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Trois rounds pour faire basculer sa carrière: Ilian Bouafia dans l'enfer des Dana White's Contender Series, l'antichambre de l'UFC

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Le combattant français Ilian Bouafia affrontera dans la nuit du mardi 12 au mercredi 13 août (à partir de 1h sur RMC Sport 1) le Brésilien Neemias Santana, aux Dana White's Contender Series à Las Vegas. À la clé: un potentiel contrat à l'UFC pour le vainqueur du combat. Mais pour le décrocher, il ne faut pas juste s'imposer. Il faut marquer les esprits, et convaincre Dana White en personne de vous recruter dans son organisation. Tout un programme.

Avant un entretien d’embauche pour un poste convoité, il y a ceux qui repassent leur plus belle chemise et préparent à l’avance leurs réponses à des questions extrêmement subversives ("Pourquoi notre entreprise?", "Où vous voyez-vous dans cinq ans?"). Et puis il y a ceux comme Ilian Bouafia, qui enfilent leurs mitaines, mettent leur protège-dents fétiche, et se préparent à briser un autre candidat, pour le plus grand plaisir des recruteurs.

Le combattant français de 28 ans s’apprête en effet à passer une entrevue un brin particulière. Dans la nuit de mardi 12 à mercredi 13 août (à partir de 1h sur RMC Sport 1), Bouafia va tenter sa chance aux Dana White’s Contender Series, ce programme télévisé qui peut vous offrir votre ticket d’entrée à l’UFC.

Le concept? Deux athlètes, en général de moins de 30 ans avec entre cinq et dix combats professionnels à leur actif, s’affrontent dans l’octogone de l’UFC Apex à Las Vegas, à huis clos… ou presque. Car au bord de la cage, une poignée d’hommes regardent attentivement le spectacle: Dana White, le patron de la première organisation planétaire de MMA (qui a modestement donné son nom au show), et ses matchmakers.

"Ce sont les meilleurs combattants non signés du monde. Je n’attends pas des victoires, j’attends des gens spéciaux", résumait le boss à l’été 2024.

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"Tu dois gagner avec la manière, tu dois te faire remarquer"

"Il ne s'agit pas de juste gagner, il faut vraiment impressionner Dana White", témoigne Bolaji Oki, combattant belge qui a réussi l’exercice avec brio il y a deux ans. "C'est le moment de montrer de quoi tu es capable, et de ne pas avoir de marche arrière, ni de frein. On te donne ta chance avec un combat. Si tu impressionnes, si tu fais un beau combat, à la clé il y a un contrat avec l’UFC. Tu dois gagner avec la manière, tu dois te faire remarquer. (…) C'est vraiment l'entretien où tu donnes tout pour avoir le contrat." Et malheur au perdant...

En août 2023, le "Zulu Warrior" de Bruxelles avait marqué les esprits en terrassant le striker lyonnais Dylan Salvador au 1er round (en -70kg). Depuis, deux autres Français ont combattu aux DWCS: Matthieu Letho Duclos (-84kg) en août 2024, et Islem Masraf (-93kg) en octobre 2024. Aucun des deux n’a vu le troisième round. Ce qui veut dire qu’Ilian Bouafia (6V, 0D), entraîné à Nice par Aldric Cassata, le coach de Manon Fiorot, peut devenir le premier fighter tricolore à entrer à l’UFC par la voie des Dana White’s Contender Series. Et marcher dans les pas de quelques-unes des vedettes de l’organisation passées par là, comme le champion des -77kg Jack Della Maddalena, l’ancien champion des -61kg Sean O’Malley, mais aussi les "Fighting Nerds" brésiliens Caio Borralho, Jean Silva, Mauricio Ruffy et Carlos Prates, ou encore Bo Nickal, Diego Lopes, Raul Rosas Jr…

Il lui faudra pour cela non seulement battre le Brésilien Neemias Santana (7V, 2D, 1N), mais aussi faire lever le pouce du Jules César du Nevada, l’homme qui a droit de vie ou de mort sur votre carrière. Avec le risque, vous l’aurez compris, de se louper sur une soirée, et de voir le rêve de l’UFC s’envoler à jamais. "C’est un one shot, on va te juger sur 15 minutes", confiait l’an passé Islem Masraf, à quelques jours de son combat contre le redoutable Artem Vakhitov. "C’est pour ça qu’on fait tout pour être en forme et bien le jour J, pour ne pas louper cette occasion. (…) J’ai fait énormément de sacrifices pour ça. Mais ça ne regarde que moi. Je sais que derrière ça peut changer ma vie et celle de mes enfants aussi." La dure loi du sport en a décidé autrement.

Briller au bon moment, devant la bonne personne, avec une pression intense

Pour Bolaji Oki, le destin a souri. Mais le discours sur la pression est le même. "Tu as d'office cette pression-là, parce que tu te dis que c'est quand même la chance de ta vie, que tout peut changer. Mais c’est une bonne pression en fait, où toi-même tu t’auto-encourages", raconte le combattant belge. "Ce n'est pas un combat comme un autre. Chaque combat est différent, mais là il faut se dire que c'est le combat de ta vie et que tu n'auras peut-être plus d'autre chance. Tu dois être super assidu, tu dois t'entraîner encore plus et avoir encore plus de volonté, plus de motivation, plus de hargne que d'habitude, que tout le temps en fait. Parce que là, t'es en train d'accomplir ce que t'as toujours voulu accomplir. C'est ton rêve. (…) Donc le conseil que je peux donner c’est vraiment: donne-toi plus que jamais, à fond. Il faut dépasser ses propres limites, physiquement et mentalement." Un deuxième point à ne surtout pas sous-estimer.

"C'est aussi très fort sur le plan mental, tu dois savoir gérer ce genre de pression, savoir performer dans un grand stress", poursuit Oki. "Parfois, ça peut te bloquer et tu peux te sentir paralysé."

À maintes reprises, de bons combattants donnés favoris mais bloqués par l’enjeu ont ainsi laissé passer le train. D’autres beaucoup moins talentueux ont à l’inverse saisi leur chance en sortant une finition "flashy" le bon soir, devant la bonne personne, pour filer à l’UFC sans y briller. C’est là toute l’injustice, ou l’intérêt, diront certains, des Dana White Contender’s Series. Car dans ce sport business, il s’agit aussi – en plus de recruter des combattants – de divertir les téléspectateurs. Ceux qui ont regardé la première saison du programme, en 2017, se souviennent ainsi que les combats (sur un flux secondaire) étaient commentés par Urijah Faber et Snoop Dogg sous marijuana.

La nouvelle voie privilégiée par l'UFC

À l’époque, Dana White ne distribuait qu’un ou deux contrats max par émission. Aujourd’hui, 80% des vainqueurs se voient récompensés. Il arrive même régulièrement que des perdants ayant fait bonne figure se voient offrir une deuxième chance aux DWCS, ou intègrent l’UFC quelques mois après leur défaite, en short notice.

"J’ai aussi pris des gars qui s’imposent sur décision", complétait Dana White il y a quelques mois.

"Chaque combat est différent. Vous n’êtes pas obligé de faire des finishs spectaculaires en étant outsider, il y a plein de facteurs qui entrent en jeu." Un discours plus nuancé qu’il y a huit ans, et qui témoigne aussi de l’ampleur prise par les DWCS. Alors que l’UFC renforçait par le passé son roster de multiples manières, en prospectant sur les circuits secondaires, en débauchant des combattants stars d’autres organisations, ou via son autre programme TV, The Ultimate Fighter (qui lui a perdu de sa superbe), la voie privilégiée aujourd’hui est clairement celle des Dana White’s Contender Series. Si dix évènements sont prévus pour cette année 2025, entre cette semaine et le 14 octobre prochain, Dana White et l’UFC aimeraient d’ailleurs allonger les saisons.

"S’il y avait assez de talents, je ferais les Contender Series 365 jours par an", a-t-il expliqué après l’UFC 317, fin juin. "Tant qu’il y a des talents, je peux le faire toutes les semaines, et pour toujours. J’aime trop ça."

Alors qu’on prête au boss de l’UFC une influence de moins en moins grande dans les prises de décisions stratégiques en coulisses, le show est aussi l’occasion pour lui d’affirmer son autorité, aux yeux du public et des combattants. Torrez Finney peut en témoigner, lui qui a servi de souffre-douleur en mondovision. En octobre 2023, le middleweight américain avait gagné son premier combat aux DWCS par soumission, sans se voir proposer de contrat. Revenu dans l’octogone en août 2024 pour une deuxième tentative, il s’était encore imposé, cette fois sur décision. Ce qui ne lui avait toujours pas valu de contrat... mais une humiliation publique.

"Tu sais, je suis toujours très honnête", lui avait lancé Dana White au moment du verdict, en fin d’émission. "Tu te ferais assassiner à l'UFC avec la performance que tu as produite. Ta performance de l'année dernière était meilleure que celle d'aujourd'hui. (…) Tu t’es épuisé ce soir, tu as eu du mal à tenir les trois rounds, tu n’es pas prêt. Alors va faire des combats ailleurs, et reviens nous voir." Sept petites semaines plus tard, en octobre 2024, Finney était de retour aux DWCS… pour une troisième victoire. Une finition au premier round qui, enfin, lui avait permis de recevoir son précieux papier, et d’intégrer l’UFC. On souhaite à Ilian Bouafia la même fin, pas forcément le même chemin.

https://twitter.com/clementchaillou Clément Chaillou Journaliste RMC Sport