Athlétisme (championnats d'Europe): Chaussinand-Bigot, un marteau français enfin à deux têtes

"Je serais inconscient de dire que je ne suis pas inquiet", avoue Quentin Bigot. Son record à plus de 80m en 2022 paraît très loin. "A moins d’un mois de la date limite de qualification pour les Jeux olympiques de Paris 2024 (26 juillet-11 août), c’est inquiétant. Je n’ai jamais été aussi fort en musculation, les tests de vitesse sont bons. Mais le marteau, ça se joue à rien, à un millième de seconde pour lâcher. Et je manque de pied."
Depuis son opération début 2023 d’une hernie discale qui le faisait souffrir terriblement, la connexion nerveuse entre le cerveau et le pied d’appui est difficile. Viser la médaille européenne n’est pas concevable pour Quentin Bigot, et même les minima olympiques fixés à 78m20 paraissent compliqués à atteindre.
"Je n’y pense même pas, je veux déjà faire des bons championnats d’Europe. Et puis, il y a le ranking pour aller aux JO, je suis très proche du top 24 mondial. Avec les qualifications et la finale, je vais marquer des points. Il faut se concentrer là-dessus." Bigot a validé sa place de finaliste grâce à un jet à 75m29, à peu près dans ses projections.
Chaussinand: "Ça reflète enfin ma valeur"
Le doute du Messin est à l’opposé de la grande carcasse souriante de Yann Chaussinand dans les coursives du Stadio Olimpico. En combinaison pantalon et lunettes de soleil immenses, le lanceur clermontois vit la meilleure période de sa carrière. Il s’est d’ailleurs enfin qualifié pour une finale internationale, avec le 4e jet des qualifications (76m84).
"Tout va bien, je suis serein. Ça reflète enfin ma valeur, c’est de bon augure pour la suite. Depuis septembre dernier, je m’entraîne avec mon père (David Chaussinand, ancien lanceur international) et je m’exprime mieux, je suis plus confiant."
Le grand espoir confirme enfin avec trois lancers au-delà des minima olympiques depuis le début de saison et peut préparer les Jeux de Paris tranquillement. "J’ai passé un cap et au marteau, on arrive à maturité à 30 ans, ce qui laisse le temps de faire les choses bien. Pourquoi ne pas être un prétendant à la médaille dès maintenant."
"Deux lanceurs internationaux, c’est la normalité pour la France"
Les deux lanceurs de marteau ne sont pas les meilleurs amis du monde mais tous les deux conviennent qu’une concurrence nationale les servira en grande compétition. Quentin Bigot est rassuré de voir enfin la relève. "Evidemment qu’il allait passer le pas mais c’était anormal que je sois seul depuis 10 ans. Deux lanceurs internationaux, c’est la normalité pour la France. Je suis content pour lui, on est l’équipe de France."
Le plus jeune a dépassé le taulier cette année mais mise sur la bagarre pour aller plus loin. "Je vis cette adversité de la bonne manière, ça crée une dynamique et ça permet de ne pas se reposer sur ses lauriers." Pas de quoi non plus voir un duo main dans la main. "Il revient de blessure et il a un parcours un peu particulier dans l’athlé donc… (Bigot a été suspendu deux ans en 2014 pour dopage)."
Face aux deux tricolores, la concurrence sera rude, l’Europe étant le centre névralgique du marteau mondial. Le Polonais Wojciech Nowicki, champion olympique en titre, faisant toujours figure de favori.