour partir sur un nouveau projet. J’ai proposé à ma femme de partir autour du monde avec mes deux enfants. On était tous les deux entraîneurs et le concept était de coacher dans des salles de sport contre l’hospitalité et l’hébergement, en mode 'J’irais coacher chez vous' comme l’émission. Ça a duré un an et ça a eu pour mérite de rebooster ma motivation, de comprendre un peu mieux ce qui anime les personnes à faire du sport, de faire grandir le sportif comme l’homme."

Qui a pu effectuer son retour dans de bien meilleures conditions. "Ça fait quinze ans que je fais du MMA, rappelle celui dont le premier combat pro remonte à 2008 (21-7 en carrière), j’ai combattu à travers le monde mais je l’ai fait avec les moyens du bord. Là, j’ai des partenaires financiers qui me suivent et qui me permettent de me préparer correctement. Des clubs se sont structurés en France avec la légalisation et ça me permet de trouver des sparring-partners et des entraînements de qualité en pur MMA, ce qui n’était pas le cas à l’époque où j’ai fait le plus gros de ma carrière." Un nouveau cercle vertueux qui se retrouve sur tous les plans.
"A Hexagone, les conditions financières sont meilleures que ce que j’avais pu avoir depuis mes débuts en MMA, poursuit-il. Ce n’est pas encore l’UFC ou le Bellator mais ces deux organisations ont également commencé petit. Hexagone travaille pour proposer des conditions favorables aux combattants pour pouvoir en faire leur métier. C’est l’une des conditions qui m’ont permis d’envisager un deuxième volet dans ma carrière car ça m’offre un laps de temps suffisant pour bien me préparer sans devoir faire autre chose à côté." Gael Grimaud gardera un "regret sportif" de ne pas avoir combattu à l’UFC. Il aurait aimé relever "le défi de se confronter aux meilleurs dans la meilleure organisation".
"Le MMA a un gros avenir dans notre pays"
Mais en vieux sage, il reste réaliste: "Il fallait être né dans le bon pays… L’UFC est une industrie donc ils vont mettre en avant les combattants qui les intéressent par rapport aux marchés qu’ils visent. D’autres profitent aujourd’hui de la légalisation en France, tant mieux." A son âge, il n’imagine pas un coup de fil de l’UFC ou du Bellator – les deux plus grosses organisations de la planète – pour le faire venir. Il ne ferme pas la porte pour autant: "Le défi est mon quotidien. S’ils m’appellent, je vais au combat." Mais si cela arrive, il n’ira pas "juste pour y aller", il faudra "des conditions à (s)on avantage". Le combattant français garde des rêves. Mais il ne se cache pas devant le temps qui passe. Son avenir est au développement de son sport plus qu’à ses propres conquêtes.
"A la fin de mon contrat de quatre combats avec Hexagone MMA, sans doute en 2023, j’aurai certainement fini ma carrière, avance-t-il. Le pourcentage que je continue après est très faible. Il y a des jeunes que je vois à La Réunion qui ont démarré il n’y a pas longtemps et qui me posent déjà des problèmes, donc je vais me consacrer à construire des jeunes et à des projets qui vont permettre qu’ils puissent réaliser ce que je n’ai pas pu réaliser dans ma carrière. Je travaille déjà en tant que conseiller sur des structures et sur la formation aussi. Certains combattants m’ont aussi sollicité pour les suivre donc peut-être que je passerai aussi la casquette de coach."

Une nouvelle génération biberonnée au MMA dès le départ qui devrait encore multiplier le vivier de talents en France, pays à gros potentiel pour les années à venir. "De plus en plus de jeunes vont démarrer directement dans cette discipline et vont peut-être réinventer une façon de combattre, pointe celui qui fait partie des pionniers de son sport en France et qui a bourlingué un peu partout pour le pratiquer (Grande-Bretagne, Japon, Russie, Pays-Bas, etc). On va avoir des prodiges à l’image de Ciryl Gane, et même plus forts car ils seront nés avec ce sport et vont en maîtriser tous les secteurs. La formation française est exceptionnelle. Avant, on n’avait pas d’événements pour mettre ça en valeur mais c’est le cas maintenant. Contrairement aux Etats-Unis, où il y a un fossé entre l’UFC et ce qui est proposé plus bas, on a une passerelle assez courte qui pourra très vite développer le sport. Le MMA a un gros avenir dans notre pays et notre génération va très vite être à la retraite. (Rires.)"
Après avoir beaucoup œuvré pour faire accepter son sport dans son pays, Gael Grimaud pourra guider les jeunes. "Ils doivent bien comprendre que ce sport est maintenant professionnel. Il faut mettre tout son temps là-dessus, éviter d’avoir une activité en parallèle, mais aussi construire son image et tout ce qu’il y a autour." Pour profiter de l’appel d’air médiatique offert par le parcours de Ciryl Gane, dont le choc pour le titre des lourds de l’UFC face à Francis Ngannou en janvier a par exemple eu les honneurs du JT de 13 heures de TF1 le lendemain. "Ciryl arrive à point car c’est vraiment le 'Bon Gamin', l’image de la France d’aujourd’hui. Les étoiles sont alignées entre la légalisation et cette personne qui représente bien le MMA français, un porte-parole pour les médias mainstream. De telles personnes existaient déjà mais la légalisation du MMA met la lumière sur les talents et c’est une bonne chose pour tout le monde."
A commencer par Hexagone MMA, qui verra encore l'ancien judoka également spécialiste de jiu-jitsu à l’œuvre dans son combat principal ce samedi, défense de titre pour laquelle il s’est préparé "en majorité à La Réunion, au soleil" avant "quinze jours à Paris pour s’acclimater et finir (s)a préparation spécifique dans des clubs partenaires". Et son adversaire, autre ancien du milieu, dans tout ça? "Aymard Guih est aussi un judoka aussi donc le vrai défi va être de combattre quelqu’un qui a la même discipline de prédilection que moi. En général, je réussis à prendre l’avantage par mon judo mais il ne sera pas facile à amener au sol, il a une certaine expérience avec à peu près le même nombre de combats que moi et il n’est pas mauvais en pieds-poings. Ça va être un combat engagé, difficile, rugueux." Première comme deuxième carrière, monter dans la cage reste toujours un défi. Même à quarante-deux ans, Gael Grimaud continue d’adorer le relever.