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Athlétisme: Les athlètes français laissés sur le bas-côté par une Fédération dans le brouillard

Depuis un mois, la fédération française d’athlétisme navigue à vue. Sans directeur technique national ni directeur de la haute-performance, aucune décision sur le plan sportif n’est prise. Pas de stage, pas de budget alloué, les athlètes tricolores doivent se débrouiller. Si les stars comme Mayer ou Lavillenie ont les moyens de s’autogérer, c’est beaucoup plus compliqué pour les autres.

Dans à peine plus de 1.000 jours, les Jeux olympiques de Paris 2024 s’ouvriront. Et en France, l’encéphalogramme de l’athlétisme, sport numéro un des JO, est désespérément plat. Depuis le 15 septembre et le départ du directeur de la haute performance Florian Rousseau, il ne se passe plus rien sur le plan sportif. Son remplaçant n’est toujours pas connu, et comme la FFA n’a toujours pas trouvé son DTN, l’inertie est totale. L’Agence Nationale du Sport, présidée par Claude Onesta, a tiré la sonnette d’alarme et va "piloter la voiture à deux" avec André Giraud, le président de la Fédération. Sauf qu’en attendant le candidat idéal (le choix Patrick Ranvier, porté par André Giraud, a été repoussé par le ministère des Sports), c’est le système D pour les athlètes français.

Pas de stage, pas de budget défini…

"On est dans l’expectative. Aucun stage n’est planifié, on ne sait pas quels seront les budgets pour la saison 2022…". Sébastien Gamel, notamment entraîneur des deux olympiens en demi-fond Djilali Bedrani et Benjamin Robert, espère un dénouement rapide de cette impasse. "On a repris l’entraînement depuis plusieurs semaines et on doit gérer nous-mêmes. J’ai fait un débrief avec Romain Barras et Mehdi Baala, l’encadrement de la Fédé, mais ils ne peuvent rien nous dire pour le moment". L’entraîneur toulousain se démène pour organiser sa saison, il a calé un stage à Font-Romeu en ce moment, puis ce sera le Kenya en janvier. Mais l’argent pourrait manquer. "Sans aide financière de la Fédération, on doit trouver des partenariats locaux. J’espère qu’on va y arriver. Mais ce serait bien que les choses se décantent vite".

Une préparation pour 2022 chacun dans son coin

Outre l’aspect financier, les athlètes se sentent également esseulés dans leur préparation. Alexis Miellet, triple champion de France du 1500m et olympien à Tokyo, regrette de devoir gérer "solo". "J’ai zéro info. Pas de stage d’ici la fin d’année. Donc je dois me débrouiller pour la saison de cross qui arrive. Je vais aller à Montpellier une dizaine de jours avec le groupe de Bruno Gajer. Mais ce n’est pas comme un stage national. Avec la Fédération, tout est calé, on peut se concentrer sur le sportif". Cette fois, le Dijonnais doit gérer la logistique lui-même, les transports mais aussi les réservations de créneaux horaires sur les pistes, dans les salles de musculation. Des devoirs chronophages et énergivores. Et l’ambiance équipe de France manque également pour ces athlètes dispersés aux quatre coins du pays. "Je ne lis même plus ce qui se dit sur la FFA…. Je n’ai pas envie de déprimer en voyant ça". En attendant que ça bouge dans les bureaux à Paris, un coureur comme Alexis Miellet, chance de finale olympique en 2024, n’a aucune idée de ce qu’il fera en 2022.

Mayer ou Lavillenie habitués à se préparer seuls

Pour les stars de l’athlétisme, la donne est différente. Habitués à organiser leur saison avec leur staff personnel, le brouillard à la Fédération ne les déstabilise pas. Renaud Lavillenie ou Kevin Mayer suivent cela de très loin selon leur entourage. Il n’y a pas d’urgence de leur côté. Le recordman du décathlon réfléchit d’ailleurs encore à son stage du mois de décembre. Vice-champion du Monde au Qatar en 2019, Quentin Bigot ne stresse pas non plus. "On sent que c’est brouillon mais on a tous nos habitudes de stage. Je vais à Barcelone en novembre puis en Afrique du Sud en janvier. J’ai quand même échangé avec Romain Barras, qui reste un référent à la FFA". L’ancien champion d’Europe du décathlon Romain Barras est d’ailleurs un des choix possibles pour reprendre le rôle de directeur de la haute performance. Dans l’ensemble, le monde de l’athlétisme français préfère attendre encore un peu et que le choix du futur DTN et directeur de la haute performance soit clair et bien réfléchi, pour enfin avancer sereinement vers les Jeux Olympiques de Paris.

Aurelien Tiercin