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Après son record à 6,30m, Duplantis un jour à 6,40m? Pourquoi les perchistes français sont sceptiques

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Armand Duplantis avait fracassé la barre mythique et inimaginable de 6,20m, à Belgrade il y a 3 ans, et le prodige suédois vient déjà de faire tomber celle des 6,30m à Tokyo. Le désormais triple champion du monde s’envolera-t-il un jour à 6,40m? Les perchistes français sont dubitatifs sur la faisabilité d’un tel exploit. "Plus la barre monte, moins il y a de place", estime Renaud Lavillenie. Après concertation, les tricolores finalistes au Japon pensent que la limite pourrait se situer entre 6,32m et 6,35m.

Si "Mondo" Duplantis repousse les limites vers le ciel, Renaud Lavillenie prend plaisir à repousser les records de longévité. A bientôt 39 ans (il les aura le 18 septembre), le Clermontois est officiellement devenu le plus vieux finaliste mondial de l’histoire de la perche en terminant 8e avec un saut à 5,75m, lundi à Tokyo. Et si Duplantis l’a effacé des tablettes des records du monde depuis longtemps maintenant, Lavillenie ne se lasse pas de voir le Suédois fracassé sa discipline. "Il faut admirer ce qu’il vient de se passer déjà. Il est exceptionnel car il arrive à être à son niveau ultime le jour où il y a le plus de pression. C’est la deuxième barre mythique qu’il casse, après les 6,20m. C’est le meilleur athlète du monde, toutes disciplines confondues, pas un ne lui arrive à la cheville."

"Il est à la limite, ça ne passe qu’au 3e essai"

Cependant, Renaud Lavillenie n’a pas encore envie de savoir si les records vont continuer à tomber les uns après les autres. "Jusqu’où il ira? Je n’en sais rien et on s’en fout! Il faut savourer. Peut-être que c’est le dernier, peut-être y’en aura t-il encore X derrière". Il admet malgré tout que chaque centimètre désormais va compter double, voire triple. "On voit que plus la barre monte, plus il touche, moins il y a d’espace". Les deux autres finalistes français, Thibault Collet (5e, 5,90m) et Ethan Cormont (11e, 5,55m) ont discuté entre eux de la faisabilité d’aller toucher les 6,40m. "On arrive un peu à la limite, Duplantis a repris un peu de levier pour faire 6,30m mais il va arriver aux centimètres très compliqués à gagner. Je pense qu’entre 32 et 35, ça devrait être très dur. On le voit ici, les barres bougent, il est à la limite, ça ne passe qu’au 3e essai."

Derrière Duplantis, la finale la plus relevée de l’histoire

Le principal intéressé répond de manière toujours très polie, et tel l’Américain de naissance qu’il est, Armand Duplantis ne dira jamais qu’il ne vise pas plus haut. "C’est un nouveau jalon pour mon sport. Avoir réussi à le faire ici à Tokyo, avec mon troisième titre mondial, c’est vraiment très spécial. Il y a encore beaucoup à faire et je vais simplement continuer à aller de l’avant." Ce qui est certain, c’est que "Mondo" emmène tout le monde dans son sillage. Cette finale mondiale a été la plus relevée de l’histoire avec 7 sauteurs à 5,90m et plus. Thibault Collet, déjà 5e à Budapest en 2023, a du mal à digérer. "On a une génération folle, c’est juste dingue. Et difficile à accepter. Je suis à mon meilleur niveau, et je prends 40cm par le recordman du monde. C’est dur... Duplantis fait péter les verrous. Avant, avec 5,90m, tu étais sur le podium, aujourd’hui il faut faire plus. Mais je ne vais pas lâcher."

Copier la technique Duplantis, Cormont a essayé: "J’ai failli me tuer!"

Dans cette configuration, Armand Duplantis est-il déprimant pour les autres perchistes ou une réelle source d’inspiration? Ethan Cormont a tranché, c’est impossible de s’en inspirer. "Sa technique lui est vraiment propre. Il arrive tellement vite, on ne s’en rend pas compte, les gens ne s’en rendent pas compte… Nous, on court vite déjà, de base. Mais lui nous met une pilule! Il est à 10"30 sur 100m quand il arrive sur le butoir." Un pur sprinteur avec une pointe de vitesse qui fait sa marque de fabrique et la réelle différence. Sans compter une technique ciselée depuis son plus jeune âge, dans le jardin de son perchiste de père. "Il fait glisser la perche juste avant le butoir. Moi, j’ai fait la même chose à mon deuxième essai à 5,75m, j’ai failli me tuer. C’est juste un autre level, et c’est plaisant à regarder."

Aurélien Tiercin, à Tokyo