"C'est le combat de ta vie, et tu ne dois pas juste le gagner": Bolaji Oki raconte comment les Dana White's Contender Series lui ont permis d'intégrer l'UFC

Il est, à ce jour, le seul combattant de la scène francophone à avoir brillé aux Dana White's Contender Series (DWCS). En août 2023, le Belge Bolaji Oki battait le Français Dylan Salvador (en -70kg) par TKO au 1er round sous les yeux du patron de l'UFC Dana White, pour décrocher un contrat dans la plus puissante organisation de MMA au monde.
Deux ans plus tard, alors qu'un autre Français, Ilian Bouafia (-93kg), s'apprête à tenter sa chance dans cet exercice si particulier (dans la nuit du mardi 12 au mercredi 13 août sur RMC Sport 1), le "Zulu Warrior" revient sur une expérience hors du commun, qui peut faire basculer en quelques minutes une carrière du bon ou du mauvais côté. L'occasion aussi de parler de l'UFC Paris, puisque Bolaji Oki affrontera le Gallois Mason Jones le samedi 6 septembre à l'Accor Arena de Bercy.
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Bolaji, vous avez battu le Français Dylan Salvador aux Dana White’s Contender Series en août 2023, ce qui vous a permis d’intégrer ensuite l’UFC. Comment vous êtes-vous retrouvé à Las Vegas, à passer cet "entretien d’embauche" dans une cage, devant Dana White?
C'était comme une surprise que mon coach et mes managers me préparaient parce qu'à la base, je devais boxer dans une autre organisation belge. C’était pour une ceinture, et en fait ils ont annulé l'événement. Donc j'étais dégoûté, en mode "Vas-y, je me suis préparé pour rien". Surtout que cette ceinture, c'est ce qu'on recherchait pour ensuite viser derrière les Dana White’s Contender Series. J’étais à l’entraînement, en train de me plaindre, et c’est là que mon coach m’a dit: "Ouais mais au moins la bonne nouvelle, c'est que tu vas à Vegas pour combattre aux DWCS". Je n’y croyais pas, j’étais super content. Et à partir de ce moment-là, je savais que ma vie allait changer, qu'il fallait vraiment tout donner.
On a commencé le camp d'entraînement à Bruxelles et ensuite on est parti à Vegas pour s’habituer au jet lag et se conditionner vraiment au temps de là-bas. On s’est entraîné un peu chez Xtreme Couture (la salle de l’ancien champion UFC Randy Couture, NDLR) où il y a d'autres combattants UFC. T’es vraiment en train de réaliser ton rêve, en fait. T'es en plein dedans, première fois que tu vas en Amérique, tu vois tout en grand, tu vas à l'Apex, tu vois toutes les images… La première fois que tu y mets les pieds, c'est vraiment quelque chose de spécial. Surtout quand tu te dis qu'il faut se battre pour avoir ta place.
Vous connaissiez le concept, on imagine. Vous aviez ciblé cette voie depuis longtemps pour entrer à l’UFC?
Oui, les Dana White’s Contender Series, c’était déjà assez connu. Il y a de bons combattants qui y sont passés. Sean O’Malley par exemple, aujourd’hui c’est une star mais il est passé par les DWCS. Il y a tellement de grands champions qui sont sortis de là, que je savais que c'était un moyen pour y arriver. À l'époque, j'étais à 7-1 (7 victoires, 1 défaite), et dès qu’on m’a parlé des Dana White’s Contender Series, je savais ce que c’était. Je savais qu'il fallait impressionner surtout, puisqu'il ne s'agit pas de juste gagner. Il faut vraiment impressionner Dana White. C'est le moment de montrer de quoi tu es capable, et de ne pas avoir de marche arrière, ni de frein.
Comment résumeriez-vous l’expérience à quelqu’un qui ne connait pas du tout?
On te donne ta chance avec un combat. Et si tu impressionnes, si tu fais un beau combat, à la clé il y a un contrat avec l’UFC. Comme je l’ai dit, il ne s’agit pas juste de gagner. Non. Tu dois gagner avec la manière, tu dois te faire remarquer. Et Dana White, le patron, est là pour voir ton combat. Donc ça aussi, c'est une dinguerie. C’est quand même Dana White, tu le vois à la TV, et tu te dis: "Il est là, il est en train de regarder mon combat…" Donc c'est vraiment ta chance. C'est vraiment l'entretien où tu donnes tout pour avoir le contrat.
On imagine que la pression est encore supérieure, ou du moins différente de celle pour un combat dans une organisation "classique". Si on se loupe, le train risque de ne plus jamais repasser…
Oui, tu as d'office cette pression-là, parce que tu te dis que c'est quand même la chance de ta vie, que tout peut changer. Surtout que l'adversaire qu’on t'envoie (le Français Dylan Salvador donc, NDLR), c’est quand même du solide. Il était favori par rapport à moi. Il avait un background de muay thaï, de kickboxing… Les gens savaient que c'était un pur striker. Moi aussi je suis un striker, mais bon, le monde ne me connaissait pas. Je n'avais pas accompli autant que lui. Donc les gens pensaient que j'allais perdre. Là il y a quelque chose dans ta tête, quelque chose de mental où tu te dis que même si tout le monde est contre toi, c'est ta chance, c'est ton rêve, et tu vas tout faire, tu vas tout donner pour le battre et y arriver. Donc il faut vraiment croire en soi, croire en ses rêves.
Quand tu démarres ton parcours en MMA, chaque combattant regarde l'UFC et rêve d'y arriver un jour. Moi je sais que je viens de loin. Et là (au moment du combat aux DWCS), je me dis que c’est la dernière porte que je dois ouvrir avant d'arriver là où je veux arriver. Tu te dis que c'est maintenant ou jamais, donc donne tout, peu importe. Et donc tu as d'office cette pression. Mais c’est une bonne pression en fait, où toi-même tu t’auto-encourages. Continue et vas-y, tout droit.
Est-ce qu’il n’y a pas un côté "injuste" à s’entraîner aussi dur et tout miser ou presque sur un combat? Pour vous, ça a basculé du bon côté, mais on a vu d’autres bons combattants qui se sont entraînés pendant des années, se sont loupés un soir et fini pour eux...
Encore une fois, c'est vraiment toi et ta chance. Chacun son combat. Quand on te donne ta chance, c'est à toi de la saisir. Et moi, je l'ai compris. C'est pour ça que je me suis entraîné comme jamais. Je faisais des rêves où je combattais, je visualisais mon KO plein de fois, les célébrations que j'allais faire. Mais une fois que t'es dans la cage, t'es dedans. Et après, ton corps il parle tout seul. Je me rappelle qu'après le fight, quand je l'ai mis KO, les émotions sont sorties, j'ai commencé à gueuler, à crier. C'est toute la tension que tu as, que tu relâches. Je n'arrivais pas à m'arrêter. Tout ce que tu as enduré, tous les sacrifices, tout le travail, toute la pression, te dire que tu l'as fait, c'est vraiment une sensation exceptionnelle.
C’est le plus beau moment de votre carrière, encore aujourd’hui?
Oui, franchement, entrer à l’UFC avec un KO, c’est le combat le plus mémorable pour moi. Maintenant à l’UFC j’y suis, je sais que j’ai encore des combats à faire, mais je sais que ça c’était un gros moment dans ma carrière.
Vous vous imposez au 1er round. Derrière, comment ça se passe ? Est-ce que Dana White ou les matchmakers viennent vous parler? Est-ce vous comprenez rapidement que vous allez obtenir un contrat?
Moi-même je savais. Je me suis dit: "S'ils ne me donnent pas le contrat, alors je ne comprends pas ce qu'il faut faire pour l’avoir." Donc sur le coup, je sais. Premier round, je l'ai mis KO avec une belle performance, des belles combinaisons… Juste après ça, on te met à un endroit où les gagnants peuvent s'asseoir en attendant de voir les autres combattre, en attendant la fin du show où il y a Dana White et la présentatrice qui disent qui est nommé, qui est pris, qui n'est pas pris. Et c'est à ce moment-là où tu attends tout simplement qu'on cite ton nom. C'est là où tu fais la rencontre de Dana White, où tu serres sa main. Lui-même est venu me féliciter après en me disant: "T'as fait un très beau combat, t’as mis KO un grand striker qui était favori". Il a beaucoup aimé la performance.
Est-ce qu’il y a un conseil à donner aux combattants qui préparent les Contender Series? Est-ce qu’on prépare ce combat comme un autre, ou est-ce qu’il faut faire en sorte d’être très actif dès le début, justement pour marquer les esprits?
Ce n'est pas un combat comme un autre. Après, chaque combat est différent, mais là, il faut se dire que c'est le combat de ta vie et que tu n'auras peut-être plus d'autre chance. Ça veut dire que tu dois mettre toutes tes chances de ton côté. Tu dois être super assidu, tu dois t'entraîner encore plus et avoir encore plus de volonté, plus de motivation, plus de hargne que d'habitude. Parce que là, t'es en train d'accomplir ce que t'as toujours voulu accomplir. C'est ton rêve. Donc, tu te dis que pour ton rêve, il y a des sacrifices à faire. Parfois, on peut très vite se mettre à l'aise en dehors de l'UFC, quand tu combats dans des organisations où tu commences à avoir l’habitude… Mais le niveau même de compétition n'est pas pareil. Si tu ne t'entraînes pas sérieusement, tu vas le payer cash. Parce que l'autre, derrière, il s'entraîne dur, fort, c'est exactement pareil pour lui. C'est aussi son rêve, et il veut aussi saisir sa chance. C'est vraiment celui qui le veut le plus, celui qui a donné le plus dans son camp d'entraînement.
Donc le conseil que je peux donner c’est vraiment: donne-toi plus que jamais, à fond. Il faut dépasser ses propres limites, physiquement et mentalement. Car c'est aussi très fort sur le plan mental, tu dois savoir gérer ce genre de pression, savoir performer dans un grand stress. Parfois, ça peut te bloquer et tu peux te sentir paralysé, ne plus savoir boxer comme tu sais. Il faut savoir se mettre dans sa bulle, et avoir confiance en soi.
Et être très agressif d’entrée dans la cage. On ne peut pas se permettre de prendre un round et demi d’observation...
Non, il faut savoir prendre des risques. Si tu es trop prudent, tu peux gagner, mais ce n’est pas sûr qu’ils te prennent…
Aujourd’hui vous êtes donc à l’UFC, avec deux victoires pour une défaite, et un combat annoncé à Paris le 6 septembre contre le Gallois Mason Jones. Comment vous l’imaginez ?
C’est un bon adversaire, il est complet, il aime bien striker, se bagarrer. Il est expérimenté aussi, ça va être un gros combat. On va tout donner. Je crois en moi, je sais que j'ai les outils pour le battre. En fait, c'est un bon matchup pour moi, pour prouver que je suis l'un des meilleurs et que potentiellement je peux très vite monter dans cette catégorie (des -70kg), qui est une catégorie de fous. Mais c'est ce qu'on kiffe. On est là pour affronter les meilleurs, c'est vraiment un pas de plus dans ma carrière.
Quels sont vos objectifs dans cette division des -70kg?
L’objectif est clair: c'est de commencer à être classé, d'arriver au top 10, top 5 et un jour devenir champion à mon tour. Il faut détrôner le Topuria (rires), il est en train de tout rafler. Toi t'es là, tu regardes ça, tu te dis: "Moi aussi, moi aussi!" Ça te motive, ça te donne envie de faire de grandes choses parce que voilà, c'est ta passion, c'est ton rêve.
Il y a deux Français en -70kg à l’UFC : Benoît Saint Denis et Farès Ziam. Est-ce que vous les connaissez? Est-ce que vous imaginez les affronter un jour, pourquoi pas à Paris?
Je connais très bien les deux. Farès Ziam, on a combattu dans la même organisation, à l’European Beatdown. C’est lui qui était devenu champion de ma catégorie avant de partir à l’UFC. C’est l’un des premiers de là où je combattais, avec Johnny Walker, à arriver à l’UFC. Tu vois ça, tu te dis: "Ah ouais". Donc je le suis de près, il fait du très beau boulot à l’UFC. On se respecte mutuellement mais je sais que c’est un adversaire que je pourrais potentiellement affronter en montant. Ce serait un beau fight, dans le respect. On pourrait faire un très beau combat.
Et Benoît Saint Denis, je le connais aussi, il était venu voir un de mes combats à l’Atomic. Quand j’ai battu Dylan Salvador, il m’a envoyé un message, il m’a dit: "Bienvenue à l’UFC". À chaque fois que je le croise, c’est un super bon gars, on a un bon feeling. On s’envoie de la force à chaque fois qu’on se voit. C’est le "dieu de la guerre", j’aime beaucoup. En fait moi je respecte tout le monde, mais je sais que si un jour on doit s’affronter, on s’affrontera. Je sais faire la part des choses entre un adversaire, un ennemi, un ami. Quand on arrive dans la cage, les portes se ferment, et on fait ce qu’on doit faire. C’est le boulot. En tout cas ce sont deux combattants que je respecte beaucoup et que j’encourage.
Est-ce que vous sentez que vous pouvez ouvrir la voie pour les combattants de Belgique?
Exactement. En arrivant à l’UFC, j’ai montré que si moi je peux le faire, on peut tous le faire. On a beaucoup de talents belges, et j’ai ouvert cette première porte. Donc les gars, à vous de performer et de faire en sorte qu’on vous voie, de décrocher ce contrat. Ça a motivé beaucoup de combattants belges. Eux-mêmes se disent que c’est possible.