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UFC 268: Rose Namajunas, la tête à l’endroit

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Première femme à reconquérir un titre dans l’histoire de l’UFC, Rose Namajunas remet sa ceinture en jeu contre celle qu’elle a détrônée, la Chinoise Zhang Weili, ce week-end à New York lors de l’événement UFC 268 (en direct à partir de 3h sur RMC Sport Live 3). Un deuxième règne entamé avec une nouvelle forme de sérénité par l’Américaine qui n’avait pas supporté la pression lors du premier.

L’image avait symbolisé son retour sur le trône. Juste avant de défier Zhang Weili pour la ceinture des pailles en avril dernier, quand Bruce Buffer égrainait son CV au micro à l’amorce du co-main event de l’UFC 261, Rose Namajunas se répétait quelques mots: "Je suis la meilleure! Je suis la meilleure!" A peine trois minutes plus tard et l’Américaine d’origine lituanienne l’avait prouvé. Un coup de pied à la tête en forme d’œuvre d’art, sans appel, ultra précis, avec feinte de le lancer vers les jambes avant de rebasculer ver le haut, avait envoyé la championne chinoise au tapis.

Quelques secondes plus tard, "Thug Rose" (son surnom) pouvait s’écrouler en larmes. Avec un titre à jamais sa propriété: première femme de l’histoire de l’UFC à reconquérir une ceinture. Qu'elle va défendre pour la première fois ce samedi soir lors de l'UFC 268 dans l'écrin du Madison Square Garden avec une revanche contre Zhang Weili. Championne de novembre 2017 à mai 2019, entre sa victoire surprise sur Joanna Jedrzejczyk à l’UFC 2017, confirmée en dominant la Polonaise sur cinq rounds cinq mois plus tard, et sa violente défaite contre la Brésilienne Jessica Andrade à l’UFC 237, Namajunas avait avoué ne pas avoir supporté la pression de ce premier règne. Comme soulagée d’avoir pu retirer ce poids alors trop lourd pour ses épaules et qui avait entamé sa santé mentale.

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"Je me sentais comme enchaînée, explique-t-elle au micro de l’émission The MMA Hour. J’étais dans un mode 'je dois combattre' au lieu de penser 'c’est ce qui me motive, c’est ce que je veux faire'." Âgée de vingt-cinq ans lors de sa première victoire pour le titre, l’ancienne adolescente à problèmes du Wisconsin n’avait pas su maitriser l’idée d’être championne. L’idée d’avoir atteint le sommet. "J’avais tellement peur que ça me change et que ça change les choses autour de moi que c’est ce qui a fini par arriver, analysait-elle il y a quelques mois pour ESPN. Je me suis répété 'ça ne veut rien dire' et j’ai fini par donner à tout ça une bien trop grande importance. C’est quelque chose que je veux pouvoir contrôler."

"J'ai reçu ce don d'être la meilleure"

L’envie de retraite l’avait plus que traversée. Il a fallu se convaincre de repartir au combat. Il a aussi fallu convaincre les autres. Jusqu’au patron de l’UFC, Dana White, qui n’avait pas hésité à déclarer l’hiver dernier qu’elle "ne (voulait) pas se battre pour le titre" alors qu’on espérait la voir défier Zhang Weili après avoir pris sa revanche sur Andrade à l’été 2020. Son entourage a nié et White a fini par lui offrir sa chance. Transformée en triomphe en devenant la première à battre la combattante chinoise à l’UFC, mais aussi la première à lui infliger un KO, et en brisant sa série de vingt-et-une victoires consécutives.

Restait la question. Comment allait-elle gérer ce deuxième règne? Bien mieux. Du temps a passé et Rose a encore poussé. Aidée par les siens, par son coach Trevor Wittman (un des meilleurs du moment, qui s’occupe aussi du champion des welters Kamaru Usman et de l'ancien challenger pour le titre des légers Justin Gaethje, eux aussi présents sur la carte de l’UFC 268) et son coach-fiancé Pat Barry, elle a surtout accepté qui elle était. Dans toute sa grandeur. "Je suis plus mature et je sais ce que je peux faire pour ma famille et moi. Et je crois que je suis destinée à être la meilleure. Je crois que j’ai reçu ce don d’être la meilleure. Ce n’est pas naturel pour ma personnalité mais c’est quelque chose que je sens, quelque chose que je suis destinée à être."

Mieux dans ses pompes, mieux dans sa peau, l’Américaine qui avait combattu pour le titre pour la première fois pour son inauguration en 2014, battue par Carla Esparza, peut enfin vivre va vie de championne sans en subir le poids. "Quand tu chasses la ceinture et que tu en approches, tu ne réalises pas la pression qui va avec, toutes ces responsabilités supplémentaires, note-t-elle. Mais avec le temps, tu apprends à dire non. Tu apprends à prioriser ton temps, tu t’assures de toujours prioriser ton entraînement. Il ne faut jamais se croire arrivée. C’est juste une autre marche sur l’escalier."

Rose Namajunas terrasse Zhang Weili à l'UFC 261
Rose Namajunas terrasse Zhang Weili à l'UFC 261 © AFP

Très croyante, Namajunas s’en remet aussi au ciel: "J’ai foi dans ce pouvoir supérieur qui fait que les choses arrivent pour une bonne raison. Je crois en moi, en ma vision, en mon contrôle sur mes émotions." Une philosophie qui porte ses fruits. "Ce deuxième règne est un peu plus facile, se félicite-t-elle pour ESPN. C’est toujours compliqué, bien sûr, et ça fait peur. On en revient à ce que j’appelle les cinq C: confiance, condition physique, calme, contentement et championne. C’est ce qui m’a apporté la ceinture et ce qui va me permettre de la garder."

Rose dans son jardin

Et de compléter sur le site de l’UFC: "J’obtiens beaucoup plus de mes entraînements désormais. Je ne suis plus obsédée par le résultat. Je suis beaucoup plus dans le moment présent, à prendre du plaisir. Quand je fais ça, je suis meilleure et j’obtiens les résultats que je veux. Mes adversaires vont avoir beaucoup de mal avec moi maintenant que je suis dans cet état d’esprit." Le symbole de cette sérénité se trouve dans un jardin communautaire. Le bien nommé Rose Roots Community Garden, près de Denver (Colorado), là où la combattante qui déménage dans la cage vient chercher douceur et quiétude en s’occupant depuis deux ans de deux petites parcelles où elle fait pousser ses propres légumes.

Au menu? Piments banane, pousses de brocoli et son favori, le chou kale. Et un parallèle avec son métier. "Le jardinage me donne un sens du contrôle sur ma vie que je retrouve dans les arts martiaux, détaille-t-elle. C’est quelque chose qui me fait du bien. Je rate parfois un arrosage à cause de l’entraînement mais je suis toujours heureuse de venir. Je suis moins motivée quand je dois me lever tôt pour ça mais une fois que j’y suis, je me sens comblée." Loin de ses plantes, dans un Madison Square Garden qui s’annonce bouillant, il est désormais l’heure de défendre sa couronne.

Dans l’histoire de l’UFC, les vainqueurs de la première manche s’imposent le plus souvent dans les revanches (69-44-2). Mais quand le premier combat a duré moins d’une minute trente, comme c’était le cas face à Zhang Weili, le ratio s’inverse avec 5-3 en faveur du perdant de la première. Sa rivale chinoise, qui avait expliqué sa défaite par les huées du public attribuées aux critiques de Namajunas sur le communisme (qui a fait des victimes dans sa famille), arrive à New York motivée à retrouver le trône, avec des cheveux coupés court – comme l’Américaine l’a fait dans le passé – et des idées neuves après avoir rejoint le camp Fight Ready en Arizona où elle a notamment été prise en charge par Henry Cejudo, ancien champion olympique de lutte et ancien double champion (coqs et mouches) de l’UFC.

Zhang cherchera sans doute à durcir le combat avec son physique, à emmener son adversaire "à la bagarre", à tenter de l’envoyer au sol. La championne, elle, comptera sur son striking de très haut niveau encore vu dans son coup de pied à la tête du premier combat et qui continue de s’améliorer auprès de coach Wittman. "Il y a feintes, son jab qu’elle peut aussi transformer en crochet, s’extasie Israel Adesanya, champion des moyens de l’UFC qui s’y connaît en pieds-poings (il vient du kickboxing), sur sa chaîne YouTube. Et sa meilleure arme pour ce combat : son jeu de jambes, sa façon de rebondir qui lui permet de feinter, parfois même avec un double rebond. J'aime aussi le placement de ses mains. Elles sont hautes mais toujours prêtes à l’action, pas trop rigides, très fluides. Elle sait utiliser sa gestion de la distance et son jeu de jambes pour venir frapper puis sortir et elle doit le faire. Pareil avec les coups de pied intérieurs."

Des armes qui doivent servir à confirmer son "je suis la meilleure" depuis repris en credo par d’autres comme le champion des mouches Brandon Moreno. "Ces mots sont puissants quand vous y croyez vraiment car vous avez suffisamment travaillé pour ça, quand cette croyance rencontre votre connaissance de vous-même, pointe Namajunas. J’étais déjà dangereuse la première fois que j’étais championne mais je le suis bien plus aujourd’hui. Je suis invincible tant que je donne mon meilleur. Je peux partir en me disant que je peux me regarder dans la glace et c’est ce qui me rend heureuse." Le bonheur pour elle. Le danger pour celles en face.

https://twitter.com/LexaB Alexandre Herbinet Journaliste RMC Sport